handicap

"Manque de temps", "méconnaissance"... Les médecins à la peine face au handicap

65% des médecins jugent l'accès aux soins difficile pour les patients en situation de handicap. C'est ce qui ressort d'un rapport publié en mars dernier par le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) sur le sujet. La Dre Claire Siret, présidente de la commission handicap du Cnom, revient pour Egora sur cette enquête et dévoile les recommandations ordinales. Si les médecins ont pour la plupart mis leurs cabinets aux normes, "il reste tout à faire" sur la prise en charge. 

17/04/2025 Par Sandy Bonin
Handicap
handicap

"Il y a tellement de chose à faire pour améliorer l'accès aux soins, à commencer par la sensibilisation, la formation… Il faut du temps médical que l'on n'a plus et pour cela il faut plus de moyens", alerte la Dre Claire Siret, médecin généraliste et présidente de la section Santé publique et de la commission Handicap du Cnom. L'élue ordinale est à l'origine d'un rapport, publié en mars dernier sur le site de l'Ordre, sur l'"accueil et la prise en charge des patients en situation de handicap".

Si 96% des praticiens interrogés* reçoivent des patients handicapés, ils sont 65 % à juger "que l’accès aux soins des patients en situation de handicap est difficile" et 22% considèrent que leur prise en charge des patients handicapés est "insuffisante ou peu suffisante en raison du manque de temps, de moyens humains et matériels ou encore du manque de formation ou de l’inadaptabilité des locaux".

Après l'angine et la cystite, faut-il autoriser les pharmaciens à prendre en charge davantage de pathologies "simples"?

Marc-Olivier  Levif

Marc-Olivier Levif

Non

NON, NON ET NON ! Je suis pharmacien, pas médecin ! Et je n'ai pas l'intention de rempiler 10 ans pour le devenir malgré moi ! Un ... Lire plus

"La prise en charge d’un patient atteint de handicap nécessite plus de temps que chez un patient non handicapé, aucune valorisation financière n’est prise en compte", commente un praticien cité dans le rapport. Un autre met en cause la "lourdeur" de l'accompagnement et le "peu d'échange avec d'autres intervenants". Un dernier regrette de ne pouvoir approfondir l'examen clinique "par manque de temps et de matériel"

"On n'en parle jamais mais la douleur est un vrai sujet dans le handicap"

"Pour bien travailler, face à un patient en situation de handicap un médecin doit organiser sa consultation, parfois en deux temps et accompagné d'une tierce personne. Il faut que quelqu'un puisse nous aider, on n'y arrive pas tout seul", commente Claire Siret. "Cela nécessite aussi du temps d'échange pour savoir comment aborder le patient sans le blesser, ni le faire souffrir. On n'en parle jamais mais la douleur est un vrai sujet dans le handicap", pointe l'élue ordinale qui regrette "un manque de confort de prise en charge". "On ne l'a déjà pas avec des patients qui ont moins de problème mais c'est encore pire avec ceux en situation de handicap", déplore-t-elle.

Alors que 76% des médecins ne ressentent aucune difficulté pour recevoir les personnes en situation de handicap, cette prise en charge apparait "difficile" pour 24% des médecins interrogés. Les principales difficultés rencontrées sont dans l’ordre : le manque de temps médical (63,6%), l’inexistence d’une cotation spécifique pour la prise en charge des patients en situation de handicap (44,5%), le manque de matériel adapté (35.4%) ou encore l'appréhension sur la prise en charge globale du patient (27,9%) et la méconnaissance des pathologies spécifiques (25,6%). 

Source : Cnom

La visite à domicile a également été passée au crible par l'étude. 52% des praticiens indiquent ne pas en faire pour les patients en situation de handicap. "Cela prend trop de temps et mon matériel médical n'est pas transportable", explique un médecin.

"Être seul au domicile, sans moyen technique avec sa petite mallette de docteur c'est quelque chose de compliqué. Il n'y a pas de bonne conditions d'examen ni de prise en charge et ça n'est pas très efficace. Je pense que c'est ce qui explique le refus des médecins. La qualité des soins nécessite des moyens", justifie Claire Siret. "La peur de l'échec, de mal faire, la méconnaissance sont vraiment des facteurs de refus de prise en charge", reconnait l'élue ordinale.

