Des centres de santé créés "de façon anarchique sur le plan de la stratégie sanitaire" ? "Faux", répond le directeur général du Cosem

16/05/2023 Par Karen Ramsay
Suite à l'enquête ouverte pour faire la lumière sur la gestion financière du Cosem, un médecin généraliste témoignait ce matin du fait que l'association "est prise en otage par sa direction générale". Ce que réfute Daniel Dimermanas dans un courrier qu’il nous a adressé. 
 
 

À la suite de diverses alertes, une enquête a été ouverte, le 10 mai, pour faire la lumière sur la gestion financière du Cosem, cette association qui compte une quinzaine de centres de santé sur le territoire. Ce matin, un médecin généraliste exerçant dans un centre parisien s’est confié à Concours pluripro, décrivant un groupe "pris en otage par sa direction générale". Le directeur général du Cosem a souhaité réagir à ce témoignage, dénonçant "des allégations très souvent mensongères". Et il est revenu, point par point, sur les propos du médecin généraliste. Nous vous livrons sa réaction telle quelle. 

 

"Le projet d’ouverture d’un centre doit être étudié par le comité médical d’établissement en présence de l’ensemble du comité de direction. Et il est clair que depuis deux ans, cette stratégie a été complètement annihilée par la direction de l’association : aujourd’hui, le directeur général est seul décisionnaire de tous les projets d’ouverture de centre… sans même étudier la faisabilité du projet. C’est un électron libre : il achète les immeubles qu’il souhaite pour les transformer en centres de santé, sans aucune étude sanitaire ou enquête sur les besoins populationnels au préalable." 

"Faux", répond Daniel Dimermanas : "La direction du Cosem présente chaque projet au CSE. Elle n’est absolument pas seule décisionnaire de l’ouverture d’un centre. Pour chaque centre créé, il existe un projet de santé qui démontre les besoins médicaux en région. Ce sont des études très poussées, basées sur des statistiques publics et qui étaient d’ailleurs diligentées par la responsable des ressources humaines. Chaque dossier est ensuite envoyé à l’ARS pour validation." 

"Donc depuis deux ans, on a vu arriver plusieurs centres de façon anarchique sur le plan de la stratégie sanitaire (…). Et la direction utilise, de mon point de vue, des techniques douteuses : quand le directeur général se retrouve, avant l’ouverture du centre, devant des élus et des représentants de l’ARS, il leur promet à l’ouverture 50 médecins et 30 dentistes… alors qu’il n’en est rien. En réalité, il ne les a pas. Par exemple, le centre de santé de Saint-Etienne qui a ouvert il y a un an, et pour lequel il a promis énormément de médecins, fonctionne à même pas 15% de ses capacités. Plus flagrant : le centre de Saint-Quentin-en-Yvelines qui est vide aujourd’hui. Il n’a même pas ouvert…" 

"Faux", répond le directeur général : "Chaque établissement de santé est créé pour répondre à un besoin urgent de désert médical. Il existe une équipe de recrutement dédiée pour chaque ouverture. Parfois, cela prend du temps mais l’initiative porte toujours ses fruits. L’équilibre financier est en moyenne atteint au bout de

trois ans. On peut le voir avec Marseille, Caen, Amiens, Lyon… Concernant le cas de Saint-Etienne, c’est encore faux. À titre d’exemple, le prochain rendez-vous pour avoir une consultation chez le dentiste est en avril 2024. Il y a une très forte demande dans cette ville car c’est un désert médical. Pour Saint-Quentin, le Cosem est en discussion avec les pouvoirs publics. Voilà pourquoi il n’a pas encore ouvert !" 

 

"Il y a deux ans, nous avons répondu à un appel d’offres de l’AP-HP qui cherchait un acteur privé pour l’ouverture d’un centre de santé au sein même de l’hôpital afin de désengorger les urgences. Ce centre fonctionne mais la direction n’y met aucun effort matériel ni humain. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce n’est pas la propriété du directeur général car il doit payer une redevance à l’AP-HP. Donc il a rompu le partenariat alors que le centre soulageait les équipes des urgences et répondait à une vraie demande car on y a signé des centaines de déclarations de médecin traitant… Et lui décide, sans aucune concertation, d’envoyer une lettre de résiliation de partenariat à l’AP-HP. Lettre qu’on essaie, nous, de rattraper actuellement." 

"La direction du Cosem a engagé 200 000 euros de travaux à la suite de l’appel d’offres de l’AP-HP Lariboisière. Cela répondait à une vraie demande de l’hôpital, qui ne pouvait plus faire face au flux des patients des urgences. Le Cosem doit maintenant s’entretenir avec l’AP-HP. Tout cela est très encadré", répond le directeur général. 

"J’ai vraiment le sentiment que c’est un dirigeant qui œuvre uniquement pour son enrichissement personnel à travers une association de loi 1901 qui, rappelons-le, est à but non lucratif… (…) Il y a deux ans, le Cosem était propriétaire de ses murs et aujourd’hui on assiste à une vente qui est, de mon point de vue, frauduleuse car le directeur général est aussi propriétaire de ces immeubles. La modalité de cette vente a d’ailleurs été signalée au Procureur." 

"Faux", répond Daniel Dimermanas : "Toutes les sociétés citées appartiennent au Cosem et non à la direction. L’externalisation de la société de prothèses dentaires est mal perçue. Pourtant, elle permet aux patients de bénéficier d’une fabrication numérique unique et rapide en France. La société fabrique la totalité des prothèses depuis sept ans (le laboratoire est basé à Élancourt). Elle ne soustraite pas seule et seulement 30% des prothèses implantées aux patients du Cosem sont fabriquées par cette société qui a l’avantage de proposer des tarifs ultra compétitifs." 

"Aujourd’hui, le Cosem est pris en otage par sa direction générale. Parce qu’on est passé d’une association propriétaire à une association locataire qui finance tous les travaux en plus. Ce qui met en danger la pérennité de notre association. (…) Quand on a réouvert nos centres parisiens, la stratégie avait changé. On s’est mis à acheter en province mais surtout dans des endroits peu stratégiques en termes d’offre de soins ou de réponse à apporter aux besoins de la population, mais très stratégique pour leur valeur immobilière." 

"Faux", répond Daniel Dimermanas : "Il n’est pas question d’une stratégie immobilière mais d’une réponse à une demande sanitaire. Chaque projet est étudié avec une étude de marché complète (vérifiée et vérifiable !) Il n’est pas possible d’ouvrir un centre de santé pour des raisons d’intérêt immobilier." 

 

"Depuis presque un an, une bonne part des praticiens intégrés reçoivent un courrier du Cnom qui s’oppose à leur exercice au Cosem. Raison citée : le mode de rémunération des médecins. Parce que l’Ordre veut qu’un médecin soit payé en salaire fixe et plein alors que le Cosem paie avec un pourcentage de rétrocession du chiffre d’affaires. Ce taux de rétrocession pousse à la surfacturation* et on s’est retrouvé avec des médecins qui dérivent : 80 patients par jour à un rythme effréné de consultation pour s’assurer un salaire à peu près correct." 

"Le Cnom a effectivement envoyé ces courriers, mais ce système aujourd’hui décrié existe et est utilisé partout en France depuis quatre-vingts ans ! Concernant les accusations de surfacturer, c’est totalement faux et absurde. Il n’y a aucune obligation, aucune directive. Il y a eu des dérives qui ont été sanctionnées. On parle ici de licenciement. Le Cosem ne pousse personne à la surrentabilité", répond le directeur général. 

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