"Devoir" ou "abus" : les réquisitions de médecins libéraux sont-elles légitimes ? Ça vous a fait réagir

05/01/2022 Par Sandy Bonin & Louise Claereboudt
Permanence des soins
Alors que les médecins généralistes les avaient un peu oubliées, les réquisitions ont fait leur grand retour pour les fêtes de fin d'année. Dans le Haut-Rhin, cinq syndicats représentatifs des médecins libéraux ont déposé un préavis de grève pour le samedi 1er janvier afin de dénoncer la poursuite des réquisitions "brutales" de généralistes dans la cadre de la permanence des soins ambulatoires (PDSa). Des réquisitions ont même été ordonnées pour faire de la régulation. Les médecins généralistes doivent-ils pallier les tensions des urgences ? En tant que libéraux, ont-ils une mission de service public ? Vous en avez débattu sur Egora.

 

Alors que certains ont proposé de rendre la permanence des soins ambulatoires obligatoire dans le cadre de la campagne présidentielle - à l'instar de Frédéric Valletoux, président de la FHF, ou encore du candidat Eric Zemmour - réquisitionner les généralistes n'apparaît pas être la meilleure des idées pour donner envie aux jeunes médecins de s'installer. Le Dr Amandine Cordier, jeune maman, installée en zone sous-dotée depuis 2019, ne se remet toujours pas de ce courrier reçu le 17 décembre dernier : une lettre de l'ARS l'informant de sa réquisition pour la garde du 26 décembre. Séparée de son conjoint et sans famille à proximité, la jeune femme n'avait personne pour garder sa petite fille. Devant sa situation, l'ARS lui a expliqué que les médecins hospitaliers étaient fatigués et l'Ordre lui a répondu qu'installer un lit parapluie pour son bébé dans son cabinet n'était pas une mauvaise idée… La généraliste a alors menacé de déplaquer avant d'être enfin entendue. La garde a été annulée.  

Dans le Haut-Rhin, le Dr Thomas Manneh, jeune généraliste de 31 ans, installé depuis moins de trois ans à Soultz-Haut-Rhin, a appris qu'il était réquisitionné pour une garde sur son secteur pour le soir même, le samedi 18 décembre. Les gendarmes se sont présentés à son cabinet alors qu'il n'était pas présent. "C'est un confrère qui m'a appelé pour m'informer qu'on avait déposé un arrêté préfectoral de réquisition et que je devais rappeler la gendarmerie."  

A Noël, un jeune couple de généralistes, installé depuis peu à Vieux-Ferrette dans le Sundgau, s'est ainsi vu intimé l'ordre d'aller faire de la régulation (l'un le 24, l'autre le 25). "C'est inacceptable d'envoyer comme ça au casse-pipe des jeunes médecins qui non seulement ne sont pas encore très aguerris, mais surtout non formés à la régulation", dénonce le Dr François Xavier Schelcher, représentant local de MG France, joint par Egora. Rebelotte pour le week-end du Nouvel an : ces mêmes généralistes ont été à nouveau priés de se présenter au Samu 68, l'un le 31 décembre, l'autre le 1er janvier…  

Lecteurs d'Egora, vous avez été nombreux à réagir face à cette hausse des réquisitions dénonçant un système qui impose aux médecins généralistes d'être "corvéables à volonté selon les bons besoins de la société". Voici une sélection de vos commentaires. 

 

"Je croyais que le temps de l'esclavage était terminé"

Par GILLES_F_2

"Cela fait des décennies que le médecin généraliste libéral doit être taillable et corvéable à volonté selon les bons besoins de la société, et tout ceci pour des clopinettes étant donné que les honoraires à l'acte du médecin généraliste sont les plus bas d'Europe (et qui plus est gelés) dans le pays le plus fiscalisé et taxé au monde. Pourquoi ne pas réquisitionner les médecins conseils et médecins du travail qui se trainent au maximum à 35 heures par semaine. Je croyais que le temps de l'esclavage était terminé. C'est honteux.... "  

"Je suis d'abord une mère, une épouse et une fille avant d'être médecin"

Par MARIE JOSEE_S

Le problème, ça n'est pas la garde du bébé, le problème c'est la forme !  

L'obligation d'assurer une garde en dépit de toute considération humaine, elle est véritablement déshumanisée. Sa valeur sociétale est limitée à celle de sa fonction. 

Or comme je le dis souvent à mes patients je suis d'abord une mère, une épouse et une fille avant d'être médecin. "

"Moi ce que je ferai, c'est d'envoyer tous les appels ou tous les patients aux urgences"

Par kassoufpaul le 04-01-2022

"Les forces de l'ordre sont obligées d'obéir au préfet et d'amener la réquisition aux médecins. 

Non moi ce que je ferai, c'est d'envoyer tous les appels ou tous les patients aux urgences, avec ou sans ambulance. Ça apprendra au coordinateur du Samu à rester confraternel, et aux ARS que l'aide on la touche pour s'installer, pas pour être leur giton. On s'engage à participer à la permanence des soins, pas à assurer toute la...

permanence des soins. "

 

 

 

 

"C'est de la MALTRAITANCE !"

Par Jacques_B_8

"Il faut oser le dire, c'est de la MALTRAITANCE !! 

Il y a des campagnes contre la maltraitance faite aux enfants, aux femmes, aux personnes âgées. La maltraitance vis-à-vis des médecins est tout aussi inadmissible. 

