Autisme : l’atteinte des jeunes filles sous-estimée

23/03/2019 Par Corinne Tutin
Neurologie

L’autisme chez les jeunes filles est probablement sous diagnostiqué, en particulier car ces dernières trouvent souvent des moyens de cacher leur trouble. Pourtant le repérage précoce est fondamental pour favoriser l’insertion sociale et prévenir le risque de violence, notamment sexuelle, très fréquent dans cette population.

  Les troubles du spectre autistique (TSA) augmentent de prévalence actuellement dans le monde, a rappelé Séverine Leduc-Destribats, psychologue clinicienne à Paris. "Ce qui est dû très probablement à un meilleur diagnostic, à une extension des critères de définition, mais pourrait aussi peut-être impliquer des facteurs environnementaux. Ainsi, en 2018, une étude a suspecté le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) dans sa survenue ".  

Camoufler leurs particularités

  Les derniers chiffres des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis estiment qu’un enfant de 0 à 12 ans sur 59 voire sur 35 pourrait être concerné par ces TSA alors qu’auparavant les chiffres retenus en France étaient plutôt de 1/100 à 1/150 des naissances. Classiquement, 1 femme était touchée pour 4 hommes. "En fait, sans que le sexe ratio soit de 1/1, les femmes sont probablement plus nombreuses car mal diagnostiquées", a estimé Séverine  Leduc-Destribats. C’est notamment le cas dans l’autisme de haut niveau (autisme sans déficit cognitif). En effet, si les petites filles et les adolescentes autistes de haut niveau se caractérisent comme les garçons par un manque de réciprocité émotionnelle (difficulté à comprendre et réagir aux émotions de l’autre), par une intelligence différente et atypique (pensée en réseau) du fait de l’hyperconnectivité cérébrale, par un centrage sur des éléments d’intérêt spécifiques (pour lesquelles elles deviennent expertes), parfois par une hypersensorialité (aux sons, aux odeurs, au toucher) qui peut être source de stress dans la vie quotidienne, elles tendent à camoufler leurs particularités. Ce qui peut rendre la reconnaissance du trouble très difficile. Plus calmes et timides que les garçons autistes, qui peuvent parfois avoir des troubles du comportement, les filles autistes développent ainsi des stratégies de compensation en analysant les mimiques de leurs camarades, pour reproduire leur gestuelle, en consultant internet pour faire comme les autres. "Or, ce rôle de caméléon social pour paraître normal, pour répondre à ce que la société attend d’elles peut être source d’épuisement émotionnel, d’isolement, de perte d’estime de soi, déboucher sur la prise de médicaments anxiolytiques, d’alcool ou de drogues. Ce qui explique que ces autismes soient souvent reconnus à l’occasion d’une dépression, d’une anorexie, d’une phobie, d’une anxiété qui évolueront par rechutes régulières en l’absence de prise en charge", a insisté Séverine Leduc-Destribats. Des travaux cliniques de C. Gillberg en 2000 ont suggéré que 20 % des anorexiques pourraient avoir un trouble du spectre autistique.  

 

Des prises en charge spécifiques

  Malgré les difficultés, il est indispensable de diagnostiquer ces autismes de haut niveau féminins pour aider les jeunes filles à mieux s’insérer à l’école, pour aider au choix d’une carrière, en comprenant leur mode de fonctionnement émotionnel et cognitif. On pourra leur proposer par exemple de participer à des ateliers d’entraînement aux habiletés sociales. "Les centres d'intérêt spécifiques doivent être pris en compte dans le parcours professionnel pour favoriser l’insertion", recommande Marie Rabatel, présidente de l’Association francophone de femmes autistes*, elle-même autiste. Chez les jeunes filles, ces intérêts spécifiques sont souvent plus faciles à partager avec les pairs que chez les garçons (poneys, chats…).  

 

La prévalence majeure des agressions sexuelles

  La prévention précoce du TSA est aussi indispensable pour éviter une exposition aux violences, dont la probabilité est fortement accrue chez ces jeunes autistes du fait de comportements à risque, de difficultés à repérer les situations dangereuses, à comprendre l'implicite... Une enquête, réalisée auprès de 230 femmes autistes de tous âges et de tous milieux sociaux, vient ainsi de montrer que 88 % d’entre elles avaient subi au moins une fois au cours de leur vie une agression sexuelle, et 39 % d’entre elles ont rapporté un viol, "mais on constate un certain déni de l’agression, car un pourcentage plus important, 51 %, déclaraient avoir subi une pénétration par la contrainte, mensonge, ou manipulation". Une fois sur deux, l’agression s’était produite avant l’âge de 14 ans, une fois sur trois avant celui de 9 ans. "Ces violences sexuelles exposent à une double peine, a déploré Marie Rabatel, un état de stress post-traumatique s’ajoutant au TSA pour accroître un état de vulnérabilité déjà important. Il serait important de différencier, pour le soigner, le comportement en lien avec l’état de stress post-traumatique de celui en rapport avec le fonctionnement autistique. Ce qui est trop souvent négligé". Dans cette étude, moins de 5 % des femmes agressées avaient porté plainte et ont pu recevoir des soins adaptés à leur autisme.

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