"Je me suis fait assassiner" : l'écœurement d'un MG menacé de poursuites pour avoir loué son traitement contre le coronavirus

28/05/2020 Par Louise Claereboudt
Témoignage

En avril dernier, alors que les pistes de traitements florissaient de toutes parts pour mettre à mal le Covid-19, l’Ordre des médecins alertait sur les “protocoles illégaux” et les “remèdes miracles” qui risquaient de susciter de “faux espoirs de guérison”. Face aux requêtes de certains praticiens et collectifs anti fakemedecine, l’instance annonçait avoir saisi les conseils départementaux contre les agissements d’une vingtaine de médecins, sommés de s’expliquer sur “leurs dits protocoles”. A Créhange, en Moselle, le Dr Jean-Jacques Erbstein, 54 ans, a été réprimandé par l’Ordre et l’ANSM après avoir communiqué sur son traitement à l’azithromycine. A quelques jours de la sortie de son pamphlet, il exprime pour Egora sa désillusion et sa colère à propos des atteintes à la prescription.     “A Pâques, avec deux autres confrères, on a décidé de faire une communication dans un journal régional parce qu’on était dans une situation d’urgence et puis parce qu’on en avait marre d’entendre tout le temps le même discours à la télévision qui est : pour le Covid, c’est soit rien, soit l’hydroxychloroquine. C’était un discours un peu pesant, d’autant qu’on avait une expérience de quelques semaines avec l’azithromycine qui donnait de bons résultats. Et en 48 heures ! Les patients ne se plaignaient plus de rien. A tel point que certains m’ont appelé en me demandant si j’étais certain qu’ils étaient atteints du Covid-19. Bien sûr, on ne testait pas tout le monde à cette période. Mais on a eu des retours, notamment d’une patiente qui était dans un état relativement grave, et dont le fils a fait un acrosyndrome. C’était donc sûr pour moi qu’il s’agissait du Covid. On n’a pas fait cette communication pour parler de protocole, de sous, de quoi que ce soit. On a simplement dit qu’on avait des résultats sous azithromycine, qu’il y avait une autre voie possible à l’hydroxychloroquine et surtout, on a dit qu’on voulait des études. Aujourd’hui, je suis persuadé qu’aucune étude ne tranchera. Déjà, parce que personne ne veut qu’une étude tranche. Et puis, parce qu’on ne peut pas faire d’étude contrôle puisque que personne ne veut de placebo, ce que je peux parfaitement comprendre.

Imaginez que l’azithromycine donne des résultats intéressants au tout début de la maladie, ça veut dire qu’on a sacrifié au moins 40.000 personnes - parce que je pense que de nouveaux chiffres de morts à domicile vont tomber -, qu’on a flingué l’économie mondiale, qu’on va faire des millions de chômeurs, pour un médicament qui coûte huit euros.   Emballement médiatique Dans l’article, on expliquait qu’on y associait de l'héparine en cas de facteurs de risque car on a beau être des généralistes de campagne, on a su lire de la littérature en anglais. On a également ajouté le singulair pour ceux...

qui avaient des troubles respiratoires, comme les corticoïdes étaient non conseillés voire contre-indiqués, simplement pour les aider à respirer mais on n’a jamais inventé le traitement du Covid, attention. Le lundi de Pâques, le président du conseil de l’Ordre de Moselle nous a appelés en disant “Ce n’est pas bien”. On s’est demandé pourquoi. Il nous a répondu que des tas de confrères l’avaient appelé afin de nous dénoncer pour publicité déloyale. Moi je suis salarié dans un centre de santé, la pub, je n’en ai rien à faire. L’Ordre nous a donc dit de nous taire, de ne plus communiquer. J’ai répondu que nous n’avions pas souhaité cet emballement médiatique. Si vous saviez ce qu’on s’est pris dans la figure. On a reçu des appels de confrères très sympas, ceux qu’on espérait. Ils nous demandaient de leur expliquer nos résultats, notre manière de procéder. Mais il y a aussi le côté obscur. Je suis fait assassiner sur les réseaux sociaux par les adeptes de la NoFakeMedecine. On m’a dit : “charlatan”, “crétin”, “débile”, “va te faire radier”, “tu n’as pas honte de prendre tes patients pour des cobayes”, “rends ton diplôme”...

