La dépression résistante, définie par l’absence de réponse à deux lignes de traitement bien conduites, soit des traitements durant 4 à 6 semaines à la posologie maximale tolérée ne permettant pas d’atteindre une réduction d’au moins 50% de l’intensité symptomatologique, est fréquente. Selon une enquête menée auprès de plus de 4 000 patients, une réponse est observée pour 48,6% d’entre eux, ce chiffre diminuant à mesure de l’avancée dans les 2e, 3e et 4e ligne de traitement. Schématiquement, la résistance est plus fréquente dans les formes sévères, ou celles associées à des comorbidités. Mais cinq autres critères apparaissent déterminants : le délai avant traitement, la durée de traitement, les caractéristiques du patient, celles de sa dépression, et le choix de la molécule. Les données de la littérature confirment, ainsi, que plus l’ancienneté de la maladie est courte avant le premier antidépresseur, plus le délai de réponse au traitement est court et l’intensité de la réponse élevée. Ensuite, a reconnu la Dre Nathalie Besnier (Psychiatre, Marseille), « la durée du traitement envisagée par les médecins généralistes est souvent trop courte, mais c’est vrai qu’il faut motiver les patients à maintenir le traitement ». Plus de la moitié d’entre eux arrêtent la prise après le premier mois, conduisant à un échec de la prise en charge. Traiter le troubles du sommeil pour réduire le risque suicidaire La prescription initiale s’avère complexe étant donné que « les critères simples des classifications internationales peuvent conduire à plus de 200 tableaux cliniques différents correspondant à une dépression, a commenté le Pr Ali Amad (CHU Lille). Deux patients dépressifs peuvent ainsi n’avoir aucun symptôme en commun ». Les spécificités du patient et les caractéristiques, histoire et anamnèse de la dépression doivent être recueillies. L’existence de comorbidités, psychiatriques et non psychiatriques -dont les addictions-, augmente le risque de résistance. Les antécédents de traitement -psychothérapie, médication ou physique- et leur tolérance et observance, ainsi que la personnalité, la cognition, et le QI, influencent le succès thérapeutique. L’existence de schémas négatifs (dévalorisation, perte, échec, rejet...) justifient une approche psychothérapeutique, seule à même de les résoudre. Dans une étude conduite auprès de patients ayant une dépression résistante, les symptômes diurnes liés aux troubles du sommeil -somnolence et impact sur le fonctionnement- étaient fortement associés aux idéations suicidaires. « Parmi les sujets dépressifs hospitalisés, les suicides surviennent d’ailleurs souvent la nuit » a renchéri le Pr Pierre-Alexis Geoffroy (hôpital Bichat, Paris). Certains services n’envisagent d’ailleurs la sortie de ces patients que lorsque leurs troubles du sommeil sont réduits, afin d’éviter le passage à l’acte. Dans cette même étude, le traitement par hypnotiques était inversement associé au risque suicidaire. Malgré les critiques formulées à leur égard, « les hypnotiques sauvent des vies » dans ce contexte a insisté le Pr Geoffroy. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) de l’insomnie sont également efficaces, et particulièrement chez ceux qui ont une dépression résistante. Enfin, la luminothérapie est efficace dans la dépression ou non saisonnière, associée au traitement antidépresseur, et constitue un bon traitement adjuvant chez les patients sévères. Les chronothérapeutiques pourraient aussi aider à traiter les patients de façon plus personnalisées. Utilité des approches complémentaires, malgré un manque de preuve L’objectivation de la sévérité et des symptômes de la dépression par des échelles validées permet d’adapter le traitement puis monitorer l’évolution de la maladie, aprécier le taux de réponse et de rémission, et savoir quand adapter ou changer de traitement. La littérature montre que les dépressions dont le suivi est établi via ce type d’outil ont un succès thérapeutique supérieur aux autres. « Si les médecins généralistes ont une vision souvent très positive des traitements médicamenteux et de la psychothérapie, les patients sont plus ambivalents car ils craignent les effets indésirables, la dépendance, la stigmatisation… » a reconnu Nathalie Besnier. Aussi, beaucoup d’entre eux s’orientent vers les approches de bien-être et l’utilisation de produits naturels. Des recommandations sur les thérapies alternatives et complémentaires ont été publiées en 2022 : malgré les limites méthodologiques des études qui les ont nourries, le millepertuis apparaît le plus efficace dans les formes d’intensité légère à modérée, assorties de précautions d’emploi (inducteur enzymatique). La lavande, le curcuma et le safran ont aussi été étudiés, avec une efficacité modérée versus placebo qui les positionnent comme traitement adjuvant dans les formes modérées à sévères. « Ces substances peuvent être un premier pas dans l’acceptation d’une prise en charge pharmacologique pour les patients qui y sont réticents » a souligné la psychiatre. En cas d’inefficacité, après s’être assuré de l’observance, il importe de s’interroger sur le caractère unipolaire de la dépression, la bipolarité constituant un facteur connu de résistance. «Pour les distinguer, il existe des questionnaires faciles à utiliser comme le MDQ, auto-administré, ou le MINI YMRS pour une hétéroévaluation » a proposé le Pr Antoine Yrondi (CHU Toulouse). Les caractéristiques mélancoliques, anxieuses, mixtes de la dépression invitent à rester vigilant et questionner la bipolarité en cas de survenue d’épisode maniaque. Plusieurs stratégies médicamenteuses possibles Lorsque la dépression unipolaire ne répond pas au traitement à dose optimale et bien observée, les options sont doubles : changement de molécule ou association à un médicament présentant un mécanisme d’action différent. D’autres stratégies existent – pharmacologiques ou non- et même si les recommandations restent imprécises sur les options à privilégier, les agents non antidépresseurs adjuvants de l’antidépresseur - lithium, quétiapine, rispéridone, olanzapine, aripiprazole - ont un bon niveau de preuve. L’association miansérine-mirtazapine a également un niveau de preuve satisfaisant, ainsi que la kétamine ou l’eskétamine, plus difficiles à mettre en place. Le choix est orienté selon les spécificités et préférences du patient : le lithium, est par exemple intéressant en cas de risque suicidaire. Une composante anhédonique marquée fait privilégier les traitements prodopaminergiques. L’électroconvulsivothérapie est utile dans les situations complexes et résistantes, par exemple dans le cadre d’un syndrome catatonique intense et qui ne répond pas aux premiers traitements.
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