Réquisitionnée en pleine consultation pour certifier un décès : "Ils m’ont dit qu’ils pouvaient m’emmener sous la contrainte"

10/06/2021 Par Louise Claereboudt

En Ile-de-France, de plus en plus de médecins libéraux sont réquisitionnés, parfois jusque dans leur cabinet, pour constater le décès d’une personne et établir s’il y a, ou non, un obstacle médico-légal, faute de professionnels disponibles.   C’est une des innombrables conséquences de la désertification médicale. Faute de professionnels disponibles, de plus en plus de médecins généralistes franciliens sont contraints de mettre de côté leurs activités pour constater un décès et déterminer s’il s’agit d’une cause naturelle ou conclure à un obstacle médico-légal. Ces derniers sont parfois réquisitionnés dans leur cabinet par les policiers, révèle le Parisien dans une enquête. “Ça s’est passé devant mes patients en salle d’attente, ils m’ont dit que j’étais réquisitionnée pour constater un décès et ils ont dit tout fort que si je ne venais pas j’aurais une amende”, s’insurge une praticienne de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), qui a dû décaler ses douze patients, dont 3 urgents, qui avaient rendez-vous ce matin de mai, pour aller certifier le décès d’un ancien légionnaire résidant dans un hôtel social.

Si elle avait dans un premier temps décliné, la praticienne n’a pas eu d’autres choix que de s’exécuter, les policiers n’ayant pas trouvé de professionnels - notamment du Samu - pour faire établir le certificat et permettre la levée du corps, conditionnée à ce document, indique le parquet de Créteil. “Ils m’ont dit qu’ils pouvaient m’emmener sous la contrainte, raconte-t-elle au Parisien. Ils ont poursuivi en me disant que je n’honorais pas mon serment d’Hippocrate.”   “Délais de 6 à 12 heures” Comme elle, nombre de libéraux se trouvent obligés de remplir ce rôle, en plus de la prise en charge des patients qui affluent au cabinet en pleine pandémie et dans un territoire sous-doté. “On doit parfois judiciariser inutilement pour recherche des causes de la mort, afin de pouvoir envoyer une personne à l’Institut médico-légal de Paris, afin de récupérer un certificat de décès”, indique le parquet de Créteil, qui déplore que “les médecins du Samu concluent chaque fois à un obstacle médico-légal”, ce qui “génère une enquête qui n’a pas lieu d’être et mobilise inutilement un nouveau médecin”. Le parquet de Pontoise note pour sa part que les délais d’intervention “peuvent atteindre 6 à 12 heures”. Et à Montargis, le procureur explique que, faute de médecins, la justice est obligée d’ouvrir une enquête pour recherches des causes du décès “une centaine de fois par an”.

“Le point de blocage est l’absence de médecins volontaires pour se déplacer et un conseil de l’Ordre qui ne se bouge pas sur le sujet, alors que le constat de décès est maintenant rémunéré”, - avec un forfait de 100 euros depuis 2017, complète la procureure de la République de Seine-Saint-Denis, Fabienne Klein-Donati. Mais pour le conseil de l’Ordre des médecins, qui réagit auprès du Parisien, “ce n’est pas une question d’argent, chaque généraliste fait au mieux”.   [avec le Parisien]

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