Formations écourtées, patients autonomes… Comment les généralistes s’adaptent aux déserts médicaux ?

22/01/2020 Par Louise Claereboudt
Démographie médicale
En 2019, 1 généraliste sur 5 estimait que l'offre de médecine générale était très insuffisante sur son territoire, selon le Panel d'observation des pratiques et des conditions d'exercice en médecine générale 2018-2019*. Cette enquête, notamment menée par la Drees auprès de 3.000 médecins, montre que cette proportion double dans les zones sous-denses.

Si tous les médecins n'exercent pas dans des territoires sous dotés, la majorité d'entre eux considère que l'offre de généralistes n'est pas à la hauteur. En effet, près d'1 médecin sur 2 qui travaille dans une commune dont la population fait actuellement partie des 10% de la population française avec le meilleur accès aux généralistes estime que l'offre est insuffisante voire très insuffisante. Et pour une grande part des praticiens, cette baisse de la démographie médicale ne semble pas sur le point de s'arrêter puisqu'ils sont 79% à s'attendre à une réduction de l'offre de soins libérale, 81% pour ceux qui exercent en zone sous-dense (ZSD)**. Au-delà de ces perceptions, les difficultés pour répondre aux sollicitations des patients sont elles aussi partagées par la plupart des médecins. En effet, 8 généralistes sur 10 déclarent y faire face. Plus inquiétant : pour la majorité d'entre eux, ces difficultés ont un impact sur leur pratique. Elles sont d'autant plus ressenties dans les zones sous-denses (84%). 77% des médecins généralistes évoquent des difficultés pour trouver un confrère spécialiste, en particulier des ophtalmologues (83%), des dermatologues (81%) ou encore les psychiatres (74%). La plupart du temps, ces difficultés se traduisent surtout par un problème de délais (98%). Sans compter les problèmes liés à la distance et le coût des consultations. D'autre part, il apparaît beaucoup moins difficile pour les généralistes de trouver des paramédicaux (39%). Les kinés sont les plus difficiles à trouver (80%), suivis par les orthophonistes (71%) et les infirmiers (21%). "Ce qui peut autoriser sans doute d'envisager des stratégies de délégation vers cette ressource de professionnels en santé qui restent encore un peu disponibles", indique Bruno Ventelou, l'un des auteurs du rapport, chercheur à l'école d’économie d’Aix-Marseille.   Un temps de formation plus court Face à ces multiples obstacles, les généralistes ont dû adapter leurs pratiques pour répondre aux demandes de leurs patients. Selon l'étude...

47% des médecins répondants ont confié avoir écourté leur temps de formation continue. Ce chiffre s'élève à 52% dans les zones sous-denses. "Ce qui a un impact direct sur la façon dont le médecin met à jour ses connaissances", déplore Bruno Ventelou. Trois quarts des généralistes indiquent faire des journées plus longues que souhaité. Mais étonnamment, l'étude montre que les médecins qui exercent dans des zones sous dotées n'allongent pas forcément plus leurs journées que les médecins des zones à densité moyenne.

De fait, plus de la moitié des généralistes de France (54%) se voient dans l'obligation d'augmenter les délais de rendez-vous. Ils sont 61% en zone sous-dense. De fait, il n'est pas surprenant que seulement 28% d'entre eux acceptent toutes les demandes de soins non programmés (25% dans les zones sous-denses). Un généraliste sur 2 refuse quant à lui de prendre des nouveaux patients en tant que médecin traitant. Toutefois, en zone sous-dense, les praticiens ne refusent pas davantage de nouveaux patients.  Enfin, ils sont 40% à suivre moins fréquemment certains patients (49% en ZSD). Rendre les patients plus autonomes Au cours de l'enquête menée auprès de 3.000 médecins, plusieurs ajustements ont été proposés aux généralistes. 68% ont répondu qu'ils souhaitaient rendre les patients plus autonomes (70% en ZSD). "Cette stratégie va de pair avec la promotion de l'éducation thérapeutique du patient qui vise à rendre le patient plus à même de gérer sa maladie", estime Bruno Ventelou. S'engager dans une structure coordonnée, comme les maisons de santé pluriprofessionnelles, apparaît également comme une solution privilégiée par les généralistes. En France, 37% des médecins de l'étude envisagent de le faire et en zone sous-dense, ils sont 48%. Cet attrait se remarque particulièrement chez les jeunes générations de généralistes. D'ailleurs, 56% des MG de moins de 40 ans ont été guidés dans leur choix de lieu d'installation actuel par la présence de l'offre de soins dans le secteur en général. C'est le cas pour 48% des médecins de 60 ans et plus. Certains envisagent de s'installer dans un autre territoire, surtout les médecins exerçant dans des zones sous-denses (18%). Peu de généralistes se sont dits prêts à "quitter la médecine générale" (9% et 13% en ZSD).

Source : DRESS

*Le Panel d'observation des pratiques et conditions d'exercice en médecine générale est une enquête multipartenariale dont la 4e édition s'est déroulée entre octobre 2018 et avril 2019, par Internet et par téléphone, auprès de plus de 3.000 médecins représentatifs de l'ensemble des médecins généralistes libéraux. **Un territoire est considéré comme sous-dense lorsque sa population fait partie des 10% de la population française ayant l'accessibilité au médecin généraliste la plus faible (selon l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée, APL).  

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