"On te suit depuis un moment, toi et tes trois bâtards" : hérauts de la science, ils vivent sous la menace des antivax et antipass
“Qu’il y ait une prise de conscience citoyenne et une prise de position politique” de la façon dont la parole scientifique est malmenée. Telles sont les ambitions de la conférence de presse “soignants et scientifiques menacés de mort. L’inaction coupable des pouvoirs publics”, organisée mardi 7 septembre. Elles sont résumées par la Pr Karine Lacombe, chef de service maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), et membre du collectif à l’origine de l’événement. Un événement introduit de la sorte par le Dr Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l’UFML-S, aussi partie du collectif : “Je crois que c’est la première fois qu’un collectif de scientifiques et de médecins* se monte pour dénoncer les menaces qu’ils subissent”. “Nous sommes un certain nombre à recevoir, régulièrement, depuis des mois, des menaces de mort”, entre autres menaces, poursuit le syndicaliste. Une problématique qui a “pris de l’ampleur, exacerbée par le pass sanitaire et la vaccination”, ajoute Karine Lacombe. Ces missives leur parviennent par tous biais. Par les réseaux sociaux, courrier, téléphone….
Ils en reçoivent, au quotidien, “un nombre faramineux”. Et leur contenu est glaçant : “Grosse pute suceuse de Macron, salle femelle en chaleur, on te suit depuis un moment : voiture, maison, trajet, les ordures on les détruit, on incinère les salopes de ton espèce, toi et tes 3 bâtards…” ; “Et la balle dans la tête que je vais te mettre, tu vas l’arrêter comment ?”, etc.
Jérôme Marty interpelle les politiques : « Saisissez-vous de ce problème avant qu’un drame surgisse » pic.twitter.com/7M8KaC7SbI
— CNEWS (@CNEWS) September 7, 2021
La “Veuve” rappelle la guillotine “Nous sommes la cible d’individus qui se font le relais de personnalités publiques qui les manipulent”, poursuit Jérôme Marty. Ces personnalités ? Des “profiteurs de la crise” qui, selon lui, “instrumentalisent” des gens fragilisés par la situation sanitaire en diffusant de mauvaises informations, “soit par clientélisme politique, soit par intérêt financier ”. Parmi ces profiteurs : France-Soir, pointe le collectif. C’est d’ailleurs un article de ce “blog”, - comme ils le dénomment le média car il fonctionne sans journalistes -, qui a entraîné la création de ce groupement. Le texte, publié le 22 août et intitulé “Covid-19 (diagnostic, traitements, vaccin) : panorama d’une escroquerie”, ayant “livré en pâture à une part de la population qui est violente un certain nombre de noms”, de personnes physiques et morales. Celles-ci étant considérées comme responsables de cette “escroquerie”, développe le syndicaliste. Une démarche d’autant plus problématique à la lecture de la conclusion de l’article : “Un procès devra se tenir. La Veuve s’impatiente”. Pour les personnes visées, les références sont évidentes : le procès évoque...
celui des médecins nazis accusés de crimes contre l’humanité qui avaient été jugés à Nuremberg. La “Veuve”, avec un “V” majuscule, rappelle la potence, la guillotine. Pour les ciblés “c’est un appel clair au meutre, à la décapitation”. Pour eux, c’en était trop. Ils ont décidé de s’unir, de réagir dans un premier temps en écrivant une tribune dans L’Express, puis en organisant une conférence de presse. Pas n’importe où : à proximité de la place de la Concorde à Paris, là où se tenaient... les exécutions publiques. Ce qui leur est reproché ? “C’est de respecter la science, de parler de science [... pour que le public] comprenne pourquoi il faut respecter les gestes barrière, pourquoi il faut porter des masques, pourquoi il faut se vacciner”, s’insurge Jérôme Marty. Même incompréhension du côté du Pr Lacombe : “En tant que scientifiques, médecins et citoyens engagés, on a essayé, pendant des mois, de faire passer un discours basé sur le fait scientifique pour informer la société. On voit bien que ce discours a été dévoyé, combattu, par des personnes dont on a du mal à comprendre la raison profonde de leur opposition physique, verbale, au discours scientifique”. Si, pour l’infectiologue, toute société démocratique repose sur le débat, “à partir du moment où le désaccord se manifeste par la violence verbale, qui mène à la violence physique, il doit y avoir des actions d’entreprises” pour y remédier.
Bientôt un remake de l’assaut du Capitole ? Or d’actions, dénoncent les membres du collectif, il n’y en a point eu. Et ce même si les menaces n’ont rien de nouveau. “Les menaces de décapitation sont le point d’orgue de choses qui se passent depuis longtemps”, explique le Dr Damien Barraud, anesthésiste-réanimateur à Nancy. Il peut en témoigner d’expérience : “Le 18 avril 2020, j’ai porté plainte pour menaces de mort sur les réseaux sociaux”. Celles-ci étaient proférées pour la même raison qu’aujourd’hui : “le combat contre la mauvaise science” “Depuis le 18 avril 2020, non seulement rien ne change, mais tout s’amplifie, juge-t-il. À l’époque, on avait affaire à des menaces, mais on voyait bien qu’elles venaient de personnes isolées [...] aujourd’hui on voit bien que tout ça, agité par des gens malintentionnés, s’aggrave”. La passivité semble d'autant plus incompréhensible que...
les “agitateurs sont connus”. L’anesthésiste-réanimateur rapporte une enquête américaine montrant que 12 personnes seulement sont à l’origine de 65% des fake news sur la vaccination anti-Covid. “C’est la même chose chez nous, avance-t-il. En gros, il y a 15-20 personnes à la base de tout ce qui circule en termes d’idées obscurantistes, complotistes, anti-science, fake news, fait-il valoir [...] ils ne se cachent pas”. “On s’est un peu moqué de moi à une époque, car je disais que cela allait finir en Capitole”, raconte le médecin, faisant référence à l’assaut, le 6 janvier, du siège du Congrès américain par des émeutiers attisés par le président sortant Donald Trump, dans l’objectif de bloquer la certification des résultats du vote. Mais le Dr Barraud en est convaincu : “On a strictement les mêmes ingrédients en France : des médecins charlatans qui agitent les extrêmes, des complotistes”. Aux Etats-Unis, “ça s’est fini dans le bâtiment le plus important de la démocratie américaine, avec des morts”, alerte l’anesthésiste, qui craint qu’en France, “les élections approchant, ça ne fasse que s’amplifier. À un moment, on prend les choses à bras-le-corps avant qu’il y ait un drame !”. Problème : jusqu’alors, ce n’est, pour les membres du collectif, pas le cas. L’impunité de ceux qui allument la mèche Les membres du collectif, pris individuellement, n’en sont pas à leur première, ni à leur dernière plainte. Ils envisagent d’ailleurs, comme annoncé dans leur tribune sur L’Express, de porter plainte contre France Soir. “Plusieurs d’entre nous vont porter plainte avec leur propre cellule juridique ou avocat, confirme le Dr Jérôme Marty, qui précise les chefs d’accusation : mise en danger, diffamation, appel au crime. On va porter plainte individuellement, et probablement en groupe. On est en train de mettre en contact nos différents avocats, précise-t-il. “Face à l’inaction de la Justice, c’est nous qui sommes obligés, systématiquement, de porter plainte. Mais on ne peut passer nos jours, nos nuits, à porter plainte”, grince Karine Lacombe.
Tous, au sein du collectif, fustigent “l’inaction des politiques”. Ils “n’ont rien fait pour nous aider, sanctionne Damien Barraud. “On est très surpris de voir que, tant de la part de l’opposition que de la part du gouvernement, les élus de la République n’utilisent pas l’art 40 [l’article du code de procédure pénale selon lequel ‘toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République, NDLR] pour mettre fin ou en tous cas freiner ces agissements”. Ainsi, lorsque, le 22 mai, la députée et psychiatre Martine Wonner a accusé devant une foule le Gouvernement et les soignants de crimes contre l’humanité, d’avoir assassiné les personnes âgées au rivotril, l’article 40, par exemple, n’a pas été utilisé. “Ce qui me choque, c’est l’impunité dont jouissent les personnes qui allument la mèche, et à dessein, pour perturber un ordre établi, en l’occurrence pour perturber la parole scientifique et faire douter la population, qui attend elle des informations”, enrage le Pr Lacombe. Les politiques, dans leur ensemble, “se doivent de répondre à ce que nous subissons depuis des mois et des mois”, affirme le Dr Marty. Il y a bien eu une question écrite au Gouvernement du sénateur Bernard Jomier (n°23 282) portant sur le harcèlement des porteurs de la parole scientifique, mais...
