Médecin généraliste et romancier, Baptiste Beaulieu n'hésite pas à se dévoiler avec humour sur son blog Alors Voilà. Nous publions l'un de ses billets dans lequel il revient sur "la honte de sa vie". Alors voilà, je vous raconte ce tragique et inoubliable jour qui marquera à tout jamais ma mémoire au fer rouge de la honte. Une patiente m’avait refilé une gastro (je crois que je vois même qui c’est…). Pour être clair : je vomissais et chiais partout comme une poule, tentant de me consoler comme je pouvais, voyant là une excellente leçon d’humilité quand on a été l’invité, la veille, des cinq dernières minutes du JT de treize heures de France 2.
Des crampes d’estomac inimaginables
Malgré tout, me voilà obligé d’embaucher au cabinet (impossible de trouver un remplaçant, je porte des gants, et me drape dans ma vocation). Les heures et les patients me filent entre les doigts. J’ai des crampes d’estomac inimaginables… et de plus en plus besoin d’aller aux toilettes libérer le Kraken (ou, comme disait mamie, faire fonctionner la guillotine à boudin). La salle d’attente commence à se vider : je ne peux décemment pas aller aux toilettes tant qu’il y a des gens qui risqueraient de m’entendre (ne mentez pas : on a tous eu ce genre de pensées). Soudain, ça y est. Salle d’attente vide. Je n’en peux plus… Ne me dites pas que je suis impudique d’écrire sur ce sujet. La vraie impudeur, c’est de cacher le corps et la réalité de ce qu’il est : l’être humain transpire, pleure, vomit, tousse, sent des pieds, et tombe parfois malade. C’est ça l’être humain, c’est pas David et Victoria Beckham, qui ne sont que des produits markétings destinés à complexer les petits garçons nuls en foot (je te hais, David, tu entends ? Je te HAIS !!!) et affamer les jeunes filles qui se trouveront toujours trop grosses, #photosencartonpâtebotoxéàlasaucehollywoodienne. Libéré ! Délivré ! Je me glisse aux toilettes et là festival. Libéré ! Délivré ! Je parachute un, deux, trois gothiques, je suis Louis Armstrong à moi seul, festival de saxophone, j’ai une fucking moto dans les fesses. . *ici, insérez des prouts* . . (Je suis sûr que vous avez ri. C’est indémodable, les prouts, ça faisait déjà rire l’homo erectus dans sa grotte). Hélas ! Trois fois hélas ! Le dernier patient avait laissé la porte ouverte…
La honte de ma vie
Du coup, trois personnes attendaient en salle d’attente. La honte de ma vie. Et comme ces patients ne m’avaient jamais vu, et que je les sentais un peu gênés, un d’entre eux me fait, avec compassion et dans une tentative de briser la glace, "Vous savez si le médecin est déjà arrivé ?" Je n’ai pas su quoi répondre. Mais je crois qu’il existe une dimension, un monde alternatif, où j’ai dit : "Je ne sais pas" et me suis assis à côté d’eux en salle d’attente. Attendre. Ce jour-là, j’aurais eu besoin qu’un médecin vienne s’occuper de moi.
La sélection de la rédaction
Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?
François Pl
Non
Toute "tracasserie administrative" ajoutée ne fera que dissuader de s'installer dans les zones peu desservies (et moins rentables)... Lire plus