Prématurité : un impact à vie sur la santé
Chez les personnes nées prématurées, la santé est généralement moins bonne tout au long de la vie, aussi bien au niveau pulmonaire, cardiovasculaire que métabolique.
En légère baisse ces dernières années, le taux de prématurité (avant 37 semaines) était de 6,6% des naissances vivantes en 2022, tandis que celui de grande et très grande prématurités (avant 32 semaines) stagne autour de 1%. Selon la Pre Alice Hadchouel-Duvergé, du service de pneumologie et allergologie pédiatriques de l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris 15e), la question du devenir de ces enfants « va être de plus en plus proéminente, du fait que nous les prenons mieux en charge, de plus en plus tôt ».
En raison de leur immaturité pulmonaire à la naissance, les enfants prématurés sont bien plus à risque de développer des maladies respiratoires plus tard dans la vie. Pour l’asthme, le risque est doublé, voire triplé, chez ceux nés avant 31 semaines, et ce aussi bien chez les 18-29 ans que chez les 30-50 ans, selon une récente étude scandinave (1). La situation est encore plus critique pour la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), avec un risque multiplié par 7,44 chez les adultes de 30-50 ans, lorsqu’ils sont nés avant 28 semaines de grossesse.
Selon Alice Hadchouel-Duvergé, « on peut rattraper son poids et sa taille, mais pas sa fonction respiratoire : ces enfants, ces adolescents puis ces adultes atteignent un capital maximal respiratoire plus bas qu’un adulte né à terme. Sans pour autant franchir le seuil pathologique… mais s’ils subissent en plus des expositions environnementales néfastes, comme le tabagisme, le déclin de leur fonction respiratoire va être tel qu’ils développeront plus précocement une BPCO ». D’autres travaux suggèrent que le devenir respiratoire des prématurés s’est toutefois amélioré au cours des dernières décennies, notamment depuis l’arrivée, au début des années 1990, du surfactant dans la prise en charge des prématurés (2).
Une croissance pulmonaire contrariée
"Nous avons fait beaucoup de progrès dans la prise en charge de ces nouveau-nés, mais dans le même temps nous parvenons à les ranimer à un stade de plus en plus précoce. Ce qui fait que, malgré l’amélioration de la prise en charge, il y a un risque persistant d’altération respiratoire, et ce quelle que soit la prise en charge", explique Alice Hadchouel-Duvergé. D’autant que, au-delà de l’immaturité pulmonaire à la naissance, la prématurité interfère avec la croissance pulmonaire de l’enfant et de l’adolescent, via une diminution du calibre des voies aériennes et de la surface d’échange gazeux - du fait d’une hypoalvéolisation.
Au-delà de la fonction pulmonaire, d’autres travaux ont mis en évidence chez les prématurés devenus adultes un risque accru d’hypertension, de diabètes de type 1 et de type 2, de maladie rénale chronique, de troubles lipidiques, d’apnée du sommeil, d’insuffisance cardiaque (3). De même, ils présentent un surrisque de décès d’origine cardiovasculaire, dont l’ampleur s’accroît avec le degré de prématurité.
Face au fardeau pulmonaire et cardiovasculaire de la prématurité, « il faut probablement pousser les anciens prématurés à ne pas refuser de faire du sport, et même les inciter à en faire beaucoup plus », estime le Pr Jean-Christophe Rozé, professeur de pédiatrie à l’université de Nantes. Selon des études observationnelles, cette population, plus facilement essoufflée, s’avère en effet plus réticente à pratiquer une activité physique (4). A tort, estiment les experts : selon une récente étude canadienne, une pratique sportive régulière entraîne les mêmes gains de capacité aérobie chez de jeunes adultes nés prématurés que chez ceux nés à terme (5).
Les autres articles du dossier :
- Santé pédiatrique : l’inquiétude grandit chez les soignants
- Mort inattendue du nourrisson : à la recherche de biomarqueurs
- Maladies rares : le nouvel essor du dépistage néonatal
- Bronchiolite : les contours incertains de la prochaine saison
- Fièvre de l’enfant : vers un algorithme d’aide à la décision
- Otite moyenne aigue : une maladie bénigne, mais à ne pas sous-estimer
- Chez les enfants, un déséquilibre alimentaire sociétal
Références :
Congrès annuel de la Société française de pédiatrie (SFP, Nantes,15 -17 mai). D’après les présentations de la Pre Alice Hachouel-Duvergé (hôpital Necker-Enfants Malades, Paris 15e) et du Pr Jean-Christophe Rozé (Université de Nantes), lors de la table ronde « Comment vont les anciens prématurés à l’âge adulte ? ».
- Indicateurs de santé périnatale 2022, Drees, 28 novembre 2023,
(1) Pulakka A et al., European Respiratory Journal, 22 juin 2023
(2) Kotecha SJ et al., JAMA Pediatrics, 27 juin 2022
(3) Crump C, Early Human Development, 9 septembre 2020
(4) Yang J et al., American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 1er janvier 2022
(5) Tardif CB et al., Medicine & Science in Sports & Exercise, 30 août 2023
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus