Cancer du poumon, psychiatrie : l’imagerie vogue vers de nouveaux horizons
En 2011, l’étude américaine NLST (National Lung Screening Trial) révélait l’intérêt du scanner thoracique faible dose sans injection pour le diagnostic du cancer du poumon (1). Mené sur plus de 53.000 fumeurs répartis en deux groupes (scanner pour le premier, radiographie pour le second, de manière annuelle pendant trois ans), elle a montré une baisse de 20% de la mortalité liée au cancer du poumon dans le groupe scanner. La Haute autorité de santé (HAS) estimait pourtant en 2016 que « toutes les conditions pour une mise en œuvre efficace et sûre n’étaient pas réunies ». En cause, un taux excessif de faux positifs (96,4% dans l’étude NLST), faisant planer un risque de surtraitement. Les modalités du scanner se sont depuis affinées : lors de l’étude néerlandaise NELSON, publiée en 2020, seuls 1,2% des participants ont reçu un résultat faux positif (2). Face à ces avancées, les autorités sanitaires semblent enfin prêtes à sauter le pas. Le 20 septembre, la Commission européenne s’est prononcée en faveur d’un élargissement du dépistage de masse aux cancers de la prostate, de l’estomac et du poumon. La HAS se montre aussi moins réticente : en février, elle a proposé la réalisation d’une expérimentation en vie réelle, dont l’objectif serait de mieux définir les modalités du dépistage du cancer du poumon, son efficacité et sa sécurité, ainsi que les contraintes organisationnelles, éthiques et sociales. Une expérience pilote devrait être lancée en 2023, sous l’égide de l’Institut national du cancer (INCa). Une étude en cours chez des fumeuses Dénommée CASCADE (dépistage du CAncer du poumon par SCAnner double DosE) et menée dans quatre villes françaises (Paris, Rennes, Grenoble, Béthune), une étude est en cours depuis avril chez des femmes à risque élevé de cancer du poumon. Le but est d’évaluer l’intérêt d’une simple lecture par un radiologue assisté par l’intelligence artificielle, confronté à une double lecture par des experts -comme dans les études précédentes. Pourquoi l’étude CASCADE a-t-elle été restreinte aux fumeuses ? Parce que le cancer du poumon ne cesse de se féminiser. Selon l’INCa, l’incidence a augmenté de 5,3% chez les femmes entre 1990 et 2018, la mortalité de 3,5% -contre des baisses respectives de 0,1% et 1,2% chez les hommes. De 11,5% des cas de cancer du poumon en France en 1990, les femmes en constituaient 32,6% en 2018. « A tabagisme équivalent, le risque de cancer du poumon est 1,7 fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes », rappelle la Pre Marie-Pierre Revel, cheffe du service de radiologie de l’hôpital Cochin (AP-HP, Paris) et investigatrice principale de CASCADE. Malgré cette féminisation, trop peu de données sont encore disponibles au sujet des femmes. Or les résultats issus des précédentes études sur le scanner suggèrent que la baisse de mortalité liée à l’imagerie serait particulièrement marquée chez elles, rappelle la Pre Marie-Pierre Revel. L’intérêt est aussi organisationnel : « on peut mener ce dépistage de pair avec celui du cancer du sein, et construire ainsi des parcours de dépistage », explique-t-elle. En psychiatrie, les nombreuses applications de l’IRM Egalement abordé lors des JFR, le sujet de l’imagerie en psychiatrie, encore peu utilisée. Que ce soit dans la schizophrénie, l’autisme ou le trouble bipolaire, son intérêt est majeur, estime le Pr Jean-Pierre Pruvo, chef du service de neuroradiologie du CHU de Lille. En premier lieu, pour s’assurer que les symptômes psychiatriques n’ont pas une cause organique, telle qu’une sclérose en plaques ou une encéphalite. Pour les autres patients, la neuroimagerie constitue une aide précieuse au diagnostic. Exemple dans la schizophrénie, où « l’IRM fonctionnelle d’activation permet de repérer la zone qui déclenche spontanément, sans que le patient prenne la parole ou qu’il n’ait de vision », explique le Pr Jean-Pierre Pruvo. Idem dans les troubles bipolaires, où il est possible de visualiser un manque de compensation des émotions, propre à la bipolarité. Autre application, l’IRM permet de prédire l’efficacité du lithium, par analyse de sa fixation au tronc cérébral « dans les deux à trois jours » après l’initiation du traitement -alors qu’il faut « un à deux mois » pour mesurer l’efficacité clinique de ce médicament. Quant au patient, l’imagerie facilite sa « psychoéducation » en l’aidant à mieux comprendre l’origine de ses troubles. (1) Aberle DR et al., N Engl J Med. 2011 Aug 4 ; 365(5) : 395-409 (2) De Koning HJ et al., N Engl J Med. 2020 Feb 6 ; 382(6) : 503-513
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