Avec 1 000 euros de revenus par mois et des consultations qui peuvent durer jusqu'à une heure, Docteur Cerise* est enfin heureuse dans sa vie de médecin. Après deux burn out, la trentenaire s'est rendue à l'évidence : la médecine générale, ce n'était pas pour elle. Depuis un an, elle fait de la nutrition en libéral dans une clinique. Et elle ne reviendrait en arrière pour rien au monde.
"J'ai fait mon premier burn out un an avant de finir l'internat. J'ai toujours eu du mal avec la pression, le stress, le rythme, la fatigue… J'ai vécu des choses difficiles en tant qu'interne, mais on se dit toujours "ça ira mieux plus tard". Et au final, non. En médecine, on nous apprend à ne pas être le maillon faible. Pendant l'internat, un chef de service m'avait dit c'est "arrête toi le temps qu'il faudra, mais quand tu reviens tu dois être efficace." J'ai dû m'arrêter deux jours en tout. Il ne faut absolument pas montrer nos faiblesses. "J'avais l'impression de faire du mauvais travail" La médecine générale n'était pourtant pas un choix par défaut. J'aimais vraiment ça, c'était varié, on suivait vraiment les gens, pas comme à l'hôpital où on les voit ponctuellement. Ça m'intéressait vraiment. Sur le papier. J'ai fini mon internat en octobre 2013. J'avais déjà fait un an de stage chez le praticien, où j'étais plutôt en autonomie. Ensuite, j'ai enchaîné sur des remplacements, chez différents médecins, dans différentes régions, jusqu'en octobre 2015. A cette époque-là, j'ai fait un deuxième burn out Ça faisait un petit moment que je réfléchissais sur ma pratique en fait. Ça ne me convenait pas. En médecine générale, on nous en demande toujours plus. Les cadences sont trop intenses. La possibilité d'avoir une urgence tout le temps dans la journée, qui se rajoute aux consultations programmées… Le fait de faire toujours plein de choses à la fois, ça ne m'allait pas. Les consultations que je préférais en médecine générale, c'était la nutrition, le soutien psychologique, l'accompagnement des patients, l'éducation thérapeutique… Ça me plaisait beaucoup. Mais pour le reste, je n'avais pas beaucoup de plaisir et la cadence me laissaient l'impression d'aller trop vite, de faire du mauvais travail. Je n'étais plus capable de faire de la médecine générale. En en parlant avec un autre remplaçant, j'ai su qu'une clinique cherchait un médecin pour prendre en charge des patients en chirurgie bariatrique. Ça s'est fait assez rapidement. J'ai arrêté en octobre et j'ai vu mes premiers patients au sein de la clinique en mars 2016. J'ai fait un DIU cette année en médecine de l'obésité, mais le suivi nutritionnel fait partie des compétences du médecin généraliste. La nutrition n'est pas une spécialité reconnue, donc mon appellation c'est "médecin généraliste orientation nutrition". C'est ce qu'on a trouvé. "L'année dernière, j'étais en déficit" Au bout d'un an, j'ai fait ma patientèle grâce aux médecins qui m'envoyaient des patients, la clinique m'a fait de la pub. J'ai autour de 300 patients. Je suis libérale, à l'acte, au sein de la clinique. Je loue un bureau. Je ne monte pas voir les patients dans les étages. Je suis rémunérée comme un médecin généraliste, à 25 euros Les patients sont remboursés. J'ai juste une petite majoration si les patients me sont envoyés par un médecin. Ça fait 28 euros pour l'instant, et avec la nouvelle nomenclature ça fera 30 en juillet. Je fais des consultations de trente minutes à une heure. C'est sûr que je n'ai pas le même rendement qu'en médecine générale, même si ma journée est pleine. Pour moi le principal, c'était ma qualité de vie. Aujourd'hui, je prends le temps avec les gens. J'ai eu temps aussi pour moi. Je travaille deux bonnes journées, plus deux bonnes après-midi. En moyenne, je fais un mi-temps de généraliste. Je complète avec une garde par mois en maison médicale de garde. L'année dernière, comme je n'ai travaillé que 10 mois, et que j'ai fait un investissement pour le cabinet, j'étais forcément en déficit. J'ai dû m'endetter pour les meubles, les logiciels… J'ai donc gagné zéro. Mon but, ce serait de gagner 2 000 euros net, toutes charges privées et professionnelles payées. Aujourd'hui, je suis plutôt à 1 000 euros par mois. "Si j'avais voulu gagner beaucoup d'argent, j'aurais continué à remplacer" Je m'en sors parce qu'à la clinique, le loyer n'est pas très cher et que j'habite avec mon compagnon… C'était vraiment un choix de vie. Si j'avais voulu gagner plein d'argent, j'aurais continué à remplacer. Mais j'étais très malheureuse, ça me pourrissait la vie depuis des années. J'étais sous traitement. Je ne pouvais plus sortir de chez moi. Il fallait que je trouve autre chose. Je n'aurais jamais pu revenir à la médecine générale. Même sous traitement, je me rendais malade de l'intérieur. Je savais que je gagnerais beaucoup moins. Mais à choisir, je préfère nettement ma qualité de vie d'aujourd'hui. Quand on est en burn out, on y pense même quand on n'est pas au travail, on anticipe, on est mal en dehors… Là, c'est une révolution de ne plus être angoissée tout le temps. Comme je suis en libéral, je peux choisir mes horaires. S'il y a un jour où je n'ai pas envie de travailler, je peux fermer. Alors que quand on est remplaçant, on a des comptes à rendre. Là, j'ai une vraie liberté. En plus, je n'ai pas d'urgences vitales. Je ne suis jamais obligée de rajouter des patients le jour même. Il y a des gens qui aiment ça, mais ce n'est pas mon truc. Je ne reviendrais en arrière sous aucun prétexte."
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