Dysfonction vésicale et hypertrophie bénigne de prostate : la place centrale du bilan urodynamique

14/04/2020 Par Brigitte Blond
Urologie

La distinction entre les deux types de symptômes du bas appareil urinaire, - que sont les troubles de stockage ou de vidange - , est aujourd’hui parfaitement clarifiée. Le point avec le Pr Jean-Nicolas Cornu, est chirurgien urologue au CHU de Rouen.    Troubles de stockage ou de vidange, le problème est-il vésical, prostatique ou mixte ?  Des mictions poussives, de quelques gouttes, ou encore un jet faible sont le plus souvent le témoin d’un obstacle sous-vésical, comme l’hypertrophie bénigne de prostate (HBP). Si ce frein à la vidange est une pathologie fréquente, il n’explique pas tous les troubles urinaires du bas appareil. La prise en compte de la dysfonction du muscle vésical (le détrusor), qui se contracte mal (à mauvais escient ou insuffisamment), change désormais la donne pour la caractérisation des troubles urinaires (pollakiuries et urgenturies), toujours sur la clinique. Ainsi, les causes d’une rétention ne sont pas qu’obstructives, autrement dit ne relèvent pas de la prostate uniquement.  La prise en charge est à l’évidence différente selon que l’obstruction est ou non patente, sur un détrusor plus ou moins opérationnel… Pour s’assurer de la réalité de l’obstruction, une fois les symptômes spécifiques mis en évidence, et juger de l’intérêt d’une intervention prostatique quelle qu’elle soit, l’examen de référence est le bilan urodynamique : en captant la pression dans la vessie et le rectum, il permet de mesurer la force du détrusor. Si celle-ci est conservée, un débit faible est synonyme d’obstruction. Cet examen invasif, jusqu’ici indiqué pour les plus de 80 ans, les moins de 40 ans, les personnes déjà opérées (avec un résultat insatisfaisant) ou les vessies neurologiques, pourrait être proposé plus souvent, dès lors que l’on envisage une intervention sur des symptômes obstructifs. Une stratégie qui est aujourd’hui en cours de validation.    Comment traite-t-on aujourd’hui les dysfonctions vésicales ?  L’hyperactivité vésicale (HAV) est aussi fréquente chez l’homme que chez la femme, soit 15 % des plus de 60 ans. Sa physiopathologie n’est toutefois pas exactement...

semblable : les hommes ont aussi une prostate au voisinage immédiat ! Avant de faire un bilan urodynamique, on tente en première ligne, sur des symptômes de stockage exclusifs, un anticholinergique, lesté de ses effets indésirables (seuls 10 % à 20 % des patients sont encore observants à un an), ses contre-indications (rétention justement) et précautions d’emploi. Autre recours possible, un médicament d’une nouvelle classe (bêta3 adrénergique), le mirabégron, non encore remboursé en France, à éviter en cas d’HTA non contrôlée, mais au profil de sécurité proche du placebo. Troisième option, pour les patients fragiles, qui ne souhaitent pas de traitement médicamenteux, la stimulation (infraclinique) du nerf tibial postérieur (qui partage la racine où circulent les nerfs vésicaux) autoréalisée en 20 minutes par jour (prise en charge pour 3 mois).    Et si décidément le problème principal est obstructif, prostatique ?  Lorsque les troubles urinaires résistent aux médicaments et à la stimulation, le bilan urodynamique permet de faire la part de l’obstruction et de la dysfonction vésicale. Le botox ou la neuromodulation sacrée (un pace-maker vésical qui oblige à l’implantation d’une électrode par voie percutanée sur S3, à proximité du nerf sacré) peut être proposé en l’absence d’obstruction documentée. Si obstruction il y a, les possibilités de traitement chirurgical ont explosé ! Jusqu’ici, on “grattait“ l’excès de tissu prostatique par les voies naturelles, ou on l’énucléait par voie haute. Cette énucléation est maintenant faisable par les voies naturelles grâce au laser, - une intervention “humaine“ : le noyau prostatique est ensuite luxé dans la vessie, puis morcelé avant extraction. L’aquablation, une technique robotisée (à la courbe d’apprentissage plus rapide), permet de disséquer le noyau précisément, un microjet d’eau étant projeté sur les contours du noyau vus à l’échographie. Réalisable aux États-Unis ou en Allemagne, elle est en France au stade d’essai thérapeutique.  Autre possibilité, validée aux États-Unis, bientôt en Europe, le Rezum, qui consiste à vaporiser par voie endoscopique de l’eau à forte température sur les lobes prostatiques via des picots. A la clé de cette technique non ablative, une réduction de la taille de l’adénome, et ainsi une amélioration du flux urinaire. Seconde technique non ablative, réservée elle aussi aux “petites“ prostates, Urolift où l’on clippe la prostate pour l’écraser et libérer la lumière urétrale. Ces deux solutions impactent moins la sexualité, au prix d’une désobstruction peut-être moindre.

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