Le constat de l’Assurance maladie est sans appel. Les effectifs de généralistes libéraux chutent considérablement, passant de 55.000 en 2005 à 52.500 à ce jour*. La densité de généralistes par habitant a donc elle aussi baissé : 91 MG pour 100.000 habitants dans les années 2000 contre 78 pour 100.000 habitants aujourd’hui. Et "la situation ne va pas s’améliorer dans les dix prochaines années", a prévenu Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la Cnam, lors d’un colloque organisé ce vendredi 3 décembre par MG France sur la problématique de l’accès à un médecin traitant pour tous. En effet, selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), "pendant les cinq prochaines années, il va y avoir une très légère diminution de la démographie médicale, puis elle va commencer à remonter, a-t-elle expliqué face aux généralistes syndiqués réunis dans une salle du ministère de la Santé. Mais ce n’est qu’en 2030 qu’on aura retrouvé le niveau de médecins que l’on a aujourd’hui. On a encore dix années difficiles devant nous, plus difficiles encore qu’aujourd’hui."
Conséquence évidente de cette baisse du nombre de généralistes sur l’ensemble du territoire : le nombre de patients suivis régulièrement par un médecin traitant est, lui aussi, en train d’observer une chute inquiétante. Le taux de patients de plus de 17 ans n’ayant pas de médecin traitant est passé de 9,8% en 2017 à 11% en 2021 (+1,2 point), soit près de 6 millions de Français. Parmi eux, la moitié n’a jamais déclaré de MT, l’autre a vu son praticien cesser son activité, se voyant ainsi attribuer un numéro fictif par l’Assurance maladie. Cette deuxième moitié est en train de prendre le pas. Marguerite Cazeneuve rapporte en effet, entre 2014 et 2021, une forte "progression" du nombre de patients qui font face au départ à la retraite de leur médecin. En parallèle, la Cnam note une "relative stabilisation du nombre d’actes cliniques (consultations + visites)" par médecin généraliste entre 2000 et 2020."Il n’y a pas eu davantage de consultations en moyenne par médecin. Mais on sait que les consultations se sont plutôt allongées avec le vieillissement de la population", précise la directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins. Le nombre de patients par MG a légèrement augmenté néanmoins, s’établissant à 941 patients par MG (+34 par rapport à 2017). Mais tous les médecins n’ont pas augmenté leur patientèle. Marguerite Cazeneuve montre que ce sont ceux qui avaient la patientèle la plus élevée qui en prennent davantage : "plus vous avez de patients, plus vous en prenez." Qui sont ces patients sans médecin traitant ? L’Assurance maladie, sur demande du syndicat du Dr Jacques Battistoni, s’est attachée à comprendre qui sont ces patients qui ne bénéficient pas d’un médecin traitant...
Premier enseignement : il y a parmi eux une majorité d’hommes (57%). Par ailleurs, "le nombre de patients sans MT est porté par les jeunes, ce qui est, entre guillemets, une bonne nouvelle dans le sens où lorsque l’on a moins de 30 ans, on a sans doute un peu moins besoin d’un médecin traitant que lorsqu’on en a 80 ans". Cela représente tout de même 1 jeune de moins de 30 ans sur 5 qui n’a pas de MT. 6,5 millions d’enfants avaient un médecin traitant au 30 juin 2021, soit 50% des moins de 16 ans. Marguerite Cazeneuve note une "belle progression" concernant cette tranche d’âge, avec un "dispositif médecin traitant de l’enfant" qui "gagne du terrain, malgré l’épidémie". En moyenne, un généraliste suit 113 patients enfants.
Chez les plus de 60 ans toutefois, 1 million n’ont pas de médecin traitant. Un chiffre qui inquiète, d’autant que, sans surprise, l’Assurance maladie affirme que les patients avec MT sont "mieux suivis" (2 actes cliniques par an pour un patient sans MT, contre 4,2 avec MT). La Cnam constate également qu’environ 620.000 patients sans médecin traitant souffrent d’une affection de longue durée. "Ça reste un volume extrêmement élevé", déplore Marguerite Cazeneuve, même si la Cnam précise que "70% des patients sans MT n’ont pas de pathologie, traitement […] contre 48% chez les patients avec MT" et "seulement 3% des patients sans MT sont diabétiques, contre 8% chez les patients avec MT". Enfin, certains territoires souffrent plus que d’autres du manque de médecins. "Moins il y a de médecins, plus il y a de patients sans médecin traitant", avance Marguerite Cazeneuve, qui ajoute que la "désertification médicale n’est pas qu’un sujet rural". Ainsi, Paris et la petite couronne sont particulièrement en tension avec 13% de patients non suivis. La situation en Outre-mer est elle aussi inquiétante. La directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins relève toutefois quelques exceptions comme dans les Bouches du Rhône, où il y a "à la fois un fort taux de patients sans médecin traitant" (12%), mais aussi une "densité de généralistes élevée" (91 pour 100.000 habitants). *hors MEP.
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