Baisser la rémunération des médecins isolés : la proposition choc de la Mutualité française
Une chose est sûre, c’est que cette proposition risque de faire monter les soignants au créneau. Dénonçant le “morcellement” de l’offre de soins de premier recours sur notre territoire, la Mutualité française estime qu’il est temps d’engager une “mutation profonde” de l’offre en abandonnant l’exercice isolé. L’objectif affiché : faciliter l’organisation des parcours et l’orientation des patients mais aussi éviter que l’hôpital demeure leur réflexe. Ainsi, la Mutualité française souhaite y mettre fin et faire de l’exercice regroupé la norme d’ici cinq ans. Pour cela, elle évoque plusieurs leviers notamment la baisse de la rémunération des professionnels du premier recours intervenant en dehors d’un espace de santé pluriprofessionnel (ESP) et la rémunération au forfait des soins faisant intervenir plusieurs professionnels.
En septembre 2018, lors de la présentation du plan “Ma Santé 2022”, Emmanuel Macron avait lui aussi exposé ses intentions de mettre fin à l’exercice isolé : “D'ici à 2022, l'exercice isolé sera marginal, il sera l'aberration", avait-il alors déclaré. Mais pour le président de la Mutualité, Thierry Beaudet, cela n’a eu que peu d’effets : “Il y a eu des incitations qui n’ont pas eu les effets escomptés.” Depuis, le coronavirus est passé par là et "on a fait face à la pandémie avec la moitié de nos ressources", car "la balkanisation des professionnels de ville fait qu'on n'a pas su les mobiliser", a-t-il ajouté. Si l’objectif 2022 est en effet loin d’être réalisé...
une enquête de la commission jeunes du Conseil national de l’Ordre des médecins, réalisée en 2019, révélait toutefois les volontés de regroupement des jeunes médecins. Seuls 3% des internes envisageaient un exercice libéral isolé, quand 72% plébiscitaient une activité mixte, libérale en groupe ou en MSP. Modifier les compétences des ARS Parmi les autres propositions phares de la Mutualité française figure celle de transférer aux régions la compétence de la prévention avec les moyens actuellement alloués au Fonds d’intervention régional (3,5 milliards d'euros en 2020) et aux ARS. La Mutualité entend ainsi mettre en place “une culture de la santé publique” et “des réflexes de prévention au sein des institutions et chez les citoyens”. Les régions pourront de fait décliner des stratégies de prévention avec les différentes acteurs sur leur territoire.
Pointant les limites des ARS, mises en lumière lors de la crise sanitaire, la Mutualité soumet l’idée de consolider la “démocratie sanitaire” en recentrant les ARS autour de deux missions régaliennes : la sécurité sanitaire et la régulation de l’offre, tout en garantissant la “neutralité” et la “complémentarité” des différents acteurs, publics comme privés. Médicaliser les Ehpad Enfin, la Mutualité engage une réflexion sur les Ehpad, particulièrement touchés par l’épidémie de coronavirus puisque près de la moitié des décès aujourd’hui ont eu lieu dans ces structures. Selon elle, “la crise sanitaire a mis en exergue les carences du modèle de l’Ehpad, faiblement médicalisé et structurellement en marge des préoccupations des autorités sanitaires”.
Elle propose donc de renforcer leur médicalisation. Cela passe par la salarisation de médecins généralistes, le recrutement de soignants, la présence d’infirmières en pratiques avancées... “Les Ehpad doivent aussi contractualiser avec l’Espace de Santé Pluriprofessionnel et l’offre hospitalière”, précise la Mutualité. Pour en faire des plateformes gériatriques de proximité, elle souhaite que ces établissements proposent des “services modulables et adaptés aux personnes à domicile” (télémédecine, télésurveillance, équipes mobiles, aides aux démarches administratives, etc.).
Dans un communiqué publié ce mercredi, le syndicat de médecins libéraux a réagi aux propositions de la Mutualité. "Fidèle à la couleur de son logo, la Mutualité souhaite le retour vers un modèle dépassé où toute initiative individuelle serait proscrite et, ceux qui résisteraient le paieraient au prix fort puisque leurs rémunérations seraient baissées", dénonce le SML. Le syndicat s'oppose aux obligations supplémentaires qu'une telle proposition engendrerait. Concernant les Ehpad, il s'est dit favorable à la médicalisation de ces structures mais précise que "équipes médicales n’ont pas vocation à capter la patientèle des médecins libéraux des territoires concernés". De fait, le SML alerte le ministre de la Santé sur les propositions de la Mutualité, jugées "toxiques pour la médecine de ville".
[avec AFP]
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