La chirurgie bariatrique augmente (modestement) le risque de suicide et d’automutilation

16/03/2018 Par Pr Philippe Chanson
Génétique

La chirurgie bariatrique réduit la mortalité des patients obèses. Néanmoins, des données américaines récentes ont indiqué qu’elle pourrait être associée à une augmentation du risque de suicide et de décès non liés à l’obésité. Cependant, on ne dispose pas d’études dans lesquelles le risque de suicide après chirurgie bariatrique a été évalué en comparaison de patients ayant eu une perte de poids de manière non chirurgicale.

Ceci a conduit des auteurs scandinaves à étudier le risque de suicide et d’automutilation après chirurgie bariatrique en comparaison d’un traitement non chirurgical de l’obésité. Tous les suicides et les événements en rapport avec une automutilation ont été obtenus à partir des registres nationaux suédois et cela dans 2 cohortes. La première cohorte est la cohorte prospective non randomisée SOS (Swedish Obese Subjects) qui comparait la chirurgie bariatrique réalisée chez 2 010 sujets et la prise en charge habituelle chez 2 037 sujets recrutés entre 1987 et 2001. La seconde cohorte était constituée des sujets du Registre Scandinave de Chirurgie de l’Obésité (SOReg) qui comportait 20 256 patients qui avaient eu un bypass gastrique et qui ont été comparés à des sujets traités médicalement (16 162 sujets) et appariés en fonction de l’IMC basal, de l’âge, du sexe, du niveau d’éducation, de l’existence d’un diabète, d’une pathologie cardiovasculaire, d’antécédents psychiatriques, d’automutilation, de mésusage de médicaments, d’utilisation d’antidépresseur, d’utilisation d’anxiolytique et de contact avec des soins psychiatriques. Au cours des 68 528 personnes/années, le nombre de suicides ou d’événements d’automutilations dans l’étude SOS était supérieur dans le groupe chirurgical (n = 87) en comparaison du groupe témoin (n = 49, hazard ratio ajusté = 1.78 ; 1.23-2.57, p = 0.0021). Il y a eu 9 suicides dans le groupe chirurgie bariatrique et 3 dans le groupe témoin (HR ajusté = 3.06 ; 0.79-11.88 ; p = 0.11). Dans les analyses en fonction du type de chirurgie, on notait une augmentation du risque de suicides ou d’automutilations non fatales pour le bypass gastrique (HR ajusté = 3.48 ; 1.65-7.31, p = 0.0010), pour le ballon gastrique (2.43 ; 1.23-4.82, p = 0.011) et pour la gastroplastie verticale (2.25 ; 1.37-3.71, p = 0.0015) en comparaison des témoins. Sur les 9 décès par suicide du groupe chirurgical de l’étude SOS, 5 sont survenus après bypass gastrique. Au cours des 149 590 personnes/année de suivi de l’étude SOReg, plus de suicides ou d’automutilations non fatales ont été rapportés dans le groupe bypass gastrique (n = 341) que dans le groupe traitement médical (n = 84 ; HR ajusté = 3.16 ; 2.46-4.06, p < 0.0001). 33 suicides ont été rapportés dans le groupe bypass gastrique et 5 dans le groupe traitement médical donnant un HR ajusté de 5.17 (1.86-14.37, p = 0.0017). Dans l’étude SOS, le mésusage de médicaments au cours du suivi était rapporté chez 48 % des patients traités par chirurgie et 28 % des patients témoins qui avaient des automutilations non fatales (p = 0.023). Dans l’étude SOReg, le mésusage de médicaments au cours du suivi était trouvé chez 51 % des participants traités par bypass gastrique et chez 29 % des participants du groupe traité médicalement qui avaient eu des événements d’automutilation (p = 0.003). Le risque de suicide et d’automutilation n’était pas associé à une moindre perte de poids. En conclusion, la chirurgie bariatrique est associée à des taux supérieurs de suicide et d’automutilation. Toutefois, les risques absolus sont faibles et ne justifient pas de décourager les patients candidats à la chirurgie bariatrique. Cependant, ils indiquent la nécessité d’une évaluation des antécédents psychiatriques en préopératoire plus en profondeur qu’elle n’est faite à l’heure actuelle, en particulier en recherchant si les sujets ont déjà un risque d’automutilation avant la chirurgie. Quant à la surveillance postopératoire, elle doit inclure ce type de complication.

Faut-il prévoir deux stages en libéral pour tous les internes de spécialité ?

Michel  Delvallez

Michel Delvallez

Oui

Évident Ils y apprennent plus leur métier que ds des services hyperspecizlises qui ne leur apportent rien... Lire plus

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