C à 25 euros : "une insulte" à la "reconnaissance que la Nation" doit aux médecins généralistes

09/07/2020 Par Aveline Marques
Politique de santé

Alors que les "milliards tombent sur l'Hôpital", la médecine de ville risque d'être "l'oubliée de ce Ségur de la santé", a alerté mercredi le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Revalorisation du C et de la télémédecine, rémunération des soins non programmés et de la coordination… le premier syndicat de médecins libéraux, en pleine rénovation, a dressé la liste de ses priorités en amont de négociations conventionnelles qui pourraient démarrer dès la fin de l'été.   7,5 milliards d'euros pour les personnels paramédicaux et non médicaux, 600 millions pour les médecins hospitaliers et les étudiants, 6 milliards d'euros d'investissement, 13 milliards d'euros de reprise de dette… Au Ségur de la Santé, "les milliards tombent sur l'Hôpital comme à Gravelotte", constate le Dr Ortiz. Et pour les médecins libéraux, qui ont fait preuve d'un "engagement exceptionnel" durant la crise du Covid afin "de répondre aux besoins de la population" parfois "sans protection", que va-t-il rester ? s'interroge le président de la CSMF. "La médecine de ville ne comprendrait pas qu'elle soit l'oubliée de ce Ségur de la santé", alerte-t-il. Pour le syndicaliste, la crise sanitaire a été le révélateur des travers d'un système de santé trop hospitalo-centré et vite saturé. "Qu'est-ce qu'on a dit aux Français? Vous avez de la fièvre, il faut vous faire tester, vite vite à l'hôpital!'", caricature Jean-Paul Otiz. L'Hôpital étant "rapidement débordé", la médecine de ville a été mise à contribution, dans un deuxième temps. "Il faut faire l'inverse, juge-t-il. L'accès aux soins dans ce pays, ce n'est pas les urgences hospitalières, c'est la médecine de proximité. L'Hôpital doit venir en recours, en référence, en troisième ligne. Tant qu'on aura l'Hôpital qui fait de la médecine de première ligne, ça va dysfonctionner", met en garde le président de la CSMF, fustigeant les maisons de santé et autres consultations avancées promues par les fédérations hospitalières.

Pour les médecins libéraux, le "monde d'après" doit nécessairement passer par une revalorisation de l'exercice. "Nous ne pouvons continuer à avoir un acte médical qui soit aussi décoté dans l'échelle des actes médicaux en Europe", lance le président de la CSMF. Le C à 25 euros n'est plus seulement "déconnecté de la réalité", c'est aujourd'hui "une insulte à notre mission, à notre engagement professionnel et à la reconnaissance que la nation doit à ses valeureux soldats qui sont montés au front et l'ont lourdement payé lors de cette crise sanitaire", considère-t-il. Alors que la négociation d'un avenant conventionnel est prévue à la rentrée (du moins convenue avec Nicolas Revel, ex-DG de la Cnam nommé depuis directeur de cabinet du Premier ministre), la CSMF dresse la liste de ses priorités...

 revalorisation des soins non programmés régulés (forfaits de régulation et d'astreinte, majoration des actes effectués), de la visite à domicile, de la valeur du point de travail en CCAM, du volet de synthèse médicale versé au DMP, de l'association acte de consultation/acte technique, des actes de télémédecine, élargissement des consultations complexes mais aussi valorisation de la coordination entre médecins, et entre professionnels de santé. Cela passe, pour la CSMF, par la valorisation des outils (dont la télémédecine) mais aussi par l'instauration d'une consultation lourde avec le médecin traitant pour le médecin spécialiste et par le financement des équipes de soins primaires, des maisons de santé ou des CPTS. La crise sanitaire a également laissé entrevoir aux médecins libéraux les bénéfices d'une simplification administrative qu'ils appellent de leurs vœux depuis des années, via la téléconsultation sans carte vitale ni feuille de soin, avec un seul payeur. "Il faut poursuivre dans cette voie, s'en inspirer et chasser la dérive bureaucratique dans toutes les situations qui empoisonnent la vie du médecin", insiste le Dr Ortiz. Enfin, la CSMF se montrera vigilante face à la relance de la réforme des retraites, annoncée pour cet été avec Elisabeth Borne (ministre du Travail) à la manœuvre. "Nous avions obtenu des avancées, actées dans le projet de loi adopté en première lecture à l'Assemblée nationale", souligne Jean-Paul Ortiz : génération de points pour les médecins en cumul emploi-retraire à compter du 1er janvier 2022 et ajout d'un étage complémentaire au régime universel pour maintenir les niveaux de cotisations et de pensions actuels. Ainsi, pour la première tranche de revenus (jusqu'à 40 000 euros) le régime universel prévoit 28% de cotisations, auxquels s'ajouteraient 9% de cotisations au titre d'un régime complémentaire, géré par la Carmf. La rentrée s'annonce chargée…

 

En route vers les élections URPS
Le premier syndicat médical français (25.4% des voix en 2015, tous collèges confondus) a entamé sa transformation. Au programme : rénovation du siège pour en faire "la maison de la médecine libérale" (quelques 3 millions d'euros seront nécessaires), mise en place d'un incubateur de start-up santé et développement de la formation continue. La confédération, "dont la base statutaire a plus de 90 ans", annonce une refonte complète de sa structure, afin notamment d'endiguer la "désyndicalisation". "Avoir une représentation syndicale séparée alors que nous exerçons le même métier est une vision ringarde et tournée vers le passé", souligne son président. Exit les fédérations. Un conseil national représentera "toutes les spécialités et tous les âges" ; il sera composé de quatre collèges : généralistes, autres spécialistes, jeunes et régions. Ce collège reposera sur des "structures régionales". Enfin, la CSMF se fixe pour "impératif" d'arriver à la parité homme-femme dans les listes qu'elle présentera aux élections URPS d'avril 2021. "D'autres ont réussi là où ne s'y attendait pas", sourit Jean-Paul Ortiz.

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