Obésité, dépression, démence... L'impact des troubles du sommeil sur notre santé désormais mieux connu
Co-organisé par la Société française de recherche et de médecine du sommeil (SFRMS) et le groupe sommeil de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), le Congrès du sommeil s’est tenu à Lille du 22 au 24 novembre 2023. Cet événement a été l’occasion de faire le point sur la physiopathologie des maladies en lien avec le sommeil, leur diagnostic et prise en charge et de souligner l’importance de la prévention. Près d’un tiers des Français se plaignent de troubles du sommeil et 10% d’insomnies sévères. « Nous insistons sur la nécessité de respecter les rythmes du sommeil que ce soit dans la population générale ou en pathologies. C’est l’un des piliers de la santé au même titre que l’hygiène de vie, la nutrition et l’activité physique. Les troubles du sommeil ont des conséquences sur le plan métabolique, la santé mentale, les aspects neurodégénératifs. Les enjeux de la prévention du sommeil et de ses pathologies sont ainsi majeurs que ce soit chez l’adulte, le sujet jeune ou âgé », introduit le Pr Renaud Tamisier (pneumologue au CHU Grenoble Alpes), vice-président et président du conseil scientifique de la SFRMS. ~ Impact sur le métabolisme et la santé cardiovasculaire Pour le Pr Wojciech Trzepizur, pneumologue, responsable du centre de médecine du sommeil du CHU d’Angers, « certains gènes, exprimés de façon circadienne, influencent le comportement des organes. Avec une variabilité individuelle, le rythme circadien est sensible aux changements de luminosité et de température mais aussi aux activités sociales. Un désalignement circadien entraîne des problèmes vasculaires et métaboliques ». Une étude (McHill AW et al., Nutrients 2022) a montré qu’un désalignement favoriserait l’obésité chez des sujets sains. Ceux-ci ont plus d’appétit et privilégient des aliments gras et sucrés. « L’origine est un dérèglement hormonal impliquant probablement la leptine », indique le spécialiste. Une autre étude (Stenvers DJ et al. Nat Rev Endocrinol. 2019) a révélé que des sujets sains mais désalignés entrent facilement en hyperglycémie et présentent une insulinorésistance plus élevée favorisant, sur le long terme, l’apparition d’un diabète. « Un mauvais sommeil engendre une prise de poids, elle-même facteur de risque d’apnées du sommeil. Un cercle vicieux se met en place », poursuit le pneumologue. Une étude (Trzepizur W, et al., Am J Respir Crit Care Med. 2022) suggère que les hypoxies résultant des apnées du sommeil induisent une inflammation chronique. Celle-ci a des conséquences cardiovasculaires, favorise le stress oxydant et le relargage d’éléments cellulaires toxiques dans le sang. « Une perte de poids significative et à long terme est un traitement efficace », conseille le Pr Trzepizur. ~ Mieux appréhender les liens entre sommeil et troubles psychiatriques La maladie des cauchemars - caractérisée par une multiplication des cauchemars avec retentissement important sur l'humeur, le comportement, l'énergie, les cognitions, les performances, ou encore les interactions avec l'entourage - affecte 8% de la population générale et jusqu’à 90% des patients souffrant de troubles psychiatriques (dépression, troubles anxieux, addictions). Une étude (Geoffroy PA et al., J Clin Psychiatry. 2022) indique que 80% des patients hospitalisés présentaient des altérations dans leurs rêves dans les 4 mois précédant leur crise suicidaire et le scénario du suicide était joué en rêves par 25% jusqu'à 1 mois 1/2 avant le passage à l’acte. Pour le Pr Pierre-Alexis Geoffroy, psychiatre et médecin du Sommeil (Hôpital Bichat Paris), « ces fenêtres d'intervention permettent d’identifier et de prendre en charge une personne suicidaire. En effet, la moitié des patients décédés avaient vu un médecin dans le mois précédant leur passage à l’acte ». De nouvelles méthodes utilisant l’IA et les statistiques sont également étudiées pour définir des biomarqueurs du sommeil et des rythmes circadiens. L’objectif est d’établir une biosignature individuelle de la dépression afin de mettre en place un traitement personnalisé. ~ Les chronothérapeutiques peu utilisées en France Les chronothérapeutiques (luminothérapie, mélatonine, thérapies cognitives et comportementales de l’insomnie, répétitions d’imageries mentales, thérapie d’éveil) agissent sur les rythmes circadiens. Une méta-analyse (Geoffroy PA et al., Sleep Medicine Reviews 2019) a montré que la luminothérapie a une efficacité comparable aux antidépresseurs (AD) dans le traitement de 1ère intention de la dépression et la combinaison des deux (luminothérapie + AD) est supérieure aux AD seuls. « La luminothérapie est une stratégie efficace contre la dépression saisonnière et non saisonnière. Combinée aux stratégies habituelles, elle permet d’avoir une efficacité supplémentaire notamment pour les patients sévères », s’enthousiasme le Pr Geoffroy. D'après une autre méta-analyse (Maruani J et al, Journal of Sleep Research 2023), la mélatonine (2 mg à libération prolongée) s’est révélée efficace (vs placebo) contre l’insomnie (efficacité du sommeil et latence d’endormissement). Prochainement publiées, les nouvelles recommandations européennes sur l’insomnie rappellent que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont le traitement de 1ère intention dans l’insomnie et que les traitements pharmacologiques interviennent en seconde ligne « Les TCCI (TCC de l’insomnie) sont soit de forme classique avec un thérapeute soit numériques avec des solutions embarquées sur smartphone ou internet. Ces dernières sont personnalisées grâce à une IA. Ces TCCI numériques ont montré à travers plusieurs études une efficacité comparable aux TCCI avec un thérapeute », indique le spécialiste.
