Violences conjugales : les médecins généralistes ne questionnent pas assez leurs patientes

27/11/2023 Par Louise Claereboudt

Seulement 3% des femmes déclarent avoir été interrogées par leur généraliste sur d’éventuelles violences conjugales, d’après une étude de la Haute Autorité de santé, publiée ce vendredi 25 novembre. L’instance encourage les praticiens à questionner systématiquement leurs patientes.   Des milliers de personnes ont défilé ce samedi, à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, dans les rues de la capitale. Dans plusieurs autres grandes villes de France, des rassemblements massifs ont eu lieu, à l’appel d’associations et de collectifs féministes. Objectif : obtenir du Gouvernement une meilleure protection pour protéger les femmes victimes de violences. Car aujourd’hui, pour les militantes, les moyens ne sont pas à la hauteur du fléau. En 2019, la Haute Autorité de santé, qui estime que 3 à 4 femmes sur 10 pourraient être victimes de violences conjugales dans la patientèle d’un médecin généraliste, publiait une recommandation de bonne pratique visant à aider les professionnels de santé à repérer ces femmes. Etaient surtout ciblés par cette recommandation, les soignants de premier recours : les généralistes, urgentistes, pédiatres, gynécologues, psychiatres, sages-femmes, mais aussi les médecins exerçant en unité médico-judiciaire. Dans cette recommandation, la HAS donnait des clés aux soignants en vue de "faciliter la parole des victimes en normalisant le sujet" et, de fait, d’assurer "une prise en charge plus précoce". Elle conseillait entre autres aux professionnels de montrer leur implication en mettant par exemple des affiches ou des brochures à disposition de leurs patients dans la salle d’attente. Surtout, elle les encourageait à "questionner systématiquement" leurs patientes, et ce "même en l’absence de signe d'alerte". La Haute Autorité de santé a souhaité mesurer l’évolution des pratiques des généralistes dans le temps. Un premier sondage BVA a été réalisé en octobre 2022, un second en octobre 2023. Pour ce faire, 1000 Françaises de 18 ans et plus ont été interrogées par internet entre les 29 septembre et 6 octobre 2023, dont 891 ont consulté un médecin généraliste dans les 18 derniers mois. La HAS a publié les résultats le 23 novembre. Ils montrent que les patientes sont en grande majorité très favorables à cette recommandation de bonne pratique (voir schéma ci-dessous).

 

"Les femmes victimes de violences perçoivent ce questionnement de manière encore plus positive, le considérant en outre comme une source de soulagement (83% des 175 répondantes concernées)", indique la HAS dans une synthèse. En outre, "si quelques femmes déclarent qu’elles pourraient se sentir gênées (23%), jugées (15%) ou choquées (13%) par ce questionnement, beaucoup déclarent quand même y être favorable". Néanmoins, cette recommandation demeure "trop peu mise en œuvre", regrette l’instance, qui souligne "une stagnation des pratiques". "En 2022 comme en 2023, peu de femmes déclarent avoir été interrogées par leur médecin généraliste sur leur relation avec leur partenaire (14 %), et encore moins déclarent avoir été directement questionnées sur d’éventuelles violences conjugales (3 %)." Lorsque le sujet est évoqué, "c’est souvent lié à l’état de la patiente, notamment en présence de symptômes (bleus, douleurs, état dépressif)", note la Haute Autorité de santé. En outre, les ressources sur les violences conjugales – brochures, affiches, etc. – restent "trop peu visibles" dans les cabinets : seulement 3 femmes sur 10 (28%) se souviennent en avoir vues. La HAS fait pourtant un "constat alarmant". Parmi les répondantes, "une femme sur cinq déclare subir ou avoir subi des violences (physiques, verbales, psychologiques, sexuelles…)" de la part de leur partenaire. 2% en subissent actuellement, 18% en ont subi dans le passé. Au vu de ces résultats, l’instance a tenu à réaffirmer son "engagement" aux côtés des soignants et des femmes dans la lutte contre les violences conjugales. Elle rappelle qu’elle met à disposition des professionnels des documents, recommandations et fiches pratiques, et indique qu’un outil d’aide au repérage est également disponible.  

9 commentaires
48 débatteurs en ligne48 en ligne
Photo de profil de Petit Bobo
2,3 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 1 an
La HAS "... les encourageait à "questionner systématiquement" leurs patientes, et ce même en l’absence de signe d'alerte". Je ne me sens pas de demander à une patiente "ah oui, j'ai oublié. Il vous
Photo de profil de Romain L
14,1 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
Et les violences psychologiques que subissent les hommes de la part de certaines femmes ? Et les violences judiciaires que subissent les hommes lors des divorces, notamment avec enfant ? Et la viole
Photo de profil de Eric Vandeville
1,4 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 an
De toute manière les medecins sont des bons à rien !!! On se souvient d’eux pour les critiquer ! Rien de plus facile que de s enquérir de l éventualité de violences conjugales lorsqu une patiente con
 
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