"Un ami me racontait sa consultation chez un grand pneumologue. C’était la première fois qu’il consultait un pneumologue. Il n’avait pu avoir un rendez-vous que dans une ville un peu éloignée. Il avait fallu prendre congé de son travail ce jour-là et acheter un billet de train. Enfin, il y était. Assis dans cette salle d’attente vieillotte, remplie de patients tenant à la main leur examens radiologiques : il allait voir le spécialiste.
Celui-ci lui a alors demandé de se soumettre aux tests habituels, routiniers de son exercice, avec par exemple la mesure du "DEP", le "Débit expiratoire de pointe" (ou "peak flow"), qui se fait à l’aide d’un simple tuyau de plastique dans lequel on doit souffler comme un boeuf. Ce qu’il fit donc. Mais pas comme il le fallait apparemment. Enfin, c’est ce que le pneumologue lui a indiqué, assez agacé. Il avait soufflé comme ça, alors qu’il fallait souffler comme ci, maintenant il fallait tout recommencer, ah la la. Perdre quinze précieuses secondes, quelle infamie. Le copain s’est senti un peu bête. Ne même pas être capable de se servir d’un stupide tuyau de plastique, c’était assez honteux. Humilié ainsi par le grand spécialiste qui n’avait pas de temps à perdre avec des patients inexpérimentés, il ne dit mot. C’est une situation que l’on voit finalement assez souvent. Le soignant est dans sa routine. Les tests qu’il fait passer sont son pain quotidien. Le patient, lui, ne vient souvent voir le médecin que lors de circonstances exceptionnelles. Parfois, il ne va même jamais chez le médecin. Il n’est pas malade d’habitude. Mais là, il faut y aller. Alors c’est un parfait novice. Mais le médecin, lui, enchaine. C’est son vingt-septième patient du jour. Les explications passent à l’as. On met l’instrument là pour la vingt-septième fois et bon sang ce que c’est agaçant ces patients qui s’y prennent comme des manches ! Ils le font exprès ou quoi ? Dans cette émission sur les médecins qui font entrave à l’IVG, des femmes parlent des échographies endovaginales qu’elles devaient avoir dans le bilan de leur avortement, et qui se sont mal passées. En écoutant les témoignages, au-delà de la malveillance du médecin, on se dit qu’une partie du problème vient du caractère routinier qu’a pris cet acte pour lui. Peut-être qu’il fait vingt échographies endovaginales par jour, mais se souvient-il de ce qu’une femme peut ressentir en venant un jour précis, pour un rendez vous précis (pour lequel elle a dû prendre des dispositions particulières), écarter ses jambes et laisser un médecin introduire une sonde dans son vagin alors qu’elle est allongée sur le dos? Pour elle c’est un événement rare, intrusif et désagréable. Un événement qui sera au mieux exceptionnel, et au pire, traumatisant, selon la façon dont l’examen aura été amené.
Malgré la routine, les soignants devraient s’efforcer de se souvenir que beaucoup de patients sont à l’hôpital ou dans leur cabinet de façon rare voire exceptionnelle, et ne maîtrisent pas nos habitudes de tous les jours. Il semble que certains soignants aimeraient dans une logique d’efficacité et d’optimisation, que les patient.e.s soient rodés, qu’ils fassent tout ce qu’on attend d’eux sans même que l’on ait à leur dire. Cela conduit à des moqueries et des critiques sur des choses anodines qu’il est tout à fait normal que les patients ne maîtrisent pas. Ces critiques, ces petits soupirs d’agacement, participent à créer une ambiance peu propice au soin bienveillant. On peut penser que le stress, la pression et le manque de moyens expliquent une partie du phénomène. Le soignant, tiré de toutes parts, voudrait un patient rapide et efficace. Si cela peut expliquer une part du comportement du soignant débordé des urgences, cela justifie moins l’agacement du pneumologue libéral dont on parlait plus haut. Ajoutons qu’expliquer comment va se dérouler un test ou un examen ne prend pas plus de quelques minutes. Des minutes qui changent tout pour la suite. 'Vous n’avez pas fait pipi dans le bon pot !' 'Vous avez mis la blouse à l’envers !' 'Vous n’avez pas amené les étiquettes !' Tous ces reproches que l’on vous fait, comme à un petit enfant qui n’aurait pas écouté la maîtresse… sauf que l’on ne vous a jamais donné les consignes. Une façon de faire qui infantilise les patient.e.s. Parfois, pour se venger, on aimerait mettre ces soignants dans un autre milieu de travail et se moquer d’eux en les regardant ne pas savoir utiliser les machines comme il faut le premier jour… Pour terminer, en écrivant ceci il est difficile de ne pas faire le parallèle avec les études de médecine où l’on attend toujours des externes qu’il fassent des choses non dites, que l’on leur reprochera ensuite d’avoir mal faites mais sans jamais les lui avoir expliquées. Tout un état d’esprit finalement !"
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