elle est restée sans réponse à l’issue de l’expiration du délai légal, le 11 août, rapporte Virginie Votier, de Citizen4Science. Quant à l’Ordre ? “Il bouge. Tardivement, c’est une évidence, mais il bouge, note le Dr Marty, évoquant le fait que le Cnom poursuit plusieurs praticiens, que son président, Patrick Bouet, entend utiliser l’article 40… Les choses sont en train de changer” fait savoir le syndicaliste, appuyant sur l’idée que “chacun a un rôle à jouer, de défenseur de la science”. Seulement, à ce jour, “nous n’avons pas vu diminuer la pression”. “On n’a jamais été aussi près de la catastrophe” Une sortie de l’inaction est nécessaire pour les membres du collectif. “On ne craint pas tant les menaces pour nos propres personnes, assure Jérôme Marty. Nous on s’organise, on se protège, même si c’est fou qu’au XXIe siècle, en France, les gens qui respectent la science soient obligés d’avoir des protections policières. Ce qui nous fait peur, c’est surtout qu’un anonyme - un médecin anonyme; une infirmière anonyme, un scientifique anonyme, ceux qui aujourd’hui luttent contre le Covid, font tourner les centres de vaccination, vaccinent à leur cabinet...que ces anonymes-là se fassent agresser par quelqu’un qui passerait à l’acte”
En tant que personnalité bénéficiant d’un accès aux médias, “c’est notre rôle que de protéger notre corporation, la corporation des scientifiques”, souligne le président de l’UFML-S. C’est notre rôle d’alerter, de faire de la prévention, et de dire : ‘Il faut agir maintenant’, parce qu’on n’a jamais été aussi près de la catastrophe”, souligne-t-il. Rappelant que les cinq marches de la violence sont vite grimpées : “la 1ère marche : les lettres anonymes etc. Reçues. La 2e marche : désigner nommément les gens, c’est fait. La troisième marche : passer à l’acte, pareil : 18 centres de vaccination vandalisés, des pharmacies tagguées… La 4e marche - les violences à la personne, idem. Un collègue pharmacien l’a par exemple subi lors d’une manifestation. La 5e marche : que quelqu’un se fasse lyncher. On en est tout près. Donc il faut agir maintenant, affirme le Dr Marty. D’où “ce message que nous lançons à l’encontre des politiques du gouvernement ou de l’opposition : ‘Saisissez-vous de ce problème avant qu’un drame surgisse’”. *les signataires du communiqué annonçant la conférence de presse : Dr Fabienne Blum, présidente de l’association Citizen4Science ; Dr Cyril Vidal, président Collectif FakeMed ; Dr Thomas C Durand, directeur de l’Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique ; Pr Stéphane Gaudry, service de Réanimation, Hôpital Avicenne, Paris ; Pr Karine Lacombe, chef de service Maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Saint-Antoine, Paris ; Dr Jérôme Marty, médecin généraliste, Président UFML-S ; Dr François Morel, chirurgien, vulgarisateur, ancien secrétaire général du collectif Fakemed ; Dr Hervé Maisonneuve, médecin de Santé Publique, Rédacteur scientifique, Paris ; Dr Alexander Samuel, professeur de mathématiques/science
Le Gouvernement “ne laissera rien passer” des actes des anti-vaccins Covid et sera à leur égard d’une “fermeté absolue” a fait savoir mercredi 8 septembre Gabriel Attal. Interrogé sur France 2 sur la protection assurée par l’Etat aux médecins et pharmaciens agressés, le porte-parole du Gouvernement a répondu : “Bien sûr : la République se doit de les protéger, parce qu’ils nous protègent, et donc ça veut dire qu’il y a une fermeté absolue. À chaque fois qu’il y a un événement comme celui-ci, il y a une enquête pour identifier les auteurs pour qu’ils soient sévèrement punis et sanctionnés”, a indiqué le porte-parole. Aux soignants qui tirent la sonnette d’alarme, “ce que je leur dis, c’est que nous ne laisserons jamais passer ce type d’actes [...] Nous ne laisserons rien passer : Olivier Véran l’a redit”. Mardi 7 septembre, à l'Assemblée nationale, le ministre de la Santé a en effet lancé “Vous ne passerez pas” aux anti-vaccins qui menacent les soignants et a assuré qu’il avait appelé des pharmaciens et directeurs d’hôpitaux victimes d’attaques.
[Avec AFP]
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