Prématurité : les risques sont multiples, même en cas de prématurité modérée
Même si la majorité de ces enfants ont un développement de bonne qualité, la vigilance reste de mise tout au long du développement.
En France, environ 7 % des enfants naissent prématurément, dont 85 % entre 32 et 36 semaines d'aménorrhée (SA) et 10 % entre la 27e et la 31e semaine. Tous sont exposés à un risque de morbidité néonatale et à des troubles neurodéveloppementaux accrus par rapport à ceux nés à terme.
Trois problématiques figurent au centre des préoccupations : la courbe de croissance, le risque d'infections notamment respiratoires et d’asthme, et les troubles neurodéveloppementaux. Mais la prématurité, même modérée, reste un facteur de risque pour d'autres troubles, parmi lesquels les troubles du sommeil et les troubles digestifs constituent des plaintes fréquentes au cours des premiers mois de vie. Il est donc crucial de formaliser le suivi de ces enfants, quel que soit le degré de prématurité. « Ce suivi doit être organisé autour des visites à 1, 3, 6, 9, 12, 18, et 24 mois de l’enfant » recommande la Dre Véronique Pierrat, pédiatre néonatologiste (Centre hospitalier intercommunal de Créteil). La prévention, le dépistage et la prise en charge doivent alors s'articuler autour de l'âge corrigé de l'enfant, c'est-à-dire en soustrayant le nombre de semaines de prématurité à son âge réel. « Ce calcul doit être respecté jusqu'à la fin de la deuxième année. Seule la vaccination reste basée sur l'âge civil de l'enfant ».
Des troubles neurodéveloppementaux dans 45 % des prématurités moyennes et tardives
Un retard de croissance staturopondéral peut demander jusqu’à 2 ans pour disparaître. Dans le délai, l'allaitement et son maintien doivent être encouragés. Dans le même ordre d’idée, un ajustement de la diversification alimentaire peut être nécessaire. Quant aux troubles de l'oralité et aux troubles digestifs, ils doivent être repérés et pris en charge pour ne pas aggraver un retard existant et entraver la reprise d’une croissance normale.
De plus en plus de données confirment que même les enfants prématurés tardifs (34-36 SA) conservent une vulnérabilité respiratoire par rapport à ceux nés à terme. Ils sont plus susceptibles de développer une infection respiratoire (basse, VRS, bronchiolites) et leur risque d’asthme est légèrement accru durant l’enfance, avec une vulnérabilité intermédiaire entre les plus grands prématurés et les enfants nés à terme. La plupart de ces anomalies semble heureusement s’estomper à l’adolescence. Outre les vaccinations basées sur le calendrier vaccinal recommandé aux enfants prématurés, il est nécessaire de sensibiliser les parents à l’importance de la vaccination en cocon et de la pertinence à décaler au printemps l’entrée de l’enfant dans un mode de garde collectif.
Sur le plan neurodéveloppemental, la prématurité constitue un facteur de risque de troubles du langage, troubles du comportement et de l’attention, et de paralysie cérébrale. Généralement, c'est durant les premières années que les troubles majeurs sont diagnostiqués mais même après 4 ans, l'enfant reste à risque de manifester des troubles plus modérés. Les données de la cohorte française Epipage 2 qui a suivi plus de 5 000 enfants nés prématurés en 2011 révèlent qu'à 5 ans et demi, la majorité se portent bien. Mais 45 % de ceux nés entre 32 et 36 SA, ainsi que 54 % de ceux nés entre 27 et 31 SA, ont des troubles neurodéveloppementaux. Si la majorité sont minimes, ils peuvent avoir un impact significatif sur la vie quotidienne de l’enfant et de sa famille. Or, la majorité ne bénéficient pas d'un accompagnement spécifique (orthophoniste, psychomotricien...). « Même si la majorité des enfants ont un QI dans la moyenne attendue pour l’âge, à l’échelle de la population, le quotient intellectuel moyen est légèrement inférieur à celui des enfants nés à terme » complète la pédiatre. L’enjeu doit donc être pris en considération dès la naissance : dans les services, les programmes NIDCAP (Programme Néonatal Individualisé d’Evaluation et de Soins de Développement) favorisent la réduction des sources de stress et insistent sur la présence des parents. En ce sens, « l’allaitement, le peau à peau et l’interaction entre les parents, est bénéfique au neurodéveloppement de l’enfant ».
« Au cours du suivi, l'utilisation de l'ASQ (Ages and Stages Questionnaires) peut aider à objectiver l'évolution de l'enfant : il comporte 30 questions relatives à la motricité globale et fine, la résolution de problème, les aptitudes relationnelles et sociales. « Rempli par les parents avant les consultations, l’ASQ facilite le dialogue et permet au médecin de confronter ses observations sur celle des parents » soutient Véronique Pierrat.
Ne pas minimiser les difficultés des parents
Du côté parental, les difficultés d'attachement, les troubles dépressifs et les situations de stress post-traumatique des parents ne doivent pas être négligés et relèvent parfois d’une prise en charge. Outre le suivi médical par le médecin généraliste, le soutien des associations de parents, comme SOS Préma ou Jumeaux et plus, peut être très précieux pour eux, car ces dernières peuvent proposer de l’information, du soutien, et de l’écoute. Par ailleurs, malgré les difficultés de plus en plus grandes à couvrir tout le territoire, les Protection Maternelle et Infantile (PMI) constituent des structures essentielles pour le suivi des enfants, en jouant notamment un rôle complémentaire dans l'accompagnement des enfants vulnérables. Beaucoup de parents ignorent ou sous-estiment leur utilité, complémentaire à celle des médecins généralistes. Quant à ces derniers, les réseaux régionaux de santé des enfants nés vulnérables (pour les enfants nés avant 32SA, ou pour les moins grands prématurés lorsqu’il existe d’autres facteurs de risque) peuvent constituer des ressources utiles pour obtenir des outils d'évaluation, des conseils d'orientation et accéder à des formations spécifiques.
Au sommaire de ce dossier :
- Écrans : aboutir à un usage raisonné
- Céphalées de l’enfant : connaitre les "drapeaux rouges"
- Infections à streptocoque A : privilégier l’amoxicilline
- Risque suicidaire : la détection des signes précoces doit être considérablement renforcée
- Création d’une Société française du TDAH pour tordre le cou aux préjugés
Références :
D’après un entretien avec la Dre Véronique Pierrat, pédiatre néonatologiste (Centre hospitalier intercommunal de Créteil).
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