
Fermetures des cabinets, arrêt des gardes.... Comment se prépare la grève des médecins ?
Les étudiants et jeunes médecins ont officialisé, ce mercredi 16 avril, leur appel à une grève illimitée à partir du 28 avril prochain contre la proposition de loi Garot. Ce mouvement est soutenu par les représentants des praticiens "seniors", qui se sont toutefois montrés assez flous sur leur degré d'implication dans ce mouvement. Si certains appellent à fermer les cabinets, d'autres sont plus réservés.

Une union totale de la profession : c'est l'image que souhaitaient afficher ce mercredi les principaux représentants des étudiants, jeunes médecins et praticiens "seniors". Réunis dans un hôtel parisien pour une conférence de presse commune, l'Anemf, l'Isni, l'Isnar-IMG, Reagjir, Jeunes médecins, Médecins pour demain, MG France, le SML, la CSMF, l'UFML-S, la FMF, Avenir Spé-Le Bloc, SOS Médecins, ainsi que l'Ordre des médecins, ont dénoncé la proposition de loi du député Guillaume Garot. Son article premier, adopté début avril par les députés en première lecture, prévoit notamment une régulation de l'installation des médecins.
Cette mesure a provoqué l'ire de la profession, qui estime qu'une coercition serait "inefficace", voire "délétère" pour les patients, a insisté ce mercredi Lucas Poittevin, président de l'Anemf. Imposer une régulation de l'installation des praticiens "n'est pas une solution aux difficultés d'accès aux soins de la population", a poursuivi le carabin. "C'est une solution qui va mettre à mal l'attractivité de la médecine libérale" déjà en peine et qui est, plus généralement, un "danger pour les patients et pour le système de santé", a-t-il résumé, entouré par les représentants de la profession.
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Michael Finaud
Non
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L'obligation de participation à la PDSA, prévue à l'article 4 de cette proposition de loi, est également rejetée par les praticiens. "97% du territoire est déjà couvert les week-ends et les jours fériés et 93% en soirée", a rappelé le président de l'Anemf. "L'instauration d'une obligation pénaliserait [donc] les territoires les plus sous-dotés […], en rajoutant une charge de travail à des médecins déjà surchargés. Surtout qu'un médecin qui travaille la nuit ne peut pas travailler le jour qui suit. Cela ne ferait donc que déplacer le problème de continuité des soins", a soutenu Lucas Poittevin, devant les journalistes.
Alors que les débats autour de la proposition de loi Garot doivent se reprendre à l'Assemblée le 6 mai, et qu'un nouveau texte invitant à une régulation de l'installation des médecins a été déposé au Sénat, la profession est décidée à se mobiliser. Les externes, internes et jeunes médecins appellent ainsi à une grève illimitée à compter du 28 avril, et ce "jusqu'au retrait du texte" de Guillaume Garot. Le mouvement sera accompagné le 29 avril d'une grande manifestation à Paris et dans d'autres villes.
Menée par les étudiants et jeunes praticiens, cette mobilisation est soutenue par les représentants de médecins "seniors". Tous prévoient de descendre dans la rue le 29 avril et d'épauler les externes et internes, y compris financièrement. Ces derniers ont récemment lancé une cagnotte pour financer leur mouvement qui, selon les informations d'Egora, aurait déjà réuni de nombreux dons.

Une participation encore floue
Du côté des médecins "seniors", on s'accorde sur un appel à une grève de la PDSA, de la PDSES et du service d'accès aux soins (SAS) la semaine du 28 avril – en complément de la grève totale et illimitée des étudiants et jeunes praticiens. Mais de fortes dissensions apparaissent sur les modalités exactes du mouvement, en particulier sur l'appel à la fermeture des cabinets. Alors que Médecins pour demain, l'UFML-S, Jeunes Médecins et la FMF soutiennent une fermeture des cabinets dès le 28 avril, les autres organisations sont plus prudentes. "On sera présents le 29 avril, avec probablement des fermetures de cabinets [pour les médecins présents à la manifestation, NDLR]. Mais on n'appelle pas à une grève illimitée […] Si certains veulent fermer, rien ne les [en]empêche", a souligné la Dre Agnès Giannotti, présidente de MG France.
"Nous allons encourager nos confrères qui le peuvent à ne pas se faire réquisitionner sur la PDSES. Par contre, sur la fermeture des cabinets, fermeront ceux qui le peuvent… On a aussi une responsabilité" envers nos patients, a poursuivi la Dre Sophie Bauer, à la tête du SML.
Même discours du côté de la CSMF et d'Avenir Spé-Le Bloc, qui n'appellent pas à une fermeture des cabinets. "Chacun va réagir avec sa façon de faire, en fonction du territoire, de la spécialité…, a indiqué le Dr Philippe Cuq, co-président de l'union Avenir Spé-Le Bloc. Les modalités vont peut-être évoluer dans les prochains jours, en fonction des réactions des hommes politiques et du Gouvernement."
"La proposition de loi Garot concerne tous les médecins"
Jeunes Médecins, qui représentent une partie des praticiens hospitaliers, a également affirmé que l'appel à la grève touchera l'hôpital. "Il n'y a pas que les médecins généralistes concernés, car la proposition de loi Garot concerne tous les médecins", a rappelé la présidente du syndicat, la Dre Anna Boctor. Plus tard dans la journée, le Syndicat des hospitalo-universitaires (SHU) a, à son tour, annoncé soutenir les étudiants et jeunes praticiens.
Alors que la profession souhaitait faire la preuve d'une union sacrée ce mercredi, les désaccords sur leur degré d'implication dans le mouvement ont quelque peu écorné cette image. Et ont laissé un flou sur les modalités et l'ampleur attendue de cette grève. "On est tous là [ce mercredi, NDLR], alors que l'on peut avoir des positions différentes sur certains détails […] Mais on est tous d'accord sur le constat que cette PPL n'a pas de sens car la contrainte, si la démographie n'est pas suffisante, ça ne marche pas et ça n'a jamais marché nulle part. On fait ce diagnostic commun", a tenu à rassurer la Dre Giannotti, appelant à écouter les futurs et jeunes médecins.
"On est unanimes pour s'opposer à cette loi, et on appelle à la grève chacun à sa façon […] Sur le terrain, les médecins font ce qu'ils veulent. L'intérêt du patient est toujours au-dessus de tout", a, de son côté, insisté la Dre Boctor.
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