Rémunération, régulation, organisation : les enjeux des négos sur les soins non programmés
"Aucun chiffre, aucune enveloppe." "Rien n'est défini, on ne sait même pas ce qu'est un soin non programmé. On a aucun repère, ni temporel, ni de territoire, ni de moyens." A la sortie de la séance d'ouverture des négociations conventionnelles sur l'avenant 9, consacrée au volet soins non programmés, les représentants des médecins libéraux ne cachent pas leur impatience. "Les besoins sont immenses, à la hauteur du retard d’investissement accumulé sur les soins primaires depuis des années", souligne MG France. Les attentes sont "énormes", a rappelé le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF : alors que le Ségur de la santé a débouché sur un effort financier de 8 milliards d'euros pour l'Hôpital, "les médecins libéraux -et les Français non plus- ne comprendraient pas que la reconnaissance de la nation ne soit pas à la hauteur de leur engagement durant la crise". 29% des passages aux urgences relèvent des médecins généralistes libéraux Cela commence par la valorisation de l'implication des médecins de ville dans la prise en charge des soins non programmés, dans le cadre du "Service d'accès aux soins" voulu par le Gouvernement en réponse à la crise des urgences. Sur les 21 millions de passages annuels aux urgences, en effet, 43% relèveraient d'une prise en charge en ville, dont 29% par un médecin généraliste sans plateau technique, a rappelé la Cnam en préambule. Alors que les trois quarts des patients des urgences sont admis entre 8 heures et 20 heures les jours de semaine, il s'agit d'organiser sur chaque territoire, aux horaires d'ouverture des cabinets, la réponse à ces demandes de soins qui ne relèvent pas de l'urgence vitale. Tout comme la permanence des soins ambulatoires (PDSa), l'implication des médecins libéraux se fera sur la base du volontariat. Et comme l'a rappelé le Dr Philippe Vermesch, président du SML, "il faut savoir honorer le service!" L'un des principaux enjeux de ces négociations sera en effet de définir les "mécanismes" valorisant non seulement la régulation mais aussi l'effection de ces soins (nécessairement) régulés, ainsi que l'aide à l'acquisition des outils (agenda partagé, etc.). "Le médecin doit dégager du temps sur sa journée" La CSMF a d'ores et déjà demandé la mise en place d'un forfait d'astreinte pour les effecteurs : "Le médecin doit dégager du temps dans sa journée de travail, a souligné le Dr Ortiz. Libre à lui de l'organiser sous forme de plages horaires ou au fil de la journée." A l'instar du SML, la confédération réclame également une rémunération pour chaque acte de soin régulé, avec une majoration de 15 euros pour tous les médecins, sur le modèle de la cotation MRT du médecin traitant. "C'est la condition pour que les médecins, tous surbookés, fassent des efforts sur leur agenda", a insisté le Dr Philippe Vermesch, du SML. Problème : la rémunération de l'acte directe a été exclue par le ministre de la Santé dans sa lettre de cadrage, au profit d'un "financement au résultat". Pour le nouveau directeur de la Cnam, Thomas Fatome, cela pourrait déboucher sur la mise en place d'un indicateur mesurant la diminution du nombre de passages aux urgences non suivi d'hospitalisations sur le territoire concerné. Autre pierre d'achoppement entre la Cnam et les syndicats : la place des CPTS dans le dispositif, la structuration des soins non programmés sur le territoire étant l'une de leurs missions socles. Face au ministère qui souhaite leur attribuer "un rôle pivot", les représentants des médecins libéraux plaident pour des organisations souples. "Si on attend que la France soit couverte par des CPTS pour répondre aux soins non programmés, on risque d'attendre longtemps", a ironisé Jean-Paul Ortiz. D'après les chiffres de la Cnam, sur les 31 CPTS membres de l'accord cadre interprofessionnel signé en 2019, seules 19 se sont saisies de la question des soins non programmés. "Tout est misé sur les CPTS, a déploré le Dr Corinne Le Sauder, qui a succédé au Dr Hamon à la tête de la FMF. Il ne faut pas détruire l'existant. Ceux que j'appelle les médecins "solo", qui représentent 70% des praticiens, font du travail de coordination et prennent en charge des soins non programmés et n'ont jamais été honorés pour cela", a-t-elle regretté. D'après les chiffres de la Cnam, 25 à 40% des 251 millions de consultations effectuées par les médecins généralistes chaque année sont des soins non programmés... "Jamais nous n'accepterons d'être les supplétifs des Samu-Centres 15" Enfin, les syndicats ont de nouveau exigé une régulation libérale distincte du centre 15, à travers le numéro 116-117. "Nous avons signé un nombre incalculable de communiqués communs intersyndicaux pour rappeler que derrière cette exigence, il y a la notion d'autonomie des professionnels de santé libéraux, a rappelé le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Je crois qu'on peut le dire tous ensemble : jamais nous n'accepterons d'être les supplétifs des organisations mises en place par les Samu-Centres 15 tel que cela est en train se faire dans les expérimentations poussées par certaines ARS aujourd'hui." Sur ce point, la Cnam joue la carte de "l'ambiguïté", dixit les syndicats, en évoquant la mise en place d'un "numéro unique pour les patients avec possibilité de maintien d'autres numéros locaux déjà mis en place". "La façon dont ça va se déployer avec les numéros, il va falloir encore qu'on le travaille avec le ministère et les professionnels", nous répond Thomas Fatome. Bref, "on est dans le flou", résume Corinne Le Sauder.
"C'est notre dernière chance, avant les élections présidentielles, d'avoir quelque chose", a rappelé le représentant du Bloc. "Le cycle conventionnel est fait ainsi : il n'y aura rien avant 2023. Donc c'est à nous d'obtenir le maximum." Mais le ministre de la Santé a d'ores et déjà exclu de revaloriser la consultation de base des médecins, douchant les espoirs des syndicats, déjà refroidis par une lettre de cadrage jugée trop restrictive. "Je mesure les attentes des professionnels en termes de revalorisation. Le ministre a eu l'occasion de mettre un certain nombre de cadres et de limites, a répondu Thomas Fatome, le patron de la Cnam. L'Assurance maladie va investir sur l'exercice coordonné, sur les soins non programmés, sur le numérique, sur la visite à domicile." "Il y aura des moyens en relation avec les ambitions", a-t-il promis.
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