Alerte sur une augmentation de la consommation d’oxycodone en France
Cet antalgique opioïde de palier 3 est particulièrement surveillé car il a été « au centre de la crise des opioïdes aux États-Unis », rappelle la société savante dans un avis publié sur son site, le 22 mai. « La grande majorité des patients rapportant un trouble de l’usage prenait initialement l’oxycodone dans le cadre d’une prescription médicale. » En France, certains signaux apparaissent préoccupants. Ainsi, la consommation d’oxycodone a augmenté de 738% entre 2006 et 2017, la situant désormais en 2ème position, juste après celle de morphine, à la fois en ville et à l’hôpital. En outre, son implication dans les décès toxiques par antalgiques a quadruplé entre 2013 et 2017. L'augmentation de son utilisation paraît particulièrement préoccupante en Nouvelle-Aquitaine, a détaillé à l'AFP le Pr Francesco Salvo, responsable du centre régional de pharmacovigilance de Bordeaux. « A partir de 2017, il y a eu une augmentation impressionnante (de prescriptions) en Nouvelle-Aquitaine, de 5% par an », contre 1 ou 2% en France, relève ce pharmacologue. En 2021, la région comptait 950 consommants d'oxycodone pour 100 000 habitants, contre une moyenne nationale de 460 pour 100 000. Pourtant, selon la SFPT, cette molécule ne présente pas d’avantage par rapport à la morphine, que ce soit en termes d’efficacité ou de profil d’effets indésirables. Au contraire, « nous souhaitons rappeler que les différences du point de vue pharmacocinétique et pharmacodynamique entre l’oxycodone et la morphine seraient en faveur d’un risque médicamenteux supérieur avec l’oxycodone », écrit la SFPT.
En particulier, le risque addictogène de l’oxycodone apparait supérieur du fait d’une action dopaminergique plus importante et durable que celle de la morphine. Concernant la tolérance, l’oxycodone présente un risque plus élevé de troubles du rythme cardiaque, et n’a aucun avantage en termes d’effets indésirables fréquents, notammant sur le risque de constipation. Enfin, elle possède aussi plus d’interactions médicamenteuses. « Il n’y a aucun argument pour préférer la primo-prescription d’oxycodone par rapport à la morphine. La morphine reste à ce jour l’antalgique de palier 3 à privilégier », insiste la SFPT, rappelant par ailleurs que les opiacées ne sont pas indiqués dans les douleurs neuropathiques. Le Pr Salvo dit avoir sollicité des financements auprès de l'ARS pour mieux comprendre cette hausse de la consommation d’oxycodone. « Après une opération, 15 jours sous un opiacé, c'est suffisant », assure-t-il. « Nous voudrions voir s'il y a une portion de population qui reçoit des prescriptions plus longues, ce qui pourrait faire penser à un mésusage, voire à un trouble de l'usage. » Interrogé pour savoir si la politique commerciale des laboratoires pouvait être à l'origine de cette hausse, Francesco Salvo a estimé ne pas avoir « de preuve ». « Mais je ne peux pas l'exclure au vu de ce qui s'est passé avec les opiacés dans l'histoire de la médecine », note-t-il. Laboratoires et distributeurs pharmaceutiques aux États-Unis sont accusés d'avoir, à partir de 1996, fait la promotion agressive d'antidouleurs aux opiacés comme l'oxycodone. Leur dangerosité a éclaté au grand jour au milieu des années 2010 avec une explosion des overdoses liés aux opiacés, qu'il s'agisse de médicaments prescrits ou de drogues de synthèse comme le fentanyl. Environ 600 000 personnes en sont mortes en 20 ans.
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