La tribune co-rédigée par onze personnalités du monde de la santé plaidant pour l'instauration d'un statut unique pour les médecins, a fait sursauter un groupe de femmes médecins, généralistes en centres de santé ou cabinets de groupe, PH ou PU-PH. Onze d'entre elles prennent le contre- pied d'une tribune qu'elles jugent "très connotée masculine" et affirment que le statut n'est pas LA cause des dysfonctionnements constatés dans le système de santé. "Nous sommes onze femmes, des praticiennes de terrain, universitaires ou non, spécialistes ou généralistes, exerçant en ville ou à l’hôpital, réparties sur le territoire et d’exercices variés. Nous ne sommes pas des "personnalités". Mais notre analyse est très différente. Les deux exercices médicaux, hospitalier et ville, ne sont pas en concurrence. Nous partageons les mêmes valeurs et, au quotidien, nous voyons les mêmes malades", écrivent ces onze praticiennes dans une tribune de réponse. Pour elles, les freins réels sont d'une autre nature, et tiennent à l'absence de dossier partagé et à la perte d'informations. Mais ne tiennent pas exclusivement à l'opposition de statuts. Coutumières pour certaines d'entre elles de partager leur exercice entre l'hôpital et un centre de santé – ce que des conventions autorisent – elles disent ne pas comprendre la supposée "quasi-impossibilité à concrétiser une prise en charge des patients fondée sur des parcours et non plus sur des actes isolés." La réponse est cinglante : "Nous ne sommes pas des "productrices d’actes isolés", nous assurons une prise en charge globale, associant soins et prévention sur des parcours longs, nécessitant la collaboration de la ville et l’hôpital", témoignent-elles en ne se cachant pas les dysfonctionnements qui existent, dont aucun argument ne prouve que les statuts sont en cause. En revanche, "la raréfaction du recours en soins primaires avec des zones sous dotées (qui) entraînent une sollicitation accrue de l’hôpital, qui ne peut plus répondre à ces demandes" leur semble être une véritable cause de dysfonctionnement. Et si des différences de statuts existent, elles peuvent être trouvées au sein même de l'hôpital, du côté des attachés notamment. Les signataires affirment avoir choisi de ne pas coupler leur activité à la rémunération. Pour autant, il faut se garder des caricatures, préviennent-elles. Le paiement à l'acte n'est pas synonyme de risque et d'argent. Il offre aussi l'indépendance. Quant au salariat, il se paie en termes de contraintes horaires notamment, ce qui n'implique pas un "pantouflage médiocre". En fait, cette tribune est écrite pour dire que ces praticiennes ne sont pas des "prestataires de santé", mais des médecins, engagées pour nos patients, dans des équipes, au sein de filières de soins. "Que nous soyons agents du service public ou médecins de ville nous réalisons une activité destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général, en l’occurrence répondre au besoin sanitaire. Nous ne souhaitons pas un statut de prestataires se vendant au plus offrant". Pour elles, "l'urgence est de construire une offre de soins de proximité en évitant un modèle à deux vitesses avec des "prestations" low cost et d'autres surfacturées".
"L’hôpital public est en crise et parmi les solutions proposées, il a récemment été suggéré, par un groupe très masculin de onze personnalités, une réforme majeure de l’organisation médicale : un statut unique pour tous les médecins, en ville ou à l’hôpital. L’antagonisme entre activité hospitalière et en ville serait la source du blocage dans la prise en charge des patients d'après ces personnalités, pour la plupart assez éloignées de l’exercice médical à l’hôpital public.
Nous sommes onze femmes, des praticiennes de terrain, universitaires ou non, spécialistes ou généralistes, exerçant en ville ou à l’hôpital, réparties sur le territoire et d’exercices variés. Nous ne sommes pas des « personnalités ». Mais notre analyse est très différente.
Les deux exercices médicaux, hospitalier et ville, ne sont pas en concurrence. Nous partageons les mêmes valeurs et, au quotidien, nous voyons les mêmes malades. Les freins sont pour nous l’absence de dossier partagé et la perte d’informations, et non l’opposition de statuts. Certaines d’entre nous peuvent consulter en Centres de santé en restant temps plein à l’hôpital, des conventions l’autorisent. Nous ne comprenons pas la supposée «quasi-impossibilité à concrétiser une prise en charge des patients fondée sur des parcours et non plus sur des actes isolés ». Nous ne sommes pas des « productrices d’actes isolés », nous assurons une prise en charge globale, associant soins et prévention sur des parcours longs, nécessitant la collaboration de la ville et l’hôpital. Des dysfonctionnements existent mais aucun argument ne prouve que les statuts soient en cause. En revanche la raréfaction du recours en soins primaires avec des zones sous dotées entraînent une sollicitation accrue de l’hôpital, qui ne peut plus répondre à ces demandes
L’exercice médical mixte ville/hôpital est possible : Il y a plus de 5000 praticiens hospitaliers à temps partiel et des dizaines de milliers d’attachés hospitaliers dont la majorité a un exercice mixte. Quels arguments pour faire porter à la différence de statut un putatif antagonisme de classe? Des études françaises, étrangères ou des convictions ? En revanche il faut s’interroger sur les différences de statuts au sein même de l’hôpital, notamment pour les attachés, oui, cela mérite discussion. Pour celles d’entre nous exerçant en centre de santé et à l’hôpital, nous avons choisi de ne pas coupler notre activité à la rémunération. Pour autant, celles qui ont choisi la rémunération à l’acte, ont des motivations qui ne doivent pas être caricaturées ; cet exercice est choisi non pour le risque et l’argent mais pour l’indépendance professionnelle. Les autres, salariées, n’ont pas que la sécurité de l’emploi mais aussi les contraintes horaires, la permanence des soins, la disponibilité permanente. Et la sécurité de l’emploi n’implique pas un pantouflage médiocre.
Mais surtout, toutes, nous ne sommes pas des prestataires de santé. Nous sommes des médecins, engagées pour nos patients, dans des équipes, au sein de filières de soins. La contractualisation de prestataires est utilisée souvent pour des services marchands. Que nous soyons agents du service public, ou médecins de ville nous réalisons une activité destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général, en l’occurrence répondre au besoin sanitaire. Nous ne souhaitons pas un statut de prestataire se vendant au plus offrant.
La coopération existe, les passerelles sont indispensables, les échanges vitaux, la collaboration obligatoire. L’évolution de notre système de santé nécessite plus de débat et moins de postulats. Plus que s’attaquer par idéologie à des statuts hospitaliers, de rêver de transformer en entreprise privée les hôpitaux publics, l’urgence est de construire une offre de soins de proximité en évitant un modèle à deux vitesses avec des « prestations » low cost et d’autres surfacturées."
Salomé Chaumette Généraliste Centre de santé Gennevilliers
Hélène Colombani Généraliste Centre de Santé Nanterre
Mady Denantes Généraliste Maison de santé Pyrénées Paris
Nelly Fridman Biologiste Professeur des Universites Praticien Hospitalier Clamart
Anne Gervais Hépatologue Praticien Hospitalier Paris
Pascale Lepors Praticien Hospitalier Saint Malo
Isabelle Montet Psychiatre Praticien Hospitalier Clermont de l’Oise
Carole Poupon, Biologiste Praticien Hospitalier Gonnesse
Nicole Smolski Anesthésiste Praticien Hospitalier Lyon
Isabelle Weisser Généraliste cabinet de groupe Paris
Anne Wernet Anesthésiste Praticien Hospitalier Perpignan
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus