Ils explorent les croyances de leurs patients pour mieux les soigner

03/08/2018 Par Dr David Dahan & Pr Paul Frappé
Bonnes feuilles
Les Drs David Dahan et Paul Frappé ont co-signé un ouvrage : "Traditions et cultures religieuses en médecine générale. Repères pratiques"(Ed. Global Media Santé), qui permet de "porter un regard sur l'interaction entre culture, conviction religieuse et acte médical", explique le président du Conseil national de l'Ordre dans sa préface. L'ouvrage de ces deux généralistes est consacré aux trois grandes religions monothéistes (judaïsme, religion chrétienne [catholicisme et protestantisme] et islam).

Nous vous proposons d'en découvrir quelques bonnes feuilles, car "apprendre de l’autre, utiliser cette connaissance dans son quotidien, respecter son patient, voilà les enseignements tirés de l'’analyse neutre et passionnante qui nous est proposée. Pour comprendre, il faut connaître, ce livre est une contribution à la connaissance de l’autre et à sa compréhension", salue le Dr Patrick Bouet, le président de l'Ordre des médecins.   Eléments de communication   Au-delà des différences évidentes de cultures, il existe une culture professionnelle, familiale et même personnelle qui rend toute com munication interculturelle.  

  La compétence interculturelle peut être décomposée en quatre axes : la compétence allocentrique (l’empathie, la capacité à se mettre en suspens, l’écoute, la tolérance à l’ambiguïté, la flexibilité psychologique), la compétence de communication (la gestion des conflits, la gestion de ses émotions, l’aptitude à initier et gérer des relations), la compétence de communication interculturelle (la capacité à identifier clairement sa propre culture et celle des autres, l’ethno-relativisme) et la compétence interculturelle spécifique (la connaissance des cultures sans pour autant s’en réclamer expert) [Rogers et Steinfatt, 1999]. La rencontre d’une culture différente peut provoquer des sentiments d’étrangeté, de curiosité, de gêne, d’incompréhension, voire d’agressivité. Dans ce contexte, la communication perd parfois son caractère d’automaticité et devient l’enjeu d’un apprentissage. Le toucher n’a pas la même signification selon les cultures. Dans la religion juive, la pudeur est un garant de la préservation de la bonne distance dans le lien social. Deux personnes de sexe opposé ne peuvent se toucher, que ce soit les mains ou toute autre partie du corps. Dans la culture musulmane, les femmes comme les hommes sont autre partie du corps. Dans la culture musulmane, les femmes comme les hommes sont invités à baisser le regard devant l’autre sexe, et la poignée de mains entre un homme et une femme étrangers l’un à l’autre n’est permise que s’il n’y a pas de désir ni de crainte de séduction. Ceci peut expliquer la réticence de certains patients à serrer la main, du moins spontanément. Certains hommes portent ensuite la main droite sur le cœur : ce signe de respect n’est pas lié à la religion, mais serait plutôt une coutume venue des pays du Maghreb. Dans leurs relations, les femmes musulmanes doivent prévenir tous les éléments qui pourraient attirer l’attention de l’homme, tels que le parfum ou la voix. Il n’est pas toujours naturel de parler en présence d’un étranger. Pour les femmes comme pour les hommes, certains termes doivent si possible être évités pour ne pas tomber en état d’impureté spirituelle : uriner deviendra "brûler l’eau", déféquer "sortir", le sperme "l’eau". Ceci peut mettre le patient en difficulté pour exprimer un motif de consultation en rapport avec l’urine, les selles, le sperme ou le sang. Ainsi, le médecin averti pourra s’y intéresser lorsque l’expression d’une plainte lui paraît atypique.  

En pratique  (1)

  • prendre le temps : parler lentement, avec des mots simples et des phrases courtes, laisser le temps de comprendre et le temps de répondre ;
  • adapter son attitude : manifester une écoute attentive, expliciter ses paroles par des gestes
  • mettre le patient à l’aise par un sourire ou en lui touchant la main peut être un incitatif pour une personne gênée par ses difficultés d’expression ;
  • demander régulièrement au patient ce qu’il a compris, en évitant la question "Avez-vous compris ?" à laquelle la plupart répondent affirmativement.
  • observer les réactions du patient et le questionner pour comprendre comment il reçoit ce qui lui est dit ;
  • utiliser des supports écrits ;
  • au besoin, pour recueillir des éléments importants, s’aider d’outils internet comme Google Traduction® ou TraducMed®.

  En pratique (2)

  • Prendre conscience que la culture religieuse peut toucher à tous les aspects de la vie, et pas seulement à la conception, la maladie, la mort
  • Identifier la distance physique optimale à conserver
  • Vérifier sur le contact visuel met le patient mal à l'aise
  • Demander au patient comment il désire être appelé et comment se fait la salutation dans sa culture
  • Le cas échéant, identifier le tiers qui peut intervenir dans l'échange.

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