Cinq leviers pour améliorer la pertinence des soins ambulatoires

20/12/2018 Par Aveline Marques

La chasse aux actes inutiles est ouverte ! Alors que l'OCDE estime que 20% des soins ne sont pas pertinents, le Gouvernement français a fait de l'amélioration des pratiques l'une de ses cinq grandes priorités en matière de santé. Mercredi 19 décembre, la Matinale de la Fédération nationale de l'information médicale (Fnim) a fait le point sur le rôle que vont jouer les médecins de ville.

  "La pertinence et la qualité sont des notions récentes en ambulatoire, relève le Dr Luc Duquesnel, chef de file de la branche Généralistes de la CSMF, intervenant de la Matinale. Parce que tout ce qu'on fait est par définition de qualité et pertinent. C'est en tout cas le ressenti du terrain." Mais pour ce généraliste, président du pôle libéral de Mayenne, certains leviers doivent être activés pour permettre aux médecins libéraux de prendre leur part. Avec un impératif : favoriser l'exercice "coordonné, regroupé" – mais pas nécessairement sur un même lieu- pour permettre une prise en charge dans le cadre de parcours de soins, voire de "parcours de vie".   La base : le partage d'informations Un système d'informations partagé pluriprofessionnel, avec messagerie sécurisée, est indispensable au suivi coordonné des patients, que ce soit pour un médecin dont le confrère est en vacances (accès à la dernière ordonnance, allergies…), pour tracer la vaccination réalisée par le pharmacien ou l'infirmier, mais aussi dans le cadre de la permanence des soins. Il doit permettre par ailleurs de suivre des indicateurs. Encore faut-il que les données soient structurées, relève le Dr Duquesnel, qui exerce sur un territoire englobant 45.000 patients, en coordination avec 90 professionnels de santé (dont 23 généralistes). "Il y a ceux qui vont entrer 'diabète insulino-dépendant', ceux qui vont noter par manque de temps 'dnid' ou 'DNID'", compliquant les requêtes ultérieures. Pour le généraliste, les systèmes actuels ne sont pas "matures": "on est en quelque sorte des bêta-testeurs". Quant aux outils de parcours de soins que tentent de développer les ARS au niveau régional, ils restent dans les limbes. Quid des DMP (dossiers médicaux partagés) qui s'ouvrent par centaines de milliers chaque semaine et qui sont vantés par les pouvoirs publics comme des outils permettant d'éviter les doublons ? "L'Assurance maladie semble plus performante que l'Asip en la matière, concède le syndicaliste. Mais le nombre de DMP ouvert n'a aucun intérêt; ce qui est important, c'est ce qu'il y a dedans." Et tant que les volets de synthèse médicale générées par les généralistes depuis leurs logiciels métiers ne seront pas ergonomiques (format PDF, pas de mise à jour automatique), le DMP ne remplira pas ses missions, estime le Dr Duquesnel.   Une formation nécessairement "pluriprofessionnelle" Pour sortir du travail "en silo", le Dr Duquesnel mise sur la formation pluriprofessionnelle, qui permet aux différents soignants de s'approprier "l'exercice coordonné de demain" et d'apprendre à travailler ensemble de façon formalisée. "Les post-it, les coups de fil… ce n'est pas traçable, ni évaluable", pointe-t-il.   Des protocoles pluriprofessionnels "Beaucoup de réseaux centrés sur des maladies chroniques s'arrêtent aujourd'hui faute d'avoir été protocolisés, évalués", souligne le chef de file des Généralistes. C'est pourtant indispensable pour améliorer la qualité des soins. "Par exemple, on sait que pour les patients cardiaques après 65 ans, la 1ère cause d'hospitalisation c'est les AOD. Il faut établir un protocole pour dire qu'entre telle dose et telle autre, c'est l'infirmière qui gère. Ça évite non seulement les coups de fil au généraliste, mais aussi les hospitalisations et réhospitalisassions", argumente le Dr Duquesnel, se basant sur sa propre expérience de la permanence des soins. "Face à un patient âgé qui sort de l'hôpital mais pour qui on n'a pas l'insuline faute d'avoir prévenu le pharmacien, qu'est-ce que je fais ? Je réhospitalise", déplore-t-il.   Vers un exercice regroupé "En 2022, l'exercice isolé sera marginal, il sera l'aberration", avait lancé Emmanuel Macron le 18 septembre, lors de la présentation de sa "Stratégie de transformation du système de santé". Le président de la République mise pour cela sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées par la loi Touraine, qui devront dès 2019 mailler le territoire et rassembler les professionnels de santé autour d'un projet de santé commun. "L'organisation territoriale est en train de se transformer, je n'ai jamais vu ça en 30 ans", confirme le syndicaliste de la CSMF. En témoigne le développement des maisons de santé et des plateformes territoriales d'appui, qui assistent les professionnels confrontés à des situations sociales complexes. "Quand j'ai commencé, je pouvais faire 5 consultations par heure… 6 en période d'épidémie. Aujourd'hui, je n'en fais que 3, parce qu'elles sont de plus en plus complexes", témoigne le généraliste.   Une évolution incontournable des modes de rémunération En Ville comme à l'Hôpital, "le système de tarification actuel n'est pas adapté à la prise en charge des patients chroniques", souligne Luc Duquesnel. "Le niveau bas des tarifs, qui était adapté à des consultations aigues, incite à multiplier les actes, au détriment de la qualité et de la pertinence." Plutôt que d'octroyer un tarif de consultation complexe à 50 euros, les pouvoirs publics misent sur la rémunération au forfait pour améliorer la pertinence des soins. Avec, de préférence pour le syndicaliste, des indicateurs qualitatifs plutôt que quantitatifs. Reste que ces changements "font peur" aux professionnels. Sur un territoire, seuls 10 à 15% d'entre eux sont engagés dans cette dynamique, pointe le leader syndical. Convaincre les 85% de réfractaires suppose de les accompagner et de "leur présenter la boite à outils". "Il faut du temps."

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