Des “rustines” pour le Dr Vermesch, Président du SML. Une “humiliation” pour le Dr Duquesnel, Président des Généralistes CSMF. “Les lignes rouges sont franchies” selon le Dr Gasser, Président d’Avenir Spé. Les premières réactions des syndicats sont unanimes et elles ne poussent pas à l’optimisme quant au sort des négociations conventionnelles. Après un premier échec en fin d’année dernière, les discussions entre la Cnam et les syndicats de médecins libéraux au sujet de l’avenant 9 à la convention médicale ont repris début juillet. La Cnam espère aboutir à un accord d’ici la fin du mois. Mais la “copie ambitieuse” mise sur la table (dixit Thomas Fatôme, son directeur général) pourrait connaître le même sort que celle de décembre dernier. Et pourtant ces négociations sont importantes. Importantes parce qu’elles sont censées lancer le SAS (Service d’accès aux soins), projet phare du Gouvernement pour améliorer la prise en charge des soins non programmés et décharger les urgences. Importantes parce qu’elles doivent mettre en route le Ségur de la santé numérique en ambulatoire. Importantes, enfin, parce que ce sont les dernières avant 2023 - élections présidentielles obligent.
Télé-expertise, la grande perdante
Parmi les mesures qui pourraient passer à la trappe, il y en a une qui sort du lot : l’assouplissement des règles de la télé-expertise. La télé-expertise a été introduite dans le droit... commun en 2018, en même temps que la téléconsultation. Elle n’a pas connu le même développement que celle-ci néanmoins, en raison notamment d’un cadre juridique trop restrictif qui limite son application à certaines catégories de patients (ALD, EHPADs, etc.). Cette limitation juridique, les acteurs en étaient conscients dès le départ. L’avenant fondateur précise d’ailleurs que “le calendrier de déploiement de la télé-expertise à l’ensemble des patients sera défini avant la fin de l’année 2020”. Nous sommes donc déjà en retard. Pourtant, tous les acteurs appellent cette généralisation de leur vœux. Les médecins généralistes ont de plus en plus de difficulté à obtenir des avis spécialisés. Les spécialistes veulent que cette activité, qui devient nécessaire pour trier et prioriser les demandes de prise en charge, soit valorisée à la hauteur de son impact médical. Et l’Assurance maladie voit - à juste titre - la télé-expertise comme un moyen d’améliorer l’accès au soin des patients et la pertinence des actes. On peut se demander pourquoi une mesure souhaitée par l’ensemble des parties prenantes reste si longtemps à l’état de projet. Un processus de décision inadapté ?
Il y a plusieurs éléments qui interpellent dans les processus de décision à l’origine de ces évolutions réglementaires.
D’abord, les télé-expertises sont en... majorité réalisées (et donc cotées) par des médecins salariées d'hôpitaux publics. Pourtant ce sont uniquement les syndicats de médecins libéraux qui participent aux négociations. Ce fait étonnant est le résultat d’une décision prise lors du passage à la T2A dans les établissements de santé : la valorisation des actes et consultations externes (ACE) réalisées par ces établissements est basée sur la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) des médecins libéraux. Il faut donc passer par celle-ci pour modifier ceux-là. Ensuite, les évolutions conventionnelles ne sont négociées que par lot. Les avenants touchent en effet à de nombreux domaines à la fois. La Cnam propose de nouvelles missions et de nouveaux financements, ce qui génère des débats légitimes avec les syndicats. Il suffit donc d’une seule mesure symbolique sur laquelle le débat achoppe pour que tout l’avenant soit rejeté. Et à l’inverse, les syndicats qui signeraient l’accord passeraient pour en accepter tous ces contours et seraient facilement accusés de compromission.
C’est pour éviter une "hystérisation" des débats que le gouvernement avait décidé en décembre de repousser les négociations après les élections syndicales du printemps. Il faut maintenant espérer, pour la télé-expertise comme pour les patients, que le contexte soit plus favorable à un compromis cette fois.
A.M.
Prise en charge depuis février 2019, la télé-expertise ne concernait jusqu'ici que des catégories de patients bien déterminées : ALD, maladies rares, résidents de zones sous-denses, Ehpad et détenus. Dans le cadre des négociations de l'avenant 9, la Cnam propose de l'étendre à tous les patients. En lien et place des deux "niveaux" de rémunération jusqu'ici proposés aux médecins requis en fonction de la complexité du cas (12 euros pour le niveau 1, 20 euros pour le niveau 2), l'Assurance maladie propose aux syndicats une rémunération unique de 20 euros, dans la limite de deux actes par an et par patient. Elle propose enfin de simplifier la rémunération du médecin requérant, en supprimant le forfait en vigueur jusqu'ici au profit d'un paiement à l'acte à hauteur de 10 euros, toujours limité à deux par an et par patient.
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