La liberté de prescription et ses limites

08/06/2020
Si un médecin bénéficie, en principe, d’une totale liberté de prescription rappelée par l’article R.4127-8 du Code de la santé publique, celle-ci est toutefois tempérée par l’obligation de ne pas faire courir à ses malades des risques injustifiés et ne pas leur proposer des remèdes ou des procédés illusoires ou insuffisamment éprouvés. 

Sur décision du Gouvernement, l’hydroxychloroquine n’est plus autorisée en France pour traiter le Covid-19, ce médicament ne devant être prescrit que dans ses indications habituelles, pour sécuriser son accès aux patients qui en bénéficient pour leur traitement chronique. Si les prescriptions initiales ne peuvent être réalisées que par des médecins rhumatologues, internistes, dermatologues, néphrologues, neurologues et pédiatres, les renouvellements d’ordonnance peuvent être effectués par tout médecin.  

Les conditions de prescription et de délivrance de certains médicaments peuvent ainsi être limitées par décret, notamment en l’absence de connaissances médicales avérées ou de consensus scientifiques. 

Les dispositions dérogatoires autorisant la prescription de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19 à l’hôpital ayant été récemment abrogées, les médecins récalcitrants ne peuvent plus évoquer la notion de rupture d’égalité dans l’accès au traitement à base d’hydroxychloroquine.  

L’occasion de rappeler que la liberté de prescription du médecin engage sa responsabilité civile, pénale et disciplinaire. Un médecin généraliste a ainsi une obligation de moyens envers ses malades, celle de leur délivrer des soins appropriés, conformes aux données acquises de la science, en ne leur faisant pas courir de risque disproportionné par rapport au bénéfice escompté. Il doit utiliser des thérapeutiques, des traitements dont l’efficacité est reconnue. 

 

Les prescriptions hors AMM 

Tout médicament doit, en principe, bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Il est toutefois possible de prescrire "hors AMM " si un médicament peut se révéler efficace pour...

traiter des affections non prévues par l’AMM. A l’image du Mediator, d’importants scandales sanitaires sont apparus à la suite de prescriptions hors AMM. C’est la raison pour laquelle la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a été promulguée. Ce texte a légalisé et encadré les prescriptions hors AMM, en énonçant notamment "qu’une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription  non conforme à son autorisation de mise sur le marché".  

Cette prescription est autorisée s’il n’existe pas d’alternative médicamenteuse bénéficiant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Le médecin prescripteur devra alors justifier que le traitement qu’il préconise est reconnu comme efficace et non dangereux par la communauté et la littérature scientifiques, que son indication est indispensable à l’amélioration ou la stabilisation de l’état de santé de son malade. Le médecin devra informer son patient de l’absence d’AMM de sa prescription, de l’absence d’alternatives thérapeutiques, des bénéfices attendus et des risques ou contraintes du médicament. Son ordonnance devra comporter la mention spécifique "prescription hors autorisation de mise sur le marché".

Le praticien devra également mentionner cette prescription dans le dossier médical de son patient et en expliquer la motivation. Plus ces critères seront précis et justifiés, moins le médecin sera sanctionnable, en sachant, toutefois, qu’il devra toujours apporter la preuve des données acquises de la science qui l’auront conduit à juger cette prescription indispensable. 

Par Nicolas Loubry, juriste 
 
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