Par ailleurs, elle met en danger toute une population, qui se retrouvera sans soins quand le médecin jettera l'éponge et changera d'activité. "  

"Le système n'est pas équitable et le rend donc contestable"

Par christian_B_1

"La méthode est contestable pour le Dr Manneh. Il faudrait anticiper sur ces périodes la possibilité d'arrêts de travail des médecins régulateurs avec une liste d'astreinte. Que celle-ci concerne aussi bien les médecins installés que les remplaçants inscrits au conseil de l'Ordre des médecins, ce qui en ferait un pool important et donc des contraintes à minima. C'est la seule façon de rendre équitable et donc acceptable un système où l'accès aux soins s'effondre année après année. La même règle pour tous. 

Il n'est pas juste de dire que la régulation de la médecine générale ne sert à rien et qu'elle peut attendre car le médecin effecteur ne sort qu'une nuit sur 3. Les médecins généralistes régulateurs envoient souvent des ambulances pour ces patients qui sont vus aux urgences et repartent dans 65 pour cent des cas...donc il pourrait être gérer par le médecin effecteur pour la plupart mais le régulateur de médecine générale hésite à déranger son confrère qui bien souvent travaille le lendemain. Les urgences quant à elle débordent et sortent de leur fonction de soins urgents. Le système n'est pas équitable et le rend donc contestable et peu efficace pour les acteurs de santé. "

   

"Le problème de fond, c'est l'impatience des patients et l'hyperjudiciarisation de la médecine"

Par Romain_L_6

"Je ne suis pas d'accord avec le point de vue que vous exprimez. Le problème de fond, outre le déficit global en médecins, c'est l'impatience des "patients" et l'hyperjudiciarisation de la médecine, 2 phénomènes qui conduisent les régulateurs du 15 à surmédicaliser les prises en charge. 

Je suis désolé mais la nuit, soit c'est une urgence et ça va au SAU, soit c'est de la médecine générale et ça attend demain. Si le médecin régulateur a un doute, ça va au SAU et ça attend 3 heures là-bas (vertus pédagogiques). 

Quant à moi, médecin généraliste libéral, je suis un simple citoyen qui fait son travail comme il l'entend, dans le respect des règles de bonnes pratiques, mais je n'ai aucune mission de service public à remplir. La PDSA c'est du confort voire du luxe pour les patients, et au vu de la...

démographie médicale actuelle, il va falloir que certains comprennent que ce n'est plus possible. "        

"Nous assurons un service public"

Par DL

"Je comprends que les méthodes de l'ARS ne sont pas toujours acceptables mais n'oublions pas que nous assurons un service public même si nous sommes libéraux. 15 médecins volontaires pour les gardes cela me paraît insuffisant pour un département. Autrefois, nos anciens assuraient leurs gardes de semaine et week-end sans rechigner. La profession à bien changée."  

"Autrefois, le médecin était un notable qui sacrifiait sa vie privée"

Par Romain_L_6

"Non. Non, non, non. Je n'assure aucune mission de service public. Je suis simplement conventionné secteur 1, nuance de taille ! Autrefois, les anciens assuraient leurs gardes, certes. Mais autrefois, il n'y avait pas de 15, pas de SAU, pas de pénurie de médecins, beaucoup moins de patients impatients, quérulents et intolérants à la frustration. Autrefois, le médecin était un notable qui sacrifiait sa vie privée. Oui la profession a changé, et heureusement qu'elle a changé ! Si l'État veut transformer le médecin libéral que je suis en espèce de pseudo-fonctionnaire en semi-pénurie permanente, ce sera sans moi. Ça c'est clair ! Si l'ARS commence à jouer les réquisitions avec moi, ça ne durera pas longtemps je vous le garantis."  

"Découragée"

Par gaelle22 

"Médecin libérale, je participe à la PDSA. En sortant de chaque garde, je suis écœurée de ma consultation. 90% des patients consultants consomment la maison de garde. Les consultations n'ont aucun caractère urgent, mais "c'est tellement pratique" pas de rendez-vous à prendre, on est sûr de voir un médecin quel que soit l'heure pour cet eczéma présent depuis 2 ans ! Et le surcoût ... c'est en tiers-payant : on s'en fout. Le respect ... malgré 3h d'attente avec la possibilité de lire le règlement de la maison de garde précisant aucun certificat ne sera délivré. J'ai été élevée au rang de reine des connes parce que j'avais refusé un certificat pour une course à pied le lendemain Découragée, je continue car ... je ne sais plus vraiment."  

"Ces hauts fonctionnaires n'ont pas d'éthique"

Par Jacques_B_8 

"Question d'éthique : ces hauts fonctionnaires (préfet, directeur d'ARS) travaillent-ils pour l'intérêt de la France (ce qui est leur rôle et leur mission) ou travaillent-t-ils en cherchant juste à protéger leurs miches, même si cela est contraire aux intérêts et à l'avenir de la France. Force est de constater que ces réquisitions vont inciter (une fois de plus) les jeunes généralistes à fuir le libéral !!!!! La réquisition va donc aggraver la pénurie de médecins. Ces hauts fonctionnaires n'ont pas d'éthique et sont indignes de leur fonction puisqu'ils aggravent délibérément (et en toute connaissance de la situation) la pénurie de médecins et la difficulté pour les patients à bénéficier d'un accès aux médecins."

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