Insomnie de la personne âgée : des particularités à connaître

17/03/2021 Par Anaïs Bocher
Psychiatrie
A l’occasion de la Journée mondiale du sommeil (19 mars), le Dr Nathalie Aisenberg*, oto-rhino laryngologiste en Seine-Saint-Denis, fait le point sur les particularités des troubles du sommeil dans cette catégorie de la population. La place du traitement médicamenteux reste limitée.

    Egora : Y a-t-il eu un impact du Covid sur les troubles du sommeil du sujet âgé ? Dr Nathalie Aisenberg : Oui, il y a un impact très conséquent du Covid sur les troubles du sommeil des personnes âgées mais également sur les autres tranches d’âge. Globalement, le confinement a augmenté l’isolement de ces sujets ; le fait de limiter drastiquement les sorties, l’activité physique et les relations sociales avec leurs enfants et petits-enfants a créé un contexte anxiodépressif important pour les personnes âgées, que ce soit à domicile ou en Ehpad. Les principaux éléments de la vie des personnes âgées ayant un impact direct sur leur sommeil sont leur rythme de vie, l’activité physique, l’activité sociale et l’exposition à la lumière. Or ces éléments, qui sont également des synchroniseurs de leur sommeil, ont été sérieusement ébranlés durant le contexte sanitaire, pour laisser place à un isolement, une horloge circadienne perturbée et des troubles anxieux. Cela a eu pour conséquence d’augmenter les troubles du sommeil chez la personne âgée.   Quelles sont les différentes causes des troubles du sommeil que l’on rencontre chez la personne âgée ? Globalement, on peut distinguer l’insomnie, les troubles respiratoires du sommeil (apnées), les troubles de l’horloge circadienne (avance de phase et manque de mélatonine), les mouvements anormaux (syndrome des jambes sans repos) à cause de carence de fer ou d’insuffisance rénale, et les effets secondaires de certains médicaments ou l’alcool. L’insomnie chez la personne âgée est très souvent liée à des comorbidités. On l’appelle « l’insomnie comorbide ». Cela signifie qu’elle est influencée par des facteurs physiques type diabète, insuffisance rénale, maladie inflammatoire et douleurs, trouble respiratoire, carence en fer, apnées du sommeil, ou des facteurs psychologiques comme l’anxiété, la dépression, le stress et les fortes émotions (décès, placement en Ehpad). De plus, le risque d’apnées du sommeil augmente aussi avec l’âge et vient accentuer l’épuisement secondaire, surtout s’il n’est pas diagnostiqué. Enfin, l’insomnie chez les personnes âgées peut être également due au fait qu’elles sécrètent de moins en moins de mélatonine, qui garantit une bonne qualité de sommeil. Il est important de la réaugmenter, par des horaires de repas réguliers, une activité physique, une exposition à la lumière pour restimuler et synchroniser leur horloge circadienne. La pression de sommeil est plus forte chez les personnes âgées, contrairement à un public jeune, ce qui peut les amener à somnoler toute la journée. D’où la nécessité de les...

stimuler physiquement et socialement pour contrebalancer cette pression de sommeil (appelée homéostasie). Il est également important qu’elles veillent à adopter un rythme adapté : ne pas se coucher trop tôt, au risque de se réveiller au milieu de la nuit. Les sujets âgés ont un sommeil beaucoup plus fractionné à cause des mictions fréquentes ou de problèmes de prostate pour les hommes. Ils ont également moins de sommeil profond et paradoxal, et donc moins de sommeil réparateur, avec des conséquences sur la mémoire.   Comment les diagnostique-t-on ? Principalement par l’interrogatoire du patient et un questionnement détaillé sur ses habitudes de vie ; puis par différents examens comme la polysomnographie (ou polygraphie), le bilan biologique – et notamment le dosage du fer –, l’agenda du sommeil. Par exemple, pour une insomnie comorbide, il faut traiter la cause, comme la dépression ou les rhumatismes. Cela se détecte à l’interrogatoire. En revanche, les apnées du sommeil seront confirmées par une polysomnographie. Elles entraînent un fractionnement de sommeil qui peut être pris pour de l’insomnie et entraîne une baisse de moral et un épuisement, conduisant parfois à la dépression.   Sur le plan médicamenteux, quelle est la place des traitements type somnifère ou anxiolytique dans la prise en charge du patient ? Quels sont les risques liés à ces traitements chez les sujets âgés ? Je ne pense pas qu’un traitement médicamenteux comme les anxiolytiques ou les somnifères soit une solution de fond pour traiter l’insomnie chez les personnes âgées. Il peut être une solution à court terme, mais pas au long cours. Ces produits sont déconseillés et dangereux pour cette tranche d’âge car ils peuvent provoquer des chutes, confusions, risque de dépendance et perte de mémoire. Ils doivent être réservés à des périodes courtes, pour passer un cap. Pour mes patients âgés, j’évite au maximum de les prescrire. Il m’arrive cependant, quand l’indication est bonne et sur une courte durée, de mettre de la mélatonine mais à prendre à horaire fixe. J’essaye également de trouver s’il existe une cause associée à cette insomnie et de la prendre en charge en parallèle. Les explications de consignes d’hygiène de sommeil sont très importantes, comme vu précédemment (activité physique, régularité des horaires, impact de la lumière et du bruit…). Et je n’hésite pas à les adresser à un psychologue, sophrologue, acupuncteur… ou toute autre prise en charge paramédicale qui leur permettrait de trouver un bon sommeil.   *Le Dr Aisenberg déclare n’avoir aucun lien d’intérêt

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