Le pire de tout, c’est quand un jeune confrère m’a envoyé le code de Nuremberg sur les expérimentations humaines. Quand vous réfléchissez, ça veut donc dire que je fais de l’expérimentation humaine et, par conséquent, que je suis un médecin nazi. Je lui ai répondu en lui expliquant à quel point ça m’avait blessé, d’autant qu’une partie de ma famille est décédée dans les camps. Je n’ai eu aucune réponse de sa part. Au contraire, des personnes l’ont soutenu sur Twitter.  

    “Je suis désabusé” L’étape suivante a été le communiqué du Cnom. Le président, le Dr Bouet, a mis tout le monde dans le même sac. Notre avocat a donc contre attaqué de suite en publiant un article dans le Républicain Lorrain, intitulé “Des généralistes mosellans sommés de se taire”. Le président du conseil départemental a rebondi...

en disant qu’on n’avait pas à faire une soupe dans notre coin. Il a sorti la doxa officielle. Ça n’a pas été une réponse agressive mais je trouve dommage qu’il n’ait pas répondu à mes demandes d’explications. Il a, par ailleurs, annoncé dans les médias qu’on serait convoqués, mais on n’a reçu aucune convocation. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) nous a, elle aussi, contacté le 21 avril en nous demandant de nous expliquer. On leur a envoyé 30 centimètres de littératures et de publications. Le seul élément un peu limite dans notre traitement, c’est le singulair (Montélukast, antileucotriène) qu’on donne, alors que normalement on le donne en cas d’asthme. Mais bon, nos patients sifflaient comme des locomotives, alors on était obligés de les aider. Moi, j’ai perdu plus de 10 patients du Covid-19. La semaine dernière, je me suis pris un recommandé dans les dents de la veuve d’un patient, que j’aimais beaucoup par ailleurs, à qui j’ai appliqué le protocole. C’est-à-dire : doliprane et faites le 15 si ça ne va pas mieux. Elle m’a écrit : “Vous avez laissé mourir mon mari alors qu’il vous estimait”. Je l’ai reçue au cabinet pour lui expliquer que je n’avais fait qu’appliquer les règles. Mais ceux qui font les règles n’ont jamais vu quelqu’un atteint du Covid !

Aujourd’hui je suis désabusé. Qu’est-ce qu’on devait faire ? Simplement rediriger les personnes vers le 15 ? Résultat des courses il y a des cabinets au bord de la faillite, des personnes qui auraient pu agir et surtout, on ne s’est pas servi du réseau des généralistes français comme d’une première ligne. Le Gouvernement s’est foutu de nous.   “Bon soldat” J’ai été un bon soldat appliquant la doxa gouvernementale à la lettre jusqu’à ce qu’un soir, vers 23 heures, une patiente de 40 ans me contacte en me disant qu’elle avait énormément de mal à respirer. Sa fréquence respiratoire...

était à près de 30. Je lui ai dit de contacter immédiatement le 15. Ce qu’elle a fait. On lui a répondu de rester chez elle. Je pense simplement qu’il n’y avait plus de place dans les hôpitaux. Le lendemain je l’ai mise sous azithromycine. Deux jours après, elle allait mieux. Je suis en colère contre certains confrères, contre le Gouvernement, car c’est la première fois qu’on nous empêche de prescrire. Normalement, la liberté de prescription est gravée dans le marbre. Moi je n’aurais jamais prescrit de chloroquine par exemple. J’attendais qu’on m’apporte la preuve qu’on pouvait y aller. Si on nous avait apporté une once de preuve, on y serait allés les yeux fermés. Mais pour qu’une étude soit valable, il faut une cohorte suffisamment significative. On n’y arrivera jamais, car les gens refuseront.

