Nouveaux traitements des troubles mentaux : pourquoi la France est à la traîne

16/02/2023 Par Caroline Guignot
Psychiatrie
Le congrès de l’Encéphale, qui s’est déroulé à Paris du 18 au 20 janvier 2023, était placé sous l’angle du « temps retrouvé », une façon de souligner l’importance de l’engagement collectif, dans une période de difficultés et de doutes. Des neurosciences à la réflexion sur les grandes mutations sociétales, du futur des psychotropes à l’avènement de nouvelles formes de psychothérapie, ce congrès se voulait éclectique, dans l’actualité et au plus près des professionnels. Les psychiatres ont, par ailleurs, saisi l’opportunité de ce congrès pour souligner que les patients souffrent d’un accès insuffisant aux soins ou et aux innovations. Reste à en comprendre les raisons.

  Quinze à vingt années de vie en moins. Cette surmortalité chez les patients psychiatriques est bien plus fréquemment associée à des pathologies somatiques – notamment cardiovasculaires et cancéreuses – qu’à des causes suicidaires. Pour la communauté de la santé mentale, c’est le fruit d’une inégalité persistante d’accès à la prise en charge. La question des moyens humains et financiers est évidemment au cœur de la problématique, avec des efforts insuffisants en matière de dépistage, de prise en charge précoce et d’accès à l’innovation thérapeutique. « Cela pose la question du regard porté sur les troubles mentaux », a dénoncé Mme Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). « Nous pouvons raisonnablement penser que la discrimination est à l’œuvre : est-ce que, pour les décideurs, ces personnes valent la peine ? ». En outre, « jusqu’en 2005, la France avait accès aux innovations apportées par les antipsychotiques de deuxième génération. Depuis, le mouvement est bloqué », a reconnu le Pr Raphael Gaillard (Centre Hospitalier Sainte Anne, Paris). Les cinq dernières molécules - palipéridone, lurasidone, cariprazine, brexpiprazole, asénapine - ont bénéficié d’une évaluation globalement mauvaise de la part de la Haute Autorité de Santé (HAS) : les service médical rendu (SMR) et amélioration du SMR (ASMR) ont été évalués au rabais, conduisant les laboratoires à ne pas commercialiser ces molécules en France (hors palipéridone dont le niveau de remboursement est de fait insuffisant). Pour exemple, « la cariprazine a pourtant une efficacité démontrée sur les symptômes négatifs de la schizophrénie, qui constituent les manifestations les plus difficiles à contrôler, cet avis est incompréhensible ». D’autant que ces molécules sont commercialisées chez nos voisins européens. Sont-ils moins-disants ou s’agit-il d’une conséquence de l'affaire Mediator ? « Le problème en France, est que les scandales se traduisent toujours par davantage de réglementation », a-t-il suggéré. Dernier étonnement en date : en juillet 2022, la HAS a émis un avis défavorable quant à l’intérêt de la simulation magnétique transcrânienne répêtée (rTMS) à haute fréquence dans le traitement de la dépression après échec de deux traitements antidépresseurs, au motif, entre autres, que le service attendu est insuffisant. Elle dispose pourtant d’une preuve de niveau A en evidence-based medicine. Et « comment ne pas s'[en] étonner au regard des nombreux autres pays où elle a été approuvée dans cette indication et tandis que la HAS a recommandé dans le même temps la rTMS dans les troubles aphasiques post-AVC, alors que le niveau de preuve scientifique est plus faible ?», a alerté la Pre Anne Sauvaget (CHU Nantes). Un élément supplémentaire soutenant l’idée d’une discrimination des patients du champ mental. Fin novembre, la communauté a alerté de ce « deux poids, deux mesures » dans une tribune ouverte à signature parue dans Le Monde.

Approuvez-vous la proposition de l'Assurance maladie de dérembourser les prescriptions des médecins déconventionnés ?

Michel Lemariey-Barraud

Michel Lemariey-Barraud

Non

La vraie question est de savoir si on veut assurer correctement les usagers, ou asservir durablement les médecins. La CNAM, organi... Lire plus

0 commentaire
2 débatteurs en ligne2 en ligne





 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

La Revue du Praticien
Addictologie
Effets de l’alcool sur la santé : le vrai du faux !
20/06/2024
0
Podcast Vie de famille
Le "pas de côté" d'un éminent cardiologue pour comprendre le cheminement de son fils apprenti chamane
17/05/2024
0
Rémunération
"Les pouvoirs publics n'ont plus le choix" : les centres de santé inquiets de l'avenir de leur modèle...
07/05/2024
3
Infirmières
Les infirmières Asalée sauvées?
16/04/2024
3
La Revue du Praticien
Pneumologie
Asthme de l’enfant avant 3 ans : une entité particulière
19/04/2024
0
Santé publique
Ce qui se cache derrière la hausse inquiétante de l'infertilité
13/03/2024
17