Généraliste frappé et harcelé : "un mois après, ils sont toujours devant chez moi"

24/05/2017 Par Fanny Napolier

Voilà un mois que le Dr Pierre Goidin, généraliste à Dunkerque, a été agressé par des mineurs devant son cabinet. Les mesures, lentement mises en place par les autorités, n'ont pas empêché la poursuite des agressions, des menaces et le vandalisme des caméras de surveillance que le médecin a fait installer à ses frais.

Cette semaine, le Dr Pierre Goidin est retourné déposer plainte au commissariat de Dunkerque. C'est la quatrième en moins d'un mois. Cette fois, c'est pour la destruction de deux des quatre caméras de surveillance que le généraliste a installées à ses frais. "Samedi, ils ont cassé une de mes caméras. Ce sont les mêmes jeunes, je le sais. Celui qui a fait ça a été arrêté. Et bien le dimanche, une seconde caméra était cassée", déplore le médecin.  

Fracture du plateau tibial

 

Le 25 avril dernier, le Dr Goidin s'était fait frapper pour avoir demandé à trois adolescents de faire moins de bruit devant son cabinet. Il s'en était tiré avec une fracture du plateau tibial. Les trois agresseurs ont été placés en garde à vue, et l'auteur du coup, âgé de 15 ans, a été déféré à la justice mais laissé libre. Pour le moment, aucune date d'audience n'a été communiquée au médecin. Malgré la procédure accélérée enclenchée par le substitut du procureur, le procès ne devrait pas avoir lieu avant trois mois. Depuis, les agressions verbales, les menaces et les regards défiants sont quasi quotidiens. "Les mêmes mineurs sont toujours dans le parc devant chez moi, il y a toujours des trafics…", raconte le médecin. Un garçon de 11 ans a même menacé le généraliste de représailles après les premières plaintes. Le Dr Pierre Goidin ne comprend pas comment, un mois après la première agression, la situation n'ait pas évolué. "Je comprends que ce sont des mineurs, que la situation est donc particulière. Mais pourquoi n'a-t-on pas au moins mis en place des mesures d'éloignement ?", s'interroge le généraliste.  

"Xavier Bertrand est médusé"

  "C'est complètement hallucinant", fustige du Dr Bertrand Legrand, secrétaire général de la CSMF du Nord et du Pas-de-Calais. Ce généraliste, proche de la droite et suppléant aux législatives, assure que Xavier Bertrand, président du Conseil régional des Hauts-de-France est l'un des rares à s'être mobilisé. Il a appelé plusieurs fois le Dr Pierre Goidin depuis son agression. "Xavier Bertrand est médusé, assure le Dr Legrand. Il a dû appeler la mairie de Dunkerque qui ne réagissait pas. Mais le pire du cynisme, c'est Christian Hutin. Il est député de la circonscription et médecin ! Il n'a pas décroché son téléphone." Son attaché parlementaire a tout de même téléphoné, précise le Dr Goidin qui aurait apprécié l'appel direct d'un confrère dans ces moments difficiles. Côté soutien, c'est encore l'Ordre qui a été le plus réactif. "Ils ont été corrects, assure Pierre Goidin. Ils se sont rendus compte de la gravité de la situation." "On l'a appelé dès qu'on a su la nouvelle", indique le Dr Jean-François Rault, président du conseil départemental du Nord, faisant amende honorable sur un petit retard à l'allumage. Le mail d'alerte du Dr Goidin avait atterri dans la boîte à spam de l'Ordre. C'est grâce à l'appel d'un journaliste local que les élus ordinaux ont pu sauver le mail du médecin des abymes de leur messagerie. "Quatre conseillers ordinaux l'ont appelé ensuite, on lui a parlé de la commission d'entraide, de l'association MOTS qui propose une aide psychologie aux médecins…" Et surtout, l'Ordre s'associe aux plaintes déposées par le médecin.  

"On n'a pas été si mauvais"

  "Je peux comprendre que le médecin ait eu le sentiment que ce soit long, en raison de son stress et compte tenu de la machine administrative qui est la nôtre. Mais je trouve qu'on n'a pas été si mauvais", répond Thomas Roussez, directeur de la communication à la mairie de Dunkerque. Il assure que la mairie a rapidement mis en place des "mesures humaines et sécuritaires". Des agents de police municipale ont ainsi été postés devant le cabinet du médecin de midi à 14h, et de 19h à 21h. "On leur fait faire des heures supplémentaires, et ils ont la consigne de rester jusqu'à ce que le médecin soit parti", indique Thomas Roussez. Et depuis vendredi dernier, une caméra mobile a été installée devant le cabinet du généraliste. Un équipement qui est temporaire, précise la mairie assurant que "l'Etat n'a pas vocation à mettre un flic devant chaque porte". Au grand dam du généraliste qui réclame une pérennisation de cette vidéo surveillance. "La mairie dit qu'elle veut me protéger, et elle met 4 semaines à placer une caméra ?", s'indigne le Dr Goidin. Quant au médiateur, envoyé pour dialoguer avec les habitants, le médecin se félicite de la démarche mais déplore qu'il n'ait pas eu l'idée de venir le voir. Du côté de la préfecture, on indique que "le commissariat de Dunkerque est mobilisé sur ce sujet et organise des rondes dynamiques aux abords du cabinet du docteur Goidin, en lien avec la police municipale." "Le problème ne vient pas de la police, qui n'a pas beaucoup d'effectif et fait un très beau travail", assure le généraliste. "Ce que je demande, c'est une sanctuarisation des cabinets médicaux. Quand vous êtes devant un hôpital, il y a un panneau H, vous comprenez que vous ne devez pas faire de bruit. Je veux la même chose pour les médecins de ville. Ça fait un an et demi que je demande à la mairie d'arranger l'éclairage en face du cabinet, d'améliorer le marquage au sol… Ce sont des petites choses, qui montreraient qu'on prend soin des médecins. Ce que je veux, c'est l'ordre républicain", poursuit le Dr Goidin, ajoutant qu'à 55 ans, il est le plus jeune des trois médecins du quartier.  

"J'ai toujours une boule au ventre à l'idée d'y retourner"

  Surtout, le médecin appelle à une prise de conscience et à une réflexion profonde. "Je voudrais que ça ne s'arrête pas au fait-divers. Je voudrais que ça serve de leçon", glisse le généraliste. Cherchant, malgré tout, à voir le bon côté des choses, il assure que la parole se libère. Dans le quartier, mais aussi du côté des médecins agressés. "J'ai eu une généraliste de Wattrelos au téléphone. Elle s'est faite agresser deux fois à son cabinet. Elle a signalé son cas à l'Ordre, mais n'a jamais porté plainte", rapporte le médecin. Vendredi, jour de son anniversaire, le Dr Pierre Goidin reprendra les consultations après plusieurs jours d'absence en raison d'une formation. "Là, ça va parce que je suis loin, confie le médecin dans un filet de voix. Mais j'ai toujours une boule au ventre à l'idée d'y retourner."

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