Covid : l’anosmie est bien liée à la présence du virus dans les neurones

07/05/2021 Par Marielle Ammouche
Infectiologie
Si l’anosmie constitue un symptôme bien établi et fréquent de l’infection par le Sars-CoV-2, les mécanismes physiopathologiques à l’origine de cette manifestation clinique ne sont pas encore clairement élucidés. En particulier se pose toujours la question de savoir si le virus peut directement expliquer ce phénomène, ou si, comme cela est souvent évoqué, un œdème transitoire au niveau des fentes olfactives en est responsable. 

C’est pourquoi une équipe de chercheurs français (Institut Pasteur, CNRS, Inserm, Université de Paris, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) a réalisé une étude auprès de patients ayant une infection Covid-19, qu’ils ont complété par des analyses sur modèles animaux.  

Les résultats montrent « de façon inattendue » que les tests classiques RT-PCR pratiqués sur les écouvillonnages nasopharyngés peuvent se révéler négatifs alors même que le virus persiste au fond des cavités nasales, dans l’épithélium olfactif. Un « brossage nasal » peut alors être nécessaire pour établir le diagnostic. 

Les chercheurs ont par ailleurs étudié les mécanismes de l’anosmie à différentes étapes de l’infection. Et ils ont révélé que la perte de l’odorat est la conséquence d’une dégradation de l’organe sensoriel situé au fond des cavités nasales. « En effet, nous avons constaté que les neurones sensoriels sont infectés par le Sars-CoV-2, mais aussi le nerf olfactif et les centres nerveux olfactifs dans le cerveau », commente Pierre-Marie Lledo, chercheur CNRS, responsable de l’Unité Perception et mémoire (Institut Pasteur/CNRS) et co-auteur responsable de l’étude.

Ainsi, on observe d’abord une atteinte des neurones sensoriels (disparition des cils), et la présence de désorganisation avec destructuration de l’épithélium olfactif (apoptose). Le virus apparaît ensuite dans le premier relai cérébral du système olfactif, le bulbe olfactif. Puis, on observe une neuroinflammation et la présence d’ARN viral dans plusieurs régions du cerveau. Ainsi, « le virus, une fois entré dans le bulbe olfactif, se propage à d’autres structures nerveuses où il induit une importante réponse inflammatoire », explique Hervé Bourhy, responsable de l’unité Lyssavirus, épidémiologie et neuropathologie à l’Institut Pasteur et co-auteur responsable de l’étude. L’infection des neurones olfactifs pourrait donc constituer une porte d’entrée vers le cerveau. 

Ces découvertes peuvent expliquer certaines manifestations cliniques, d’ordre psychologiques (troubles de l’anxiété, dépression) ou neurologiques (déclin cognitif, susceptibilité à développer une maladie neurodégénérative), constatées au cours de la maladie. 

En outre, « la perte de l’odorat dans la Covid-19 peut persister plusieurs mois chez certains patients, et cette persistance des signes cliniques est attribuable à la persistance du virus et de l’inflammation dans la muqueuse olfactive », ajoute Marc Lecuit, responsable de l’unité Biologie de l’Infection (Institut Pasteur, Inserm, Université de Paris, AP-HP) et co-auteur responsable de l’étude.  

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