Parmi les pistes évoquées pour faciliter les soins des personnes handicapées, l'Ordre évoque la mise en place d'un document de synthèse propre à chaque patient que ce dernier apporterait à chaque consultation. Ce passeport "résumerait l’essentiel sur sa situation de handicap, les exigences de sa prise en charge optimale et l’historique, par les faits majeurs ou récents, de son parcours de soins", détaille le rapport. "Cela pourrait être une fiche apportée par le patient qui serait transmise au médecin afin qu'il soit efficient immédiatement", résume Claire Siret. 91% des médecins se sont prononcés en faveur d'un tel document estimant que cela pourrait apporter un "gain de temps dans la gestion des informations médicales" mais aussi une meilleure prise en charge des patients "grâce à une information consolidée" et une "amélioration de la communication, en palliant les difficultés de compréhension".

Un passeport à destination des personnes en situation de handicap

Dans cette perspective, l'association CoActis Santé a mis au point un passeport à destination des personnes handicapées. Il va être retravaillé avec la commission Handicap de l'Ordre pour "être le plus efficient possible", pointe la conseillère ordinale. "Ce sont des petits pas mais qui vont faire des grands bonds", se réjouit la généraliste.

L'Ordre insiste également sur la nécessité de mieux former et sensibiliser les praticiens à la question du handicap. Les praticiens interrogés dans ce rapport jugent insuffisante la formation qu'ils ont reçue pour la prise en charge des patients en situation de handicap. En effet, seuls 23% d'entre eux estiment avoir bénéficié d'une formation théorique satisfaisante. Par ailleurs, 73% des répondants déclarent ne pas avoir reçu de formation clinique à la prise en charge des patients en situation de handicap. "Ces résultats mettent en évidence un besoin important d'amélioration dans l'acquisition des compétences nécessaires pour la prise en charge de cette population spécifique", souligne le document.

Source : Cnom

Les médecins admettent méconnaître les aides sociales ou répertoires de professionnels à destination de leurs patients handicapés. Dans le détail, 56% des praticiens ne sont pas au fait des aides sociales dont leurs patients peuvent bénéficier, 86% ne connaissent pas l'annuaire des lieux de soins dédiés mis en place par AFP France Handicap et 58% n’ont pas connaissance des lieux de soins dédiés au handicap sur leur territoire. "Ces constats soulignent un besoin urgent de sensibilisation et d'information sur les dispositifs d'aides disponibles et la nécessité de favoriser l'accès et l'utilisation des ressources disponibles pour améliorer la coordination dans la prise en charge des patients en situation de handicap", relève le rapport.

"Pour les médecins et les patients il faut tendre vers une simplification des prises en charges mais on n'y est pas encore. On a beaucoup de chemin à parcourir", conclut la Dre Siret.

 

*7 722 répondants à l’issue des trois vagues d’envoi du questionnaire : 14 mai, 4 juillet et 29 août 2024.

 

La majorité des médecins acceptent la présence des aidants en consultation

"Contrairement aux idées reçues", note l'Ordre, 97% des répondants déclarent accepter la présence des aidants lors des consultations. Pour les 3% restants, les raisons avancées pour justifier leur refus tiennent principalement au secret médical et à la confidentialité, à l’absence de nécessité pour les patients de se faire accompagner ou encore au manque de place dans les locaux.

26 débatteurs en ligne26 en ligne
Photo de profil de Francois Cordier
1,9 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 19 jours
Je cite notre éminente consoeur: « Il faut du temps médical que l'on n'a plus et pour cela il faut plus de moyens »   « leur prise en charge des patients handicapés est "insuffi
Photo de profil de Francois Cordier
1,9 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 19 jours
"l'Ordre évoque la mise en place d'un document de synthèse propre à chaque patient que ce dernier apporterait à chaque consultation, . . . Ce passeport "résumerait l’essentiel sur sa situation 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Podcast Médecine légale
"On a fait plus de 1400 autopsies" : le récit du légiste français qui a témoigné au procès de Milosevic
19/03/2025
0
Reportage Démographie médicale
"C'est de la vraie médecine générale" : en couple, ils ont quitté les urgences pour ouvrir un cabinet dans une...
19/03/2025
3
Enquête Démographie médicale
Y aura-t-il trop de médecins en France en 2035 ?
09/01/2025
20