“Pour comprendre le problème des déserts médicaux sans tomber dans une série de cas particuliers, il peut être utile de comprendre comment se forme l'allocation de l'offre de soins pour satisfaire les besoins d'une population dispersée dans différentes zones”, écrit l’économiste et professeur François Langot, qui plaide ce lundi 6 mars pour la régulation à l’installation des médecins, dans une grande tribune.
Pour expliquer son point de vue, il appelle d’abord à prendre en compte le fait que chaque patient potentiel est obligé de cotiser au régime maladie de la Sécurité sociale. “De fait, si on considère deux territoires, A et B, peuplés chacun de deux populations homogènes, alors les recettes récoltées sur ces deux zones géographiques sont identiques, ce qui leur donne ‘droit’ aux mêmes prestations”, explique ainsi François Langot. Pourtant, selon lui, les patients de ces zones étant “homogènes”, ils présentent tous le même risque d’être malade. “Il y a, dans chacune des deux zones, un ‘vrai’ malade et un malade ‘imaginaire’, ce dernier qualificatif exprimant simplement l'idée que ce malade a besoin d'un soin de confort. Un ‘vrai’ malade est un patient qui sans l'intervention d'un médecin, verra son état de santé se dégrader jusqu'à l'amener à envisager un soin lourd en hôpital”, poursuit-il.
Aux yeux de l’économiste, il devient urgent et nécessaire de lutter contre le fait que des territoires, malgré l'homogénéité de ses habitants, puissent être des déserts médicaux. En poursuivant son exemple de territoires A et B, François Langot imagine que dans le premier un médecin choisisse de s’installer car il est plus ensoleillé que l’autre. “Sans avoir ausculté, il peut alors rencontrer soit le “vrai” malade, soit le malade ‘imaginaire’. Donc sur l'ensemble du territoire, un ‘vrai’ malade ne sera pas soigné de façon certaine (celui habitant dans la zone B) et le ‘vrai’ malade de la zone A aura une chance sur deux d'être soigné”, illustre-t-il. Avant d’aller plus loin : “Arrive alors un second médecin. Raisonnant comme le premier, il s'installe ‘librement’ dans la zone A qui voit alors ces deux malades être reçus par un médecin, la zone B restant un ‘désert médical’. Les patients de la zone A sont satisfaits. Un des médecins de cette zone a reçu un malade ‘imaginaire’, sans bien entendu, l'avoir choisi. Il se peut donc qu'à la période suivante, ce médecin reçoive le ‘vrai’ malade.”
Pour François Langot, il ne s’agit pas d’une “bonne allocation de l’offre de soin”. “L'inégalité grandit entre les territoires : toute la population de la zone B cotise sans aucun accès aux soins, et donc finance toutes les dépenses de soin de la zone A que ce soient celles résolvant les problèmes du ‘vrai’ malade ou celles du malade ‘imaginaire’”, dénonce-t-il. Une solution pourrait permettre de réduire cette inégalité selon lui : la coercition et le conventionnement à l’installation. “En effet, dans la zone A, le malade ‘imaginaire’ sait maintenant qu'en allant chez le médecin, il aura une chance sur deux de payer en plus des cotisations qu'il a déjà versées. Sachant cela, il est alors probable qu'il renonce à ce soin de confort, ce qui conduit la zone A à n'avoir plus qu'un seul patient à soigner, le ‘vrai malade’, ce dernier ayant plus de chance de toujours demander des soins, car il est prêt à payer pour que sa ‘vraie’ maladie soit soignée. Si les deux médecins restent dans la zone A, alors l'un d'eux n'aura plus de revenu. Face à ce risque, le second acceptera de s'installer dans la zone B, où il pourra alors soigner le ‘vrai’ malade de cette zone”, développe l’économiste.
Il s’agit-là, pour lui, de la meilleure solution. “On ne peut pas faire mieux que la régulation de l'installation des médecins”, assure-t-il. “L'existence d'un comportement d'auto-sélection des patients peut sembler optimiste, le patient pouvant, étant donné les faibles connaissances qu'il a en médecine, ne pas savoir distinguer s'il fait partie des ‘vrais’ malades ou des malades ‘imaginaires’”. Il devient donc nécessaire d’installer ‘“un filtre” avant d’accéder au soin.
“Remarquons également pour conclure que cette affectation territorialisée après le concours de fin d'étude est ce qui attend tout fonctionnaire d'État, qui, comme le médecin, a ces revenus assurés par des impôts ou cotisations obligatoires”, écrit-il enfin.
[avec Le Figaro]
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