Mais quand vous tapez dans antibioclic.fr “problèmes pulmonaires, Covid”, en cas de suspicion de pneumopathie communautaire avec dyspnée, le premier antibiotique recommandé est l’azithromycine. On n’a absolument rien fait hors AMM. C’est pour cela qu’on ne comprend pas bien pourquoi l’Ordre nous dérange. De toute façon, l’Ordre n’a aucun droit de juger nos prescriptions. Si je tue quelqu’un, il peut me tomber dessus, si j’arrive ivre à mon cabinet, c’est pareil. En revanche, si je veux prescrire de la cordarone pour un ongle incarné, ça me regarde. C’est l’ANSM qui doit dire quelque chose. Où était l’Ordre quand on manquait de masques ? Où était l’Ordre quand le Dr Sylvain Welling, que je connaissais bien, est mort du coronavirus ? Où était-il quand le Gouvernement a complètement délaissé les généralistes en nous laissant partir au combat avec des fusils à bouchon et du papier crépon en nous vendant une grippette ? Selon la Spilf [Société de pathologie infectieuse de langue française, NLDR], en cas de bronchite chronique avec des exacerbations régulières, on peut prescrire l’azithromycine au long court. Ça se fait également pour la mucoviscidose. J’ai remarqué que mes patients...

qui prenaient de l'azithromycine au long court faisaient des formes paucisymptomatiques, alors que leur conjoint(e) se retrouvait en réanimation. Ça interroge, quand même. Surtout que depuis que j’ai commencé à traiter avec l’azithromycine, je n’ai pas observé d’hospitalisation ou de décès. Au total, j’ai traité une cinquantaine de patients avec azithromycine.   "Tout ce que l’on voulait c’était que les gens arrêtent de mourir" On a quand même fait très attention dans ce qu’on a prescrit. Une étude canadienne de 2017 a montré que l’azithromycine occasionne des troubles du rythme cardiaque, donc toutes les personnes âgées qu’on a soigné ont eu un électrocardiogramme. Et on ne s’est pas amusé à prescrire ce médicament à quelqu’un qui est déjà sous cordarone. A l’heure actuelle, je ne suis pas inquiet par rapport à l’Ordre parce qu’on est restés purement et simplement dans l'AMM. Mais je constate un réel chiisme entre les “vieux” praticiens et les “jeunes”. Nous, on a toujours prescrit hors AMM. Vous croyez que le baclofène, on ne l’a pas prescrit hors AMM ? De même, quand vous avez un syndrome bronchique en hiver, vous croyez que tous les généralistes ne prescrivent pas des aérosols à base de bêta-2 mimétiques et de corticoïdes pour aider les patients à respirer ? C’est pas du tout dans l’AMM, mais tout le monde le fait.

Nous, tout ce que l’on voulait c’était que les gens arrêtent de mourir. Une chose qu’on oublie de dire c’est que nous aussi, médecins, on a besoin de faire notre deuil des patients. Mais ces patients-là, atteints du coronavirus, on ne les a pas vu partir… Au final, cette crise sanitaire qui a été terrible ne va pas changer ma manière de voir la médecine. En revanche, ça a changé le regard des patients sur moi, parce qu’ils me disent “Vous vous êtes battu pour nous”. Le rôle du médecin est de protéger ses patients. Or là, ce sont nos patients qui nous ont protégé en nous apportant des masques, du gel, des charlottes, des blouses… Ça a été un élan d’une solidarité incroyable. Et puis, comme ils se sont rendu compte que j’avais des “soucis” avec l’Ordre, ils se sont de suite manifestés pour me soutenir.”    

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Stéphanie Beaujouan

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