Aspirine en prévention primaire : une nouvelle étude dit non

23/01/2019 Par Marielle Ammouche
Cardio-vasculaire HTA
Une métaanalyse qui vient d’être publiée dans le Jama confirme que les bénéfices sur le plan cardiovasculaire d’une prévention primaire par aspirine, telle qu’elle est pratiquée aux Etats-Unis, sont contrebalancés par les risques hémorragiques qu’elle entraine.

Dans ce pays, en effet, des préconisations de l'US Preventive Services Task Force datant de 2016 conseillent l'aspirine pour les sujets de 50 ans ayant un score de risque calculé de 10% d’événements cardiovasculaires à 10 ans. Et une étude de 2015 estimait à 47% la proportion d'Américains en bonne santé prenant de l'aspirine régulièrement. En France et en Europe, les pratiques sont différentes ; l'aspirine n’étant recommandée qu’en prévention secondaire. L’étude en question a repris 13 essais cliniques, dont chacun devait avoir inclus au moins 1000 individus ne présentant pas de pathologie cardiovasculaire connue et suivis pendant au moins 12 mois. Au total, la méta-analyse a porté sur 164 225 participants ayant en moyenne 62 ans (47% d’hommes, 19% de diabétiques). Les résultats montrent que l’aspirine est associée à une réduction de l’incidence des événements cardiovasculaires : 57,1 per 10 000 participant-années avec aspirine versus 61,4 sans aspirine. Mais ce traitement entraine aussi une augmentation du risque d’hémorragie grave : 23,1 pour 10 000 patient-années versus 16,4. Autrement dit, l’aspirine permettrait d’éviter un événement cardiovasculaire pour 265 personnes traitées pendant cinq ans. Mais au cours de la même durée, une hémorragie grave surviendrait pour 210 patients sous aspirine. Ces données vont dans le même sens que trois autres grands essais cliniques, publiés en 2018, ayant mis à mal les préconisations américaines. "Il n'y a aucune raison pour les gens en bonne santé de prendre de l'aspirine de façon routinière", indique à l'AFP l'auteur principal de l'analyse, le cardiologue Sean Zheng, du King's College de Londres. "Nos données montrent qu'il existe un risque réel. Les gens ne doivent pas en prendre en pensant que c'est complètement bénin", ajoute le médecin. Les auteurs considèrent cependant que la décision doit se faire au cas par cas. "Pour certains patients la balance peut pencher plus clairement d'un côté ou de l'autre", commente Stephen Evans, professeur de pharmaco-épidémiologie à la London School of Hygiene & Tropical Medicine. L'opinion des patients est aussi à prendre en compte. L’étude a, par ailleurs, permis d’analyser les liens entre traitement par aspirine et survenue des cancers. Et contrairement à certaines données antérieures (concernant en particulier le cancer du colon), aucune relation, dans un sens ou dans l'autre, n'a été établie. Sean Zheng n'a pas d'explication à cette contradiction, mais ses chiffres sont clairs, selon lui : "je suis assez sûr que l'aspirine n'a pas d'effet sur le cancer". Des essais cliniques plus longs pourront trancher cette autre question.

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