Particulièrement attendu, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 a été présenté ce mercredi 27 septembre en Conseil des ministres ainsi qu’à la presse. Si le Gouvernement a dévoilé plusieurs mesures au compte-gouttes ces dernières semaines, toutes n’ont finalement pas été retenues dans le texte, comme le doublement de la franchise médicale. En revanche, de nouveaux mécanismes de lutte contre la fraude y ont été inscrits. Egora fait le point. Un retour du déficit public sous la barre des 3% du PIB d’ici 2027 est-il faisable ? C’est en tout cas ce que prévoit le Gouvernement dans son projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, débattu ce mercredi soir à l’Assemblée nationale. Pour atteindre cet objectif, "toutes les administrations publiques doivent contribuer", a indiqué le ministère des Comptes publics, dans la matinée, lors de la présentation à la presse du budget de la Sécu (PLFSS) 2024. Or si "le solde de la Sécurité sociale au sens strict (les régimes obligatoires de base et le fonds de solidarité vieillesse) va être divisé par deux en 2023" par rapport à l’année passée (-8,8 milliards d'euros en 2023 après -19,7 milliards en 2022), notamment grâce à "l’extinction de la plupart des mesures de crise" (Covid), la trajectoire va rester "déficitaire". En 2024, le déficit de la Sécu s’établira à 11,2 milliards d’euros pour atteindre 17,5 milliards d’euros en 2027, d’après les prévisions.
Certes, les prévisions de déficit de la Sécurité sociale ont été revues à la hausse pour cette année. Mais rappelons que ce déficit était de 19,6 Mds en 2022. Il sera au final de 8,8 en 2023. Nous sortons bien des déficits inédits liés au covid, même s’il reste encore du chemin !
— Aurélien Rousseau (@aur_rousseau) September 26, 2023
Les dépenses d’assurance maladie demeurent particulièrement "dynamiques", soulignent les ministères des Comptes publics, de l'Economie et de la Santé. Et ces dernières continueront à progresser. La cible de 3,2% d’augmentation de l’Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) hors dépenses liées à la crise sanitaire a été déterminée par l’exécutif pour 2024. Le sous-Ondam établissements de santé progressera de 3,2% en 2024 – afin, entre autres, d’accompagner les mesures d’attractivité salariale annoncées au printemps et à la fin de l’été.
L’enveloppe allouée aux soins de ville progressera, elle, de 3,5%, "en prenant en compte des actions de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude pour un montant de 900 millions d’euros". "Ces crédits supplémentaires permettront notamment de financer la poursuite de la montée en charge du règlement arbitral à la convention médicale qui prévoit la revalorisation de la consultation des médecins", stipule le texte.
Un "effort" doit en revanche être fait pour "maîtriser" ces dépenses de santé, qui, selon le Haut Conseil des finances publiques, sont encore sous-estimées par l’exécutif. Le Gouvernement veut ainsi réaliser 3,5 milliards d’euros d’économies sur les dépenses d’assurance maladie : 0,3 milliard d’euros sur les soins de ville – notamment sur la biologie ; 1,3 milliard sur les produits de santé (via des baisses de prix des médicaments et des régulation sur les volumes) ; 0,5 milliard grâce à un renforcement de l’efficience à l’hôpital ; et 1,3 milliard grâce des mesures de transferts de dépenses et de responsabilisation des assurés.
Lors de la présentation du PLFSS, les ministères des Comptes publics, de l’Economie et de la Santé ont tenu à détailler les mesures phares contenues dans ce texte, qui sera débattu dans les prochaines semaines au Parlement : mesures anti-fraude, lutte contre les tensions d’approvisionnement, élargissement des compétences des pharmaciens, fin du tout T2A, soutien à l’autonomie… Surprise : le doublement de la franchise médicale – piste avancée dans les médias par Aurélien Rousseau et Elisabeth Borne – n’apparaît pas dans ce texte. "A ce stade, rien n'est arrêté, les décisions ne sont pas prises", indique-t-on. La mesure "trouvera sa mise en œuvre potentielle par voie réglementaire". Egora fait le point sur les mesures qui vous concernent. Remboursement des cotisations sociales en cas de fraude Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, l’avait promis fin juin : le PLFSS 2024 sera aussi un plan de lutte contre la fraude. Et les soignants ne seront pas épargnés. Un article de ce projet de loi permet "aux organismes d’assurance maladie de réclamer à un professionnel libéral coupable de fraude le remboursement, en plus des sommes qui lui ont été versées par la caisse, des cotisations sociales qu’elle a payées directement à l’URSSAF pour son compte". Il est précisé que "ce remboursement sera dû par le professionnel de santé dans les situations dans lesquelles la caisse aura prononcé à son encontre une sanction administrative (pénalité pour fraude), ou lorsqu’il aura été condamné au pénal (pour une escroquerie à l’Assurance maladie par exemple)".
