C'est l'histoire, tristement banale, d'un petit village bourguignon qui survit sans médecin depuis près de deux ans. La commune de Châtel-Censoir (Yonne) a pourtant mis toutes les chances de son côté en inaugurant en novembre un pôle de santé comportant deux cabinets, grâce à un don de 200 000 euros de la veuve de l'ancien généraliste. Mais sept mois plus tard, les locaux restent désespérément vides. Au bord de l'Yonne, Châtel-Censoir coule des jours tranquilles. Située sur la place centrale du village, l'ancienne école a depuis peu repris vie : elle abrite depuis quelques mois le nouveau pôle de santé. Sur la façade, une plaque a été apposée : "Cabinet médical Bruno Faure". Un hommage à l'ancien médecin généraliste la commune, qui y a exercé "plus de 37 ans". "C'était un médecin de campagne, qui travaillait énormément. Il rentrait le soir à 10, voire 11 heures", se souvient son épouse. En tant que premier adjoint, le médecin était par ailleurs très investi dans la vie de ce joli village situé à 15 kilomètres de Vézelay et sa célèbre abbaye, œuvrant à son développement touristique : aménagement d'un port de plaisance, ouverture d'un village vacances… Fin 2007, à 65 ans, le médecin prend une retraite bien méritée. Il n'en aura pas profité longtemps : moins de deux ans plus tard, Bruno Faure est emporté par un cancer. Son successeur, tombé gravement malade à son tour, opte peu après pour un poste de salarié. À leur suite, le cabinet a un temps été occupé par une généraliste roumaine, qui a fini elle aussi par plier bagage. Aux dernières nouvelles, elle exercerait désormais en Belgique. "Nous n'avons plus de médecin à temps plein depuis deux ans", résume Bertrand Massias-Jurien de la Gravière, le maire de ce village de 643 âmes (au recensement de 2016… elles seraient désormais moins de 500). Les quelque 2500 habitants des villages et hameaux alentours en sont donc réduits à aller se soigner à Coulanges, Vézelay, Clamecy, ou même Auxerre, à une heure de route. Une situation inacceptable pour l'édile comme pour la veuve de l'ancien médecin. Afin de redonner vie au village et d'honorer la mémoire de son époux, Michèle Faure décide... de donner 200 000 euros pour rénover les locaux de l'ancienne école et les aménager en pôle de santé. Les 224 000 euros de travaux restants proviennent de subventions. "La commune a déboursé zéro euro pour le pôle de santé", souligne son maire. Lourdement endettée, elle n'en aurait de toute façon pas eu les moyens, précise-t-il. "Nous sommes à 1500 euros d'endettement par habitant, contre 300 euros de moyenne nationale." Le pôle de santé a été inauguré le 24 novembre dernier, en présence des notables locaux… mais sans la généreuse donatrice. "Je n'étais pas d'accord pour inaugurer un cabinet vide", lance-t-elle. Car si une infirmière et un kiné ont très vite emménagé dans ces locaux rénovés, les deux cabinets médicaux restent désespérément vides sept mois plus tard. "Un généraliste vient exercer une après-midi par semaine", nuance le maire. "Et à la rentrée, un ophtalmologue d'Auxerre viendra tous les mercredis après-midi. Il habite ici et veut faire vivre Châtel."
"Pour attirer un médecin, il faut que ça change" C'est là le cœur du problème. Plus d'entreprises (le village vacances est désormais fermé), des commerces qui se font rares, une école qui sera amputée d'une classe en septembre… Châtel se meurt, regrette Michèle Faure. "Ça me désole de voir Châtel dans cet état. Avec mon mari, jamais on ne se serait jamais installés ici. Pour attirer un médecin, il faut que ça change", lance la veuve, qui a décidé de prendre le taureau par les cornes : elle a racheté un local commercial et compte y ouvrir prochainement une boutique de produits locaux, à destination des touristes. Mais si la vacuité du pôle de santé la désespère, en aucun cas elle ne regrette son don : "Je l'ai fait de bon cœur, pour mon mari, mais je voudrais que ça serve à quelque chose… qu'on trouve un médecin. Il en faudrait même deux pour les villages avoisinants." Bertrand Massias-Jurien de la Gravière, lui, préfère voir le verre à moitié plein : "On a un village dynamique", assure-t-il. "Nous avons une gare, deux restaurants, une station-service, une supérette…". Certes, "comme ailleurs, les commerces vivent et disparaissent", mais selon lui, si le village n'attire pas de médecin, c'est surtout parce qu'il ne peut rivaliser avec les "moyens" des municipalités plus importantes. "Les médecins sont accueillis partout avec de grosses subventions", relève-t-il. Outre les aides conventionnelles à l'installation en zone sous-dense, Châtel ne peut offrir qu'un an de loyers. "Le loyer du cabinet sera ensuite très faible", promet le maire. Le généraliste qui s'installera bénéficiera en prime d'un appartement "refait à neuf", situé à l'étage du pôle.
Pour mettre toutes les chances de son côté, la mairie, accompagnée dans ses recherches par le conseil départemental, a fait appel à un cabinet de recrutement, qu'elle ne paiera (10 000 euros) que lorsque le cabinet aura trouvé preneur. "J'ai eu plusieurs contacts, insiste le maire, dont un médecin qui s'est finalement installé dans une commune voisine." Reste l'option du salariat, "au moins à temps partiel". "Nous nous sommes renseignés auprès d'une commune qui a fait ce choix il y a quelques années et dont le cabinet médical tourne bien. Mais les trois-quatre premières années sont difficiles." Pour la municipalité, salarier un médecin à temps plein coûterait environ 200 000 euros par an. Une charge qu'elle est incapable d'assumer pour le moment.
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