Attendus en 2024 en France, les antagonistes de l’orexine ont montré un effet positif sur l’insomnie sans entraîner de somnolence diurne. Une nouvelle étude (Lucey BP et al., Annals of Neurology 2023) a révélé que ces molécules entrainaient une diminution des plaques amyloïdes et de la phosporylation de la protéine tau. Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer le potentiel de cette classe dans la prévention de la maladie d’Alzheimer.
Le traitement des cauchemars, proposé par de nombreux centres du sommeil, s’effectue par la répétition d’imagerie mentale (RIM). « Cette procédure efficace est à privilégier avant les traitements moléculaires. Des études montrent que la RIM et la TCCI sont également efficaces dans le traitement des pathologies du sommeil chez des patients souffrant de troubles psychiatriques. La TCCI, en particulier, s’accompagne d’un effet direct sur la pathologie mentale avec une diminution des idées dépressives ou suicidaires et des symptômes anxieux », précise le médecin. ~ Le sommeil joue un rôle dans la maladie d’Alzheimer Le sommeil favorise le renforcement des synapses et la consolidation de la mémoire à tous les âges de la vie. Dans la population âgée, les troubles du sommeil sont un facteur de risque de déclin cognitif et de maladie l’Alzheimer. Une étude (Sabia S. et al., Nat Commun. 2021) a montré qu’un sommeil court persistant augmente de 30% le risque de démences. « Au cours du sommeil, certaines protéines toxiques accumulées entre les neurones sont éliminées. Dans la maladie d’Alzheimer, ces plaques amyloïdes s’accumulent et vont à leur tour induire des troubles du sommeil. Un cercle vicieux s’instaure », indique la Dre Géraldine Rauchs (Inserm, Centre Cyceron Caen), qui poursuit : « Les troubles du sommeil apparaîssent bien en amont. C’est une fenêtre d'intervention intéressante pour les prendre en charge et potentiellement ralentir le déclin cognitif. Des études sont réalisées pour améliorer la qualité du sommeil avec des traitements non pharmacologiques, personnalisés pour chaque patient (luminothérapie, activité physique ou méditation). L’objectif est de changer les comportements en augmentant les facteurs de protection et en diminuant les facteurs de risque. »
De 10 à 13h de sommeil sont nécessaires chez l’enfant et l’adolescent. « Nous assistons à une diminution nette de la quantité de sommeil chez l’enfant pourtant nécessaire aux acquisitions et aux performances scolaires, au développement de la cognition et à l'évitement des troubles du neuro-développement. Cette durée doit aussi s’adapter à chacun, court dormeur ou long dormeur. Les phases de calme ou d’ennui ont également un rôle essentiel. À long terme, la restriction chronique de sommeil a des conséquences (surpoids, troubles métaboliques et diabète, ou troubles de l’humeur). À la puberté, les adolescents s’endorment plus difficilement. À leur production de mélatonine altérée s’ajoutent des facteurs sociaux et l’utilisation tardive d’écrans », indique le Dr Guillaume Aubertin, pneumo-pédiatre (hôpital Trousseau, Paris), et secrétaire général de la SFRMS. Environ 30% de la population pédiatrique (jusqu’à 50% chez les adolescents) ont des troubles du sommeil et 1 à 6% ont des apnées du sommeil. Un consensus de la SFRMS sur les troubles respiratoires obstructifs du sommeil de l’enfant vient d’être publié soulignant l’importance de leur dépistage et de leur prise en charge. Les symptômes sont nocturnes (ronflements, irrégularités respiratoires ou apnées…) ou diurnes (troubles du comportement, de l’attention ou de la croissance). « Les apnées du sommeil sont le lit de complications métaboliques, cardiovasculaires, et psychiatriques. Être sensibilisé aux troubles du sommeil des enfants est très important ! », conclut le spécialiste.
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