Renforcement des contrôles des arrêts de travail Face à "la très forte dynamique des dépenses d’indemnités journalières maladie observée ces dernières années (16 milliards d’euros en 2022 contre 11 milliards en 2010)", l'Etat veut aussi "renforcer les modalités de contrôle tant des prescripteurs que des assurés" en vue d’éviter "tout arrêt de travail qui ne serait pas, ou plus, médicalement justifié". Concrètement, le versement des indemnités journalières (IJ) pourra être suspendu "automatiquement" si le médecin contrôleur délégué par l’employeur juge l’arrêt injustifié. Le projet de loi précise que les assurés pourront faire un recours devant le service médical. En outre, alors que la campagne de mise sous objectif (MSO) par l’Assurance maladie a été dénoncée par les médecins libéraux, l’exécutif souhaite que l’accompagnement des médecins "surprescripteurs" d’arrêts soit...
désormais "applicable aux centres de santé et aux sociétés de téléconsultation dont le taux de prescription d’arrêts de travail apparaît anormalement élevé en comparaison des pratiques observées sur le territoire". A ce sujet, il ne sera plus possible pour un patient d’obtenir un arrêt de plus de 3 jours en téléconsultation - "lorsque le patient n'est pas connu par le médecin". Dispensation d’antibios sans ordonnance par les pharmaciens Le Gouvernement entend par ailleurs poursuivre l’élargissement des compétences des pharmaciens : après la vaccination, la dispensation. Ce PLFSS veut autoriser les pharmaciens d’officine à dispenser "sans ordonnance" certains médicaments à prescription médicale obligatoire – dont les antibiotiques – après réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique pour les cystites simples et les angines. Une mesure déjà annoncée par le Gouvernement et qui a fait grand bruit. L’exécutif espère par ce biais "contribuer au bon usage des antibiotiques dans un objectif de lutte contre l’antibiorésistance" et réduire par ailleurs les examens de biologie "non nécessaires". Vente de médicaments à l’unité en cas de tensions Autre grande priorité du Gouvernement : lutter contre les tensions d’approvisionnement touchant certains médicaments. Là encore, rien de bien nouveau puisque des membres de l’exécutif avaient eux-mêmes annoncé plusieurs mesures dans les médias ces derniers jours. Ainsi, il est prévu de généraliser la délivrance à l’unité par les pharmaciens d’officines des médicaments concernés par une rupture d’approvisionnement, mais aussi d’interdire la prescription de certains médicaments, en priorité les antibiotiques, en téléconsultation. En outre, en cas de tensions, l’exécutif veut systématiser pour les antibios le recours à des ordonnances conditionnant la délivrance des médicaments à la réalisation d’un Trod. D’autres mesures s’inscrivent dans cette politique de lutte contre les pénuries et ciblent davantage les industriels afin, notamment, de "soutenir le maintien sur le marché des produits matures". Fin du tout T2A Conformément au vœu du Président de la République, ce projet de loi de financement de la Sécu engage par ailleurs la transformation du modèle de financement des établissements de santé. C’est la fin du tout T2A – la tarification à l’activité, qui, selon l’exécutif, "ne permet plus de répondre aux évolutions de notre système de santé". Il est ainsi prévu de mettre en place "pour le champ de la médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) un modèle plus équilibré, amplifiant la part de financements par dotations tout en préservant les acquis de la tarification à l’activité". Si le PLFSS est adopté par le Parlement, le financement des hôpitaux se structurera autour de trois compartiments : les activités standard (de chirurgie et de médecine essentiellement) resteront financées à l’activité, les activités répondant à des objectifs de santé publique se verraient financées par des dotations spécifiques ; et les activités de soins aigus, spécifiques, seront financées par un financement mixte. En outre, peut-on lire dans le texte, "le financement des activités non programmables, qui est une préoccupation constante des acteurs de terrain, doit également pouvoir faire l’objet d’une valorisation spécifique". Déploiement des bilans de prévention Le PLFSS 2024 poursuit par ailleurs le "virage préventif" engagé dans le précédent budget de la Sécu avec, notamment, le déploiement des bilans de prévention aux âges clés de la vie, qui seront pris en charge à 100%. Une première phase test de déploiement de ces bilans débutera cet automne pour la classe d’âge 40-50 ans dans les Hauts-de-France avant une généralisation en janvier 2024. Le PLFSS intègre également le financement à 100% de la campagne de vaccination contre le papillomavirus au collège. Celle-ci sera lancée au mois d’octobre et s’adressera aux élèves de 5e – filles et garçons. Un article du PLFSS ouvre aussi "la possibilité pour l’Assurance maladie de rémunérer directement les professionnels de santé qui vaccineront dans les établissements scolaires quel que soit leur statut, via des vacations", sur le modèle de ce qui a été fait pour les vaccinations contre le Covid. Une autre mesure concerne l’accès aux préservatifs en pharmacie pour les moins de 26 ans. Il est prévu "d’inscrire dans notre droit" une prise en charge "intégrale et sans ordonnance, déjà mise en œuvre par les caisses d’Assurance maladie depuis le 1er janvier 2023 et qui, indiquent les ministères, est un succès puisque "la délivrance de préservatifs pour les moins de 26 ans a été multipliée par cinq entre janvier et juillet 2023". En outre, un article du PLFSS prévoit le remboursement des protections menstruelles périodiques réutilisables (culottes et coupes menstruelles) pour les moins de 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire sans limite d’âge. Et ce dès 2024. Une mesure qui pourrait concerner 6,7 millions de Françaises. Une unité de soins palliatifs dans chaque département Dans la continuité du plan décennal "soins palliatifs – prise en charge de la douleur, accompagnement de la fin de vie", annoncé le 3 avril dernier par le chef de l’Etat, le PLFSS ambitionne d’engager dès fin 2024 des premières avancées majeures en faveur du renforcement de la filière palliative, comme le déploiement des filières avec mise en place de l’hospitalisation de jour en soins palliatifs, la couverture de tous les départements par une unité de soins palliatifs, ou encore la création de la première unité de soins palliatifs pédiatriques. Des dentistes dans les centres 15 Déjà expérimentée dans 10 régions et 26 départements, la participation des chirurgiens-dentistes à la régulation de la permanence des soins dentaires dans les centres de réception et de régulation des appels des Samu-Centre 15 sera généralisée. Ces mesures inscrites dans le projet de loi du Gouvernement seront débattues dans les prochaines semaines au Parlement. Le texte est donc amené à évoluer.
La sélection de la rédaction