Les établissement de santé privés d’intérêt collectif et les hôpitaux publics partagent la même mission de service public. Bien qu'ils soient différents dans leur fonctionnement, certains médecins considèrent qu'il serait bon de s'en inspirer, sans opposer leurs modèles.
Ils ont en commun avec l’hôpital public un mode de financement ainsi que des tarifs identiques et les mêmes principes d’égal accès aux soins et de permanence de l’accueil de jour comme de nuit. En même temps, ils partagent avec les cliniques privées de ne pas être astreints aux règles du marché public et de recruter librement leurs personnels. Les Espic ou établissement de santé privés d’intérêt collectif, le nom, depuis la loi Bachelot de 2009, des anciens établissements privés participant au service public (PSPH) sont un modèle, parfois méconnu, dont quelques voix dans le monde de la santé appellent aujourd’hui à s’inspirer davantage. Ce fut notamment le cas dans une tribune dans le Figaro, signé le 26 mai dernier, par des anciens de la Fédération hospitalière de France (FHF) dont les anciens ex ministres Claude Evin ou Jean Léonetti ainsi que Gérard Vincent son ancien délégué général ou encore Alain Milon président de la commission des affaires sociales du Sénat et les Prs Antoine Brézin et Gilles Calais. Ces personnalités plaident pour transformer les hôpitaux publics en établissements privés à but non lucratifs avec « les mêmes missions et obligations de service public que celles qu’ils exercent aujourd’hui ». « C’est le modèle de loin le plus répandu en Europe, plaident-ils. Changer le statut des hôpitaux ne modifierait en rien leurs missions et obligations. Il ne s’agit pas de faire de l’hôpital public une entreprise commerciale rémunérant des actionnaires ». En effet, particularité de ces cliniques à but non lucratif, les Espic doivent réinvestir leurs bénéfices dans l’innovation et le développement de nouveaux services pour les patients.
Mais surtout leurs directeurs ne sont pas nommés par le ministère de la santé, comme ceux des hôpitaux publics, et ceux-ci ont davantage de latitudes dans leurs recrutements des personnels et dans leur gouvernance. « L’épidémie de Covid a obligé les hôpitaux à adopter un mode de gouvernance adapté à une situation de crise en laissant de côté certaines procédures habituelles, note Claude Evin. Cela ne veut pas dire qu’on puisse maintenir ce type de fonctionnement en rythme de croisière. En revanche, il est peut être temps de réfléchir à d’autres types de fonctionnement dans les hôpitaux ». D’où l’intérêt porté aux modèles des Espic alors qu’aujourd’hui un quart des postes de praticiens hospitaliers sont vacants à l’hôpital public. La Dr Pomme Jouffroy, chirurgienne orthopédiste, est présidente depuis janvier 2019 de la commission médicale d’établissement (CME) du Groupe hospitalier Paris Saint Joseph (GHPSJ) dans le 14e arrondissement, qui avec ses 687 lits et places, ses 77 182 séjours hospitaliers et 263 829 consultations externes est l’un des plus gros des 439 Espic. « Pour moi un Espic, c’est un établissement public et la médecine qu’on y fait est...
de la médecine publique, estime la médecin. Il ne faut pas opposer le service rendu par les Espic et le service rendu par les hôpitaux publics, c’est le même ». A côté de l’Assistance publi – Hôpitaux de Paris et ses 100.000 salariés, le Groupe hospitalier Paris Saint Joseph fait encore figure d’hôpital à taille humaine. Est-ce cela qui explique les bonnes relations apparentes entre la direction et la communauté médicale ? « J’estime que pendant le Covid, j’ai codirigé l’hôpital avec mon directeur, raconte la Dr Jouffroy. En temps normal, ce n’est pas nécessaire, car nous nous parlons tous les jours. Quand je ne suis pas d’accord avec lui, je peux lui dire. Quand il n’est pas d’accord avec moi, il peut me le dire. Nous travaillons dans un climat de confiance totale ». Dans un Espic, le directeur est nommé par le conseil d’administration de la structure. « C’est lui qui pilote, qui assume les décisions, qui est responsable des budgets et qui recrute les personnels mais ce n’est pas un autocrate » explique Antoine Perrin, directeur général de la Fehap qui fédère la quasi totalité des Espic. Dans les centres de lutte contre le cancer - qui sont également des Espic - , le directeur est généralement un médecin, ailleurs ce sont plus souvent des profils administratifs. « Le directeur recrute les médecins mais ceux-ci ont toute leur indépendance dans leurs pratiques médicales, ajoute Antoine Perrin. Pour autant, si le directeur veut garder ses médecins, il a tout intérêt à les écouter et à les associer aux décisions ». Dans la plupart des établissements, les médecins sont salariés mais ce n’est pas une obligation.
Ainsi par exemple, la Fondation de la maison du Diaconat de Mulhouse qui est le 5e groupement hospitalier par la taille de la région Grand Est travaille avec des médecins libéraux. « Les médecins qui étaient salariés dans les établissements que nous avons repris le sont restés, souligne Jean Widmaier, président du conseil d’administration de cette fondation protestante. Mais nous pensons que le statut de médecin libéral est plus efficace ». Dans tous les cas, dans les Espic, le pouvoir du conseil d’administration reste central. Même si c’est en lien avec les agences régionales de santé, c’est en effet lui qui décide notamment des ouvertures et des fermetures de services ou des rapprochements d’établissements, parfois d’ailