"Je vais vous dire ce que j’aurais aimé savoir" : lettre d’une généraliste aux nouveaux internes

03/05/2022 Par Dr Judith Loeb-Mansour
A l’aube d’un nouveau semestre pour tous les internes de France en ce début de mois de mai, la Dr Judith Loeb-Mansour, médecin généraliste dans un secteur rural en Normandie depuis plus de 20 ans, a décidé de livrer dix conseils qu’elle aurait elle-même aimé avoir pendant sa formation, à ses futurs confrères. Confiance en soi, écoute du patient, engagement, équilibre de vie… dans une lettre ouverte, elle les guide vers une pratique assurée et sereine, basée sur sa propre expérience. Nous publions son texte en intégralité. 

  “Cher nouvel interne,   Il y a 30 ans, je m’apprêtais à devenir interne, la peur au ventre.  J’allais pouvoir poser des diagnostics et réaliser des prescriptions. Je craignais de commettre une erreur qui pourrait engendrer la mort et de craquer tant j’avais peur ! Ma réponse fut de m’y mettre et de prier. Je vais te dire ce que j’aurais aimé qu’on me dise : -Sois heureux chaque jour d’être médecin : quelle chance de pouvoir soulager de nombreuses souffrances, voire sauver parfois des vies. -Aie confiance : tu as des connaissances et des compétences et tu vas être entouré(e). Même seul dans ton cabinet, il y aura toujours ou presque, moyen d’être aidé. -Quand tu ne sais pas, quand tu doutes, demande conseil. Et continue toujours. Tu ne sauras jamais tout, il sera toujours nécessaire de prendre avis. Mais si tu reçois un conseil qui te semble ne pas convenir à la situation notamment lorsque tu auras ‘de la bouteille’, prends ton temps, ‘n'obéit’ pas aveuglément. Rarement, je n’ai pas suivi l’avis du spécialiste, et en général je ne l’ai pas regretté ! Le spécialiste a sa science, son expérience. Nous sommes face au patient, nous le connaissons... -Respecte les patients : ce n’est pas toujours simple : on est fatigués, certains nous énervent, ne nous comprennent pas, en font à leur guise. Si tu es comme moi, parfois, tu t’énerveras, c’est humain. Savoir s’excuser est une grandeur, pas une faiblesse. Pour cela, de temps en temps essaie de te mettre à la place du patient : Effectuer des examens, cela prend du temps, cela fait peur… Tu réaliseras alors que tu comprends que la personne n'a pas encore pris ses rendez-vous. -Soit au service mais évite le burn out. C’est un équilibre à trouver toute ta vie : être médecin, c’est se donner mais pour se donner il faut être vivant et debout ! Aussi, sache repousser la fin de ta journée de travail pour une urgence. Sache te ménager pour tenir et pour que ta vie ne soit pas que médecine.

Difficile équilibre à trouver ! Il me semble qu’actuellement la balance penche du côté de la préservation du personnel : ‘je finis à 18h, c’est non négociable’. Personnellement, il me semble que ce n’est pas éthique. -Avant de poser un diagnostic bénin, élimine un problème grave : face à une douleur thoracique, pense d’abord infarctus, embolie pulmonaire, dissection aortique plutôt que névralgie intercostale…. -Essaie de connaître au mieux la médecine et maintiens-toi à niveau. Mais sois conscient que la médecine ne peut pas tout. Tente de découvrir ce qui peut améliorer ta prise en charge : aides sociales, psychologiques, paramédicales… Il me semble que la médecine sera coordonnée ou ne sera pas. ‘Malheur à l’homme seul'. Et à la femme seule aussi ! -Ne te sous-estime pas, ne te surestime pas. Lorsque j’ai démarré mes stages d’interne, je manquais tant de confiance en moi, que je demandais avis pour tout à mes responsables : un jour ma chef m’a dit ‘cela suffit, tu as des capacités, avant d’avoir recours à moi, demande-toi si tu es vraiment sûre d’en avoir besoin’. A ce jour, je lui en suis encore reconnaissante. -Même si tu es super doué(e), respecte tes enseignants, les praticiens plus âgés. Pour moi, ‘qui respecte sera respecté’. -Fais le maximum pour éviter les erreurs mais sache que tu en feras. Accepte-le et espère qu’elles ne seront pas trop graves !   Tu vas y arriver.” 

 
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