Sous payés, débordés, déconsidérés : l'appel à l'aide des pédiatres en voie de disparition
Egora.fr : Vous alertez sur le risque de disparition de la pédiatrie, quelles en sont les causes selon vous ?
Dr Brigitte Virey : Je pense que c’est parce que la profession n’est pas très lucrative. Un pédiatre travaille beaucoup et longtemps dans la journée. Il gère les consultations de suivi et de pathologies chroniques et il voit aussi les enfants malades. Quand on est en période hivernale, on peut ajouter facilement une bonne dizaine de consultations supplémentaires. Tout cela fait des journées chargées pour un revenu moyen qui est très bas par rapport aux autres spécialités. Quand on compare nos revenus par rapport aux médecins, nous avons un bénéfice moyen qui est de 23% inférieur à celui des généralistes et de 64% inférieur à la moyenne des spécialistes. Nous sommes dans les trois derniers avec les endocrinologues et les psychiatres.
La jeune génération veut aujourd’hui travailler différemment. La pédiatrie est une spécialité très féminine mais cela se constate également chez les garçons. Ils ne veulent pas tout consacrer à leur métier, mais également prendre du temps pour leur vie personnelle, ce qui se comprend très bien.
Le fait que les médecins généralistes puissent être « médecin traitant de l’enfant », n’a-t-il pas accéléré le déclin de la pédiatrie ?
Cela n’a pas forcément accéléré le déclin mais ça a été délétère. Depuis, chaque fois que l’on réclame quelque chose à la caisse ou que l’on fait des propositions, on nous répond « oui mais il faut aussi donner aux généralistes ». Ce que l’on pourrait faire pour 2.600 pédiatres, c’est compliqué pour...
50.000 généralistes. Donc on ne nous donne rien. On ne voit pas comment s’en sortir.
Le directeur de l’Assurance maladie a admis que certaines spécialités, dont les pédiatres, « ont un décrochage de rémunération par rapport aux autres spécialités ». Il propose de valoriser de trois euros la consultation pour les enfants de moins de deux ans. Est-ce ce que vous attendiez ?
Non, nous attendions beaucoup plus. J’ai discuté de cela avec lui et je lui ai expliqué que si la démographie s’effondre, c’est aussi à cause du manque d’incitation. Les plus de 55 ans sont majoritaires chez les pédiatres. Il y a aussi des pédiatres de plus de 70 ans qui continuent à travailler. Je suis arrivée au calcul que d’ici 10 à 15 ans il ne restera que 1 600 à 1 800 pédiatres ayant une activité ambulatoire, alors que 25% de la population Française à moins de 18 ans. J’ai demandé à Thomas Fatôme [directeur de l’Assurance maladie NDLR], huit euros sur le NFP, à savoir les consultations pour les moins de deux ans. Ces consultations représentent 55% du total de nos actes. J’ai expliqué à Thomas Fatôme que ce n’était pas avec trois euros de plus qu’il allait rendre la pédiatrie attractive. Ça ne lui a pas plu, mais tant pis.
L’Assurance maladie propose également la création de consultation de dépistage des troubles du neuro-développement pour 60 euros, ainsi que la création de consultations de mise en place de la stratégie thérapeutique pour troubles du neuro-développement pour 60 euros. Était-ce une demande particulière de votre part ?
Oui nous avions demandé ces consultations de mise en place de la stratégie thérapeutique. Nous, les pédiatres, sommes les champions de ces consultations complexes. Nous avons une vingtaine de codes. Mais il s’agit de niches sur un petit nombre d’enfants. Cela nous fera gagner que 300 ou 400 euros par an.
Au-delà de ces 8 euros sur les NFP, que demandez-vous ?
Si on veut sortir la pédiatrie de là où elle est, il faut la rendre attractive pour les jeunes générations mais il faut aussi moderniser nos cabinets. Il faut que l’on puisse avoir des locaux dignes de ce nom, c’est-à-dire avoir plusieurs salles d’examen. Si on veut travailler avec un assistant médical,...
il faut un minimum de deux salles. Il serait aussi intéressant d’avoir une salle d’infectiologie pour éviter que les patients ne se contaminent, mais ça, c’est du rêve. Il nous faut aussi du matériel, d’autant que si nous avons plusieurs salles d’examen, il nous faut le matériel en double.
Si nous pouvions employer des assistants pédiatriques, cela nous ferait gagner du temps médical. On pourrait donc permettre l’accès à un pédiatre à plus d’enfants. On pourrait mettre en place des parcours de soins avec des sages-femmes ou des généralistes. Cela pourrait permettre de mailler le territoire pour faire en sorte que chaque fois qu’ils en ont besoin les enfants puissent avoir accès à un pédiatre, mais pour cela il faut nous donner des moyens.
Si l’on tombe à 1.600 pédiatres dans 15 ans, nous serons purement confidentiels et le risque sera de ne trouver des pédiatres que dans les grandes villes. Les jeunes ne choisiront plus la pédiatrie puisqu’il n’y aura pas de débouchés.
La pédiatrie est un métier passionnant. C’est la médecine interne de l’enfant. Ça touche énormément de domaines. Cela peut être très valorisant intellectuellement, mais c’est devenu un deuxième salaire.
Que pensez-vous de la Rosp ?
Nous n’avons pas grand-chose. Bien sûr notre Rosp est inférieure à celle des généralistes [881 euros en moyenne en 2019 NDLR]. Il faut déjà avoir une patientèle médecin traitant. Si on comptabilise la Rosp, le forfait structure et le forfait médecin traitant, ça peut ne pas être négligeable au vu de nos revenus. Mais on se dit aussi que plutôt que de créer des forfaits dans tous les coins, ils auraient pu revaloriser nos consultations.
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