"Le réseau officinal se meurt" : alerte sur les fermetures de pharmacies
Si le nombre global de pharmaciens reste relativement stable depuis 2016, la démographie de la profession cache d'importantes disparités, révèle le panorama annuel de l'Ordre, présenté ce mardi 25 juin. Ainsi, le nombre de pharmaciens titulaires d'officines inscrits à l'Ordre a baissé de près de 11% en dix ans. Et en 2023, 248 officines ont fermé, soit une hausse de 17,5% par rapport à l'année précédente.
C'est "un sombre bilan" pour l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine. Dans un communiqué diffusé ce mercredi 26 juin, l'organisation s'est alarmée des chiffres contenus dans le panorama de la démographie des pharmaciens 2023, présenté par l'Ordre la veille. Un état des lieux qui "vient confirmer les craintes exprimées depuis des mois par l’Uspo, dans le cadre des négociations conventionnelles avec la Cnam", lance le syndicat.
Si l'Ordre constate que le nombre de pharmaciens est resté relativement stable en 2023 par rapport à l'année précédente – ils étaient 74 219 inscrits au 1er janvier 2024 (+0,6% par rapport au 1er janvier 2023), et si l'on observe une progression de 1,8% sur la dernière décennie, cette démographie cache d'inquiétantes disparités. En 2023, l'instance dénombrait 24 596 pharmaciens titulaires de leur officine, un nombre en baisse de 1,3% par rapport à 2022 et de 10,7% sur les dix dernières années.
"Presque la moitié des titulaires d'officine en France ont 50 ans et plus. En 2013, 14,9% des pharmaciens titulaires d'officine avaient 60 ans et plus, alors qu'ils sont 21% en 2023", peut-on lire dans le panorama détaillé de l'Ordre.
Rideaux baissés
Le réseau officinal "se meurt", alerte également l'Uspo. D'après le panorama, la France comptait en 2023 "30 officines pour 100 000 habitants, comme en 2022, mais contre 34 en 2013, soit une baisse de 4 officines pour 100 000 habitants en dix ans". Concrètement, cela représente en 2023, 19 887 officines contre 20 142 en 2022 (-1,3%). En dix ans, 2028 officines ont disparu de l'hexagone, soit une baisse de 9,3%.
"Et 2024 s’annonce encore pire, avec déjà plus de 200 fermetures pour le premier semestre", indique l'Uspo. Et de lancer : "Chaque jour, ce sont plus de quatre millions de personnes qui franchissent les portes de nos pharmacies pour une ordonnance, un conseil, un dépistage, une vaccination ou un entretien. Devront-ils se résigner demain à faire plusieurs dizaines de kilomètres en voiture pour trouver une pharmacie la plus proche ?"
En dix ans, les départements ayant connu la plus forte réduction du nombre d'officines sont l'Allier (-22%), l'Ariège (-20%) l'Yonne (-20%), le Gers (-19%) et la Corrèze (-18%). En 2023, c'est en Ile-de-France qu'on a dénombré le plus d'officines fermées (56 fermetures) devant l'Auvergne-Rhône-Alpes (34 fermetures) et la Bourgogne-Franche-Comté (21 fermetures). C'est dans cette dernière région que le nombre de fermetures par rapport au nombre d'habitants a été le plus élevé (7,5 officines fermées pour 1 million d'habitants), devant la Bretagne et la Normandie (6 officines fermées pour 1 million d'habitants).
"L’avenant économique signé le 10 juin dernier contre l’avis d’une grande partie de la profession ne va nullement enrayer ce phénomène", estime l'Uspo, qui ne l'a pas signé. "L’aide financière pour les pharmacies en territoires dits fragiles sera conditionnée à de multiples critères, et ne concernera au mieux qu’un millier d’entre elles. Elle ne fera que camoufler de manière temporaire de vrais problèmes structurels, liés notamment à un déséquilibre entre la marge dégradée des officines et la hausse continue des charges", juge le syndicat.
A noter néanmoins que les effectifs de pharmaciens adjoints d'officine et autres exercices (section D) sont, eux, en hausse (+2,3% en 2023). Le nombre de pharmaciens d'officine intérimaires poursuit également sa progression : "+15,7% entre 2022 et 2023 après une hausse de 5,4% entre 2021 et 2022".
Séduire les étudiants
"Les pharmaciens, dans toute la diversité de leurs exercices, n'ont jamais été autant sollicités. Leurs missions au service de la santé publique évoluent. Pourtant, la démographie pharmaceutique est aujourd’hui sur une ligne de crête. Dans chacun de nos métiers, les tensions de recrutement apparaissent et risquent de fragiliser les conditions d’accès aux soins dont la chaîne pharmaceutique était jusqu’alors garante", indique Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, dans un communiqué accompagnant la publication du panorama.
"Il faut qu'on anticipe pour ne pas que cette tension devienne une crise et qu'on en arrive à des déserts pharmaceutiques et un manque de pharmaciens", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse à laquelle s'est rendue l'AFP.
Selon l'Ordre, la mise en œuvre de la récente réforme du premier cycle des études de santé a contribué à éloigner des étudiants de la spécialité, avec un déficit de 1000 étudiants en deuxième année en 2022, qui s'est résorbé à un déficit de 500 étudiants en 2023. L'instance a ainsi lancé une campagne de communication – "Pharmacien, le moins connu des métiers connus", pour séduire les étudiants, qui "donne de premiers résultats encourageants", selon Carine Wolf-Thal. En parallèle, l'instance soutient la mise en œuvre de la réforme du 3e cycle des études de pharmacie "dans laquelle il conviendra de garantir la mobilité professionnelle entre les différents métiers de la pharmacie".
[avec AFP]
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus