La scoliose n’est plus si idiopathique !

15/11/2019 Par Brigitte Blond
Pédiatrie

Si les déterminants de la scoliose sont encore bien mystérieux aujourd’hui, les travaux de recherche soutenus depuis 20 ans par la Fondation Yves Cotrel permettent d’avancer plusieurs hypothèses, notamment génétiques.   Un gène pourrait-il être en cause dans le développement de cette maladie, qu’il convient de dépister le plus tôt possible pour limiter la complexité de la prise en charge ? « La difficulté est que la scoliose est une maladie commune : tout le monde est un peu scoliotique ! », observe le Pr Patrick Edery, pédiatre généticien, chef du service de génétique de l’Hôpital Femme-Mère-Enfant au CHU de Lyon.   Des anomalies ciliaires Ainsi, il existe un continuum entre les personnes a priori indemnes et celles qui sont touchées. « Nous avons fait l’hypothèse que dans ce type de maladies, multifactorielles, des sous-groupes monogéniques à fort déterminisme génétique pouvaient être individualisés, autrement dit que l’on pourrait trouver des familles à transmission autosomique dominante monogénique », indique-t-il. Deux chromosomes ont alors été mis en lumière chez les individus atteints, transmis tous deux, ensemble, avec la maladie. Une mutation a ensuite été repérée sur la partie de chromosome 5, POC5 (avec trois variants particuliers dans la même région), qui code pour une protéine de structure du cil, un organite sensoriel cellulaire. Le POC5 est présent dans 10 % des formes familiales de scoliose (qui représentent 40 % de toutes les scolioses). Reste à identifier le partenaire du POC5 sur le chromosome 3. Si l’on ne sait pas précisément comment les mutations créent les conditions favorables pour une scoliose (une dérégulation des flux ? une perception altérée des de signaux chimiques ou mécaniques ?), on sait que le cil est une antenne qui permet à la cellule de communiquer avec le milieu extérieur, où circulent les fluides. « A la base du cil, une structure intervient dans la division cellulaire », poursuit-il.   La période critique de la croissance La validation fonctionnelle du gène variant POC5 a été faite sur le poisson zèbre : une déformation rotative de la colonne a été objectivée au microscanner. Ont été également constatés une hypocalcification de la colonne, une asymétrie du cerveau et un désordre des cellules ciliées de la neurorétine (qui communique le signal visuel au cerveau). A la clé, un défaut de perception de leur stature que partagent les patients avec les poissons zèbres ! Par ailleurs, les cils porteurs de la mutation POC5 sont rétractés, moins actifs, déconnectés des protéines, avec lesquelles ils sont normalement reliés. Les canaux semi-circulaires de l’oreille interne, mais aussi les poumons, pourraient être concernés par la mutation POC5. Les filles sont davantage atteintes par cette maladie qui “explose“ à la puberté… « Le gène POC5 et son variant pourraient-ils être régulés par les hormones féminines ? », s’est interrogée le Pr Florina Moldovan, généticienne au CHU Sainte-Justine à Montréal. On sait d’ores et déjà que la synthèse de la protéine POC5 est extrêmement dépendante de l’estradiol, ainsi que la fermeture du cartilage de croissance à la puberté. Cette puberté est retardée chez les adolescents scoliotiques et l’incidence de la scoliose est plus élevée chez les jeunes filles sportives, ballerines en particulier, qui présentent une privation d’hormones féminines.   Un indice prédictif de sévérité La prise en charge de la scoliose évolutive doit être la plus précoce possible, avec un dépistage tôt, une surveillance radiographique tous les 6 mois grâce à deux clichés (F+P) pour une reconstruction de la colonne en 3 D (système EOS), et une freination de la scoliose par un corset au moment de la poussée de croissance. « Or, une colonne “candidate“ à la scoliose contient, dès le premier examen, les germes de la maladie », rapporte le Pr Wafa Skalli, ingénieure aux Arts et Métiers. Six signaux faibles (rotation vertébrale, hypocyphose, etc.) ont été retenus, qui permettent un “fléchage“ et ainsi de pouvoir discriminer les vraies scolioses des simples déformations. A terme, il s’agit de bénéficier d’une indication de corset à bon escient, et ce plus rapidement lors de la croissance. « L’indice que nous avons mis au point, calculé de façon automatisée sur ces 6 signaux en 3 à 4 minutes, associe le système EOS à l’intelligence artificielle ; il a fait l’objet en 2019 d’une publication dans European Spine Journal et doit être maintenant validé à large échelle avant d’être proposé en routine », annonce-t-elle.

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