c'est ce que promet la société Dok'ici,
qui équipe des camions pour en faire de vrais cabinets médicaux mobiles. Le projet a séduit
le député LREM Jean-Louis Touraine, qui y voit une solution aux déserts médicaux. Adossé
au nouveau centre de santé de Givors (Rhône), un premier camion-cabinet rayonnera dans les communes environnantes dès la rentrée.
Deux ans. C'est le temps qu'il a fallu au projet pour aboutir. En septembre, le premier "cabinet médical mobile" de France mettra enfin le contact pour sillonner les rues des quartiers excentrés de Givors (Rhône) et les routes des villages voisins, à la rencontre des patients sans médecin traitant. Un camion dont l'équipement n'a rien à envier à un cabinet médical classique : mini salle d'attente, table d'examen, échographe, appareil ECG, matériel d'examen ophtalmologique, de prélèvements… Des consultations sur rendez-vous y seront assurées par des généralistes salariés, avec les mêmes conditions de remboursement que dans un cabinet classique.
"Ce n'est pas de la médecine foraine"
Le véhicule est en effet "une extension" du centre de santé qui ouvrira ses portes fin août dans cette banlieue populaire de Lyon, explique le Pr Jean-Louis Touraine, promoteur du projet aux côtés de l'entrepreneur Alain Sitbon, président de Dok'ici. "Ce n'est pas de la médecine foraine, insiste le député LREM du Rhône, président de l'Aceso (Association gestionnaire de centres de santé pour omnipraticiens). Les rendez-vous seront pris auprès du centre de santé, qui assurera le suivi des patients, notamment des patients âgés qui ne peuvent plus se déplacer. Le lundi à tel endroit, le mardi à tel autre, etc., dans un rayon de 30 km aux alentours."
Un concept innovant qui entend répondre aux problèmes d'accès aux soins. Dans certains territoires, les patients doivent faire des trajets de plus en plus longs pour se rendre chez un médecin, quand ils ne finissent pas aux urgences, faute de praticiens disponibles dans des délais raisonnables, constate le Pr Touraine. La baisse de la démographie médicale n'est pas seule en cause, pointe-t-il : "Les jeunes médecins ne veulent plus s'installer seuls, souligne-t-il. Ils veulent exercer en groupe, sans les contraintes administratives du libéral. Les médecins installés seuls partent donc à la retraite sans trouver de remplaçant pour leur cabinet, ce qui signifie qu'il n'y aura plus un médecin dans chaque commune comme avant." Avec les camions-cabinets, la société Dok'ici et l'Aceso promettent donc "le retour du médecin près de chez soi".
Un retour semé d'embuches. Bien que soutenu par Agnès Buzyn –"elle a simplement regretté de ne pas avoir eu l'idée elle-même", remarque Jean-Louis Touraine-, puis par Olivier Véran, le projet a dû obtenir de nombreuses autorisations avant de voir le jour. La commune de Givors a mis 50 000 euros, tandis que la région et l'ARS devraient bientôt débloquer les fonds auxquels un centre de santé peut prétendre. De quoi financer en partie le budget annuel prévisionnel du centre, estimé à 750 000 euros. Quant au camion, en tant que prototype, il est mis à disposition par Alain Sitbon de Dok'ici. Tout équipé, il coûte la bagatelle de 200 000 euros. Sans compter les frais de fonctionnement. "En termes de frais d'essence et de temps de déplacement, les consultations données dans le véhicule s'apparentent à de la visite à domicile, considère le Pr Touraine. Pour parvenir à un équilibre financier, elles doivent être majorées comme telles." Reste à convaincre la Cnam. "On n'a pas eu de fin de non-recevoir mais je n'ai pas encore de réponse précise…", confesse Jean-Louis Touraine.
Concurrence
Il a également fallu convaincre l'Ordre des médecins du bien-fondé de la démarche. Car, même si le cabinet médical mobile n'a rien à voir avec de la médecine itinérante, interdite par le code de déontologie, il peut être perçu comme un concurrent pour les médecins libéraux du coin. Dans l'Ain, autre territoire où l'implantation d'un cabinet médical mobile est prévue, le CDOM n'est "pas très enthousiaste, confie Jean-Louis Touraine. Alors que c'est un territoire très carencé en médecins. Ils se sont montrés plus préoccupés par le maintien de l'exercice libéral." Voir débarquer chaque semaine un médecin salarié dans un camion peut en effet susciter certaines appréhensions. "La concurrence, quand on est à ce niveau d'insuffisance, ça n'existe plus, répond le député. Au contraire, les médecins installés ne se feront plus disputer car ils ne peuvent plus prendre de nouveaux patients ou donner des rendez-vous à moins de trois semaines", souligne-t-il. Pour ce dernier, la profession doit faire sa "mutation générationnelle".
Pour l'heure, deux médecins ont été recrutés, soit l'équivalent d'un temps plein, au centre de santé de Givors. "Il faudrait quatre équivalents temps plein pour fonctionner le centre de 8 à 20 heures la semaine et de 8 à 12h le samedi comme prévu", indique Marion Demontès, chargée de mission à l'Aceso. Les médecins seront rémunérés "sur une base moyenne de 4000 euros brut mensuelle pour un temps plein de 35 heures", précise-t-elle. Deux profils de médecins se distinguent parmi les candidats : "des jeunes médecins remplaçants qui ont besoin de stabilité et des jeunes retraités qui ne veulent pas passer d'une suractivité à pas d'activité du tout", constate le Pr Touraine. Ces derniers sont donc tentés par la possibilité d'un temps partiel.
A la fin de l'année, un autre cabinet médical mobile doit être lancé dans l'Orne. D'autres projets sont en cours en Ardèche, dans le Puy-de-Dôme et dans l'Ain, donc. "Ailleurs, des maires, qui désespèrent de trouver des médecins, nous ont contactés", ajoute Jean-Louis Touraine. Le centre de Givors fera office de test.
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