Quinze à vingt années de vie en moins. Cette surmortalité chez les patients psychiatriques est bien plus fréquemment associée à des pathologies somatiques – notamment cardiovasculaires et cancéreuses – qu’à des causes suicidaires. Pour la communauté de la santé mentale, c’est le fruit d’une inégalité persistante d’accès à la prise en charge. La question des moyens humains et financiers est évidemment au cœur de la problématique, avec des efforts insuffisants en matière de dépistage, de prise en charge précoce et d’accès à l’innovation thérapeutique. « Cela pose la question du regard porté sur les troubles mentaux », a dénoncé Mme Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). « Nous pouvons raisonnablement penser que la discrimination est à l’œuvre : est-ce que, pour les décideurs, ces personnes valent la peine ? ». En outre, « jusqu’en 2005, la France avait accès aux innovations apportées par les antipsychotiques de deuxième génération. Depuis, le mouvement est bloqué », a reconnu le Pr Raphael Gaillard (Centre Hospitalier Sainte Anne, Paris). Les cinq dernières molécules - palipéridone, lurasidone, cariprazine, brexpiprazole, asénapine - ont bénéficié d’une évaluation globalement mauvaise de la part de la Haute Autorité de Santé (HAS) : les service médical rendu (SMR) et amélioration du SMR (ASMR) ont été évalués au rabais, conduisant les laboratoires à ne pas commercialiser ces molécules en France (hors palipéridone dont le niveau de remboursement est de fait insuffisant). Pour exemple, « la cariprazine a pourtant une efficacité démontrée sur les symptômes négatifs de la schizophrénie, qui constituent les manifestations les plus difficiles à contrôler, cet avis est incompréhensible ». D’autant que ces molécules sont commercialisées chez nos voisins européens. Sont-ils moins-disants ou s’agit-il d’une conséquence de l'affaire Mediator ? « Le problème en France, est que les scandales se traduisent toujours par davantage de réglementation », a-t-il suggéré. Dernier étonnement en date : en juillet 2022, la HAS a émis un avis défavorable quant à l’intérêt de la simulation magnétique transcrânienne répêtée (rTMS) à haute fréquence dans le traitement de la dépression après échec de deux traitements antidépresseurs, au motif, entre autres, que le service attendu est insuffisant. Elle dispose pourtant d’une preuve de niveau A en evidence-based medicine. Et « comment ne pas s'[en] étonner au regard des nombreux autres pays où elle a été approuvée dans cette indication et tandis que la HAS a recommandé dans le même temps la rTMS dans les troubles aphasiques post-AVC, alors que le niveau de preuve scientifique est plus faible ?», a alerté la Pre Anne Sauvaget (CHU Nantes). Un élément supplémentaire soutenant l’idée d’une discrimination des patients du champ mental. Fin novembre, la communauté a alerté de ce « deux poids, deux mesures » dans une tribune ouverte à signature parue dans Le Monde.
- Chemsex, slam : un accompagnement inconditionnel et bienveillant
- Dépression résistante : d’abord questionner le diagnostic
- Dépression : ne pas oublier le triptyque non pharmacologique du traitement
- Psychédéliques : à l’aube d’une révolution ?
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus