Cancers : quels sont ceux qui s’améliorent, et ceux qui inquiètent ?

11/08/2021 Par Marielle Ammouche
Cancérologie
Les dernières données de survie concernant les cancers en France montrent une amélioration du pronostic de la très grande majorité de ces pathologies. Mais elles pointent aussi des disparités importantes, - en fonction du sexe, de l’âge, du type tumoral, etc.- qui définissent de nouveaux champs d’actions pour la prévention.

On recense actuellement plus de 1000 nouveaux diagnostics de cancer chaque jour en France (380.000 par an), ainsi que 157.400 décès annuels. C’est dire les enjeux que représentent ces pathologies, et, par conséquence, l’importance de mieux les connaître pour tenter d’en diminuer la charge. Cela passe en priorité par la prévention, a affirmé le Pr Norbert Ifrah, président de l’Institut du cancer (Inca) à l’occasion de la publication des dernières données de survie des cancers. D’autant que "la majorité des cancers évitables font partie de la cohorte des cancers de mauvais pronostic, c’est-à-dire de ceux ayant une survie à 5 ans inférieure à 33%", a-t-il souligné. Les données épidémiologiques constituent des marqueurs fondamentaux pour l’analyse des progrès thérapeutiques et du bien-fondé des stratégies de lutte contre les cancers. L’Inca vient donc de rendre publique le quatrième volet de son rapport sur la survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine. Ces nouveaux chiffres portent sur des maladies diagnostiquées entre 1989 et 2015 avec une analyse de la survie jusqu’en 2018. Ils ne tiennent donc pas compte de la période de la crise Covid. Ils sont le fruit d’un partenarial entre le réseau Francim des registres des cancers, le service de biostatistique des Hospices civils de Lyon, Santé publique France et l’Inca. L’étude porte sur 73 cancers (50 tumeurs solides et 23 hémopathies malignes) dont 22 nouvelles sous-localisations anatomiques ou histologiques telles que les cancers de la vésicule et des voies biliaires ou le glioblastome. Et elle inclut, pour la première fois, les estimations de survie à 20 ans.

Ces nouvelles données mettent en évidence une amélioration de la survie pour presque tous les cancers. C’est particulièrement le cas pour les hémopathies : dix d’entre elles (44 % des nouveaux cas) présentent une survie nette à 5 ans supérieure à 80 %. La leucémie aiguë myéloïde présente, elle, des résultats beaucoup plus défavorables (survie de 27 % à 5 ans). Pour 10 hémopathies malignes (sur 18 sous-types étudiés), la survie s’est améliorée. Cette tendance est particulièrement marquée pour les hémopathies myéloïdes avec, par exemple, une augmentation de 47 % à 86 % de la survie de la leucémie myéloïde chronique entre 1990 et 2015 ; et ce quel que soit l'âge au diagnostic. Et l’amélioration de la survie est aussi importante pour trois hémopathies lymphoïdes : le lymphome folliculaire, le lymphome diffus à grandes cellules B et le myélome multiple /plasmoctyome. Pour les tumeurs solides, les résultats sont plus hétérogènes. Le cancer ayant le pronostic le plus favorable est celui de la thyroïde (96 %) ; alors le glioblastome et le cancer pulmonaire à petites cellules ont les taux de survie les plus faibles (7 %). On observe cependant une amélioration...

de la survie nette à 5 ans pour 35 localisations des 41 tumeurs solides étudiées. C’est pour le cancer de la prostate que l’on observe la plus forte progression (+ 21 points de survie), Pour les cancers les plus fréquents (sein, poumon, colo-rectaux), les gains de survie sont respectivement de 9, 11 et 12 points sur la période. Pour l’Inca, ces évolutions favorables sont dues à des diagnostics plus précoces, un meilleur ciblage des thérapeutiques, de nouveaux traitements innovants, et une surveillance accrue des patients.   Deux cancers avec une tendance défavorables Deux localisations cancéreuses sont marquées par un recul de la survie à 5 ans : le cancer de la vessie (- 5 points), et celui du col de l’utérus (- 3 points). Dans le premier cas, la tendance plus marquée chez les jeunes pourrait s’expliquer par des évolutions de classification des tumeurs au cours des années de diagnostic. Dans le deuxième cas, les femmes de plus de 50 ans sont particulièrement concernées. "Il s’agit là d’un effet 'paradoxal' du dépistage, explique l’Inca. En effet, il permet de détecter des lésions précancéreuses (entrainant une diminution de l'incidence des cancers invasifs) et des cancers à un stade plus précoce et donc curable et d’améliorer les chances de guérison (ce qui est observé chez les femmes de moins de 50 ans). Avec la diminution du nombre de cancers invasifs la proportion de cancers diagnostiqués à des stades avancés (chez des femmes non dépistées), donc plus agressifs augmente."   Un meilleur pronostic chez les femmes L’étude montre par ailleurs des disparités en fonction du sexe, presque toujours en faveur des femmes. Les écarts les plus importants sont constatés pour la localisation lèvre-bouche-pharynx (+ 15 points de survie chez la femme), suivis du syndrome myélodysplasique et de la leucémie myélomonocytaire chronique (+ 10 points), du cancer de l’estomac (+ 8 points), et du cancer du poumon (+6 points). Seuls les cancers de la vessie et des cavités nasales ont une survie plus élevée chez les hommes. Pour l’Inca, ces écarts peuvent s’expliquer notamment par "une sensibilisation plus marquée des femmes à la prévention et au dépistage permettant des diagnostics plus précoces ; une exposition plus forte des hommes aux principaux facteurs de risque de cancers (notamment le tabac et l’alcool) ayant comme conséquence une prédominance de certaines sous-localisations anatomiques ou de certains types histologiques de cancers de pronostic plus défavorable".

Les nouveaux chiffres confirment, en outre, que les personnes âgées présentent des pronostics moins favorables, et surtout pour les hémopathies. Deux exceptions sont représentées par les cancers du sein et de la prostate, pour lesquels les personnes jeunes ont une survie moins élevée que les personnes d’âge intermédiaire "du fait d’une plus grande fréquence de tumeurs plus agressives". Enfin des données à 20 ans portent sur les personnes diagnostiquées entre 1989 et 2000 et âgées de moins de 75 ans au moment du diagnostic (35 localisations pour les tumeurs solides et 6 pour les hémopathies malignes). Elles confirment que lorsqu’un cancer a un pronostic favorable à 5 ans, il le reste en général sur 20 ans. C’est le cas des cancers du testicule (survie nette à 20 ans supérieure à 90 %), des mélanomes cutanés (> 80 %) et des cancers du sein (> 63 %). Mais cela est moins le cas quand le sujet est âgé, ou pour certaines pathologies comme la leucémie lymphoïde chronique /lymphome lymphocytique (survie nette à 20 ans entre 36 % et 55 % selon l’âge), le lymphome de Hodgkin (entre 22 % et 91 %) ou les cancers de la sphère ORL (- 25 à - 30 points par rapport à la survie à 5 ans).

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