Il est aujourd’hui vital d’accompagner les cardiologues "dans la mutation de leurs pratiques", a martelé ce jeudi 25 novembre le président du Syndicat national des cardiologues (SNC) lors d’une conférence de presse consacrée à la coopération entre ces spécialistes et les infirmières en pratique avancée (IPA). Faisant le dramatique constat que "l’offre en cardiologie diminue" sur l’ensemble du territoire – avec "environ 220 médecins qui partent à la retraite à chaque année" –, le syndicat voit en les IPA une "opportunité" de libérer du temps médical et d’améliorer la prise en charge des patients. Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 – qui introduit l’expérimentation de la primo-prescription pour les IPA – a suscité "une vague de réactions passionnées de la part des médecins", le syndicat défend au contraire "l’exercice partagé". "Cela fait très longtemps qu’on ressent le besoin d’avoir des gens pour nous aider sur des éléments de soins", admet le Dr Vincent Pradeau, secrétaire général, qui déplore un décalage "entre l’offre de soins et les besoins attendus", du fait des délais de consultations très longs (autour de 3 mois), et de l’augmentation des pathologies chroniques cardiovasculaires (plus d’1 million d’insuffisants cardiaques). Souhaitant le déploiement des équipes de soins spécialisées, le Dr Pradeau assure qu’il ne "ressent pas [le déploiement des IPA] comme une dépossession de l’activité cardio, mais comme une aide technique et intellectuelle", ces dernières permettant notamment d’apporter des compétences en termes d’éducation thérapeutique, d’évaluation clinique, d’adaptation des traitements et leur observance, ou encore une dimension psychosociale. "Il faut passer d’une prise en charge de médecins dans un cabinet à une prise en charge par une équipe, soutient le Dr Marc Villaceque, président du SNC. Dans ce cadre, les IPA auront un rôle essentiel à jouer."
Cadre de santé, diplômée en pratique avancée, Justine Jasson assure elle aussi que l’IPA est "plus qu’une infirmière, mais pas pour autant un ‘mini médecin’. On ne travaille pas pour remplacer les médecins." "Certains ont l’impression de perdre le lead sur la prise en charge" mais "l’IPA travaille dans un cadre défini avec le cardiologue et les recos de la HAS et des sociétés savantes", ajoute-t-elle. La collaboration entre les médecins et l’IPA est formalisée "dans un protocole d’organisation", abonde Eléonore Vitalis, IPA au centre de santé de Nanterre. "Il y a un gros travail sur la conciliation médicamenteuse", donne-t-elle en exemple. Il faut une "autonomie suffisante" mais "pas une indépendance totale", estime le Dr Villaceque. Un guide pratique pour promouvoir la coordination Conscient du changement "difficile" qui est en train de s’opérer, et des réticences qui se font nombreuses, le syndicat a mis en place un guide pratique à destination des professionnels afin de promouvoir la coopération avec les IPA, nécessaire pour répondre "aux besoins quotidiens". Quelle place pour ces professionnelles ? Quelles responsabilités ? Quels bénéfices attendus ? Ce guide aborde un certain nombre de questions dont nombre de cardiologues ne connaissent pas encore les réponses. Concernant l’expérimentation de la primo-prescription par ces infirmières aux compétences élargies, le syndicat s’est dit favorable tant que cela est réalisé "dans un champ de coordination", a dit le Dr Pradeau. Selon lui, c’est la façon dont a été décidée cette mesure qui a fait ressurgir le corporatisme : "Quand du jour au lendemain on vous dit ‘Vous allez faire comme ça’." Le Dr Villanecque estime en effet que ces changements doivent "venir du terrain", et être basés sur "la confiance" entre les soignants, avec des outils co-construits. Cette primo-prescription permettra, selon Eléonore Vitalis, de prescrire les soins infirmiers et ainsi de suivre les patients de manière "plus optimale". A l’heure actuelle, les IPA – qu’elles soient salariées ou libérales – sont encore trop peu à exercer en France pour le syndicat national des cardiologues, qui note un certain nombre de barrières à leur déploiement sur le territoire. "Le logiciel infirmier qui ne communique pas automatiquement avec le logiciel du médecin", pointe par exemple le Dr Villaceque, ce qui provoque des difficultés de partage des données des patients. Leur rôle est par ailleurs méconnu d’une majorité des professionnels. D’où l’importance de les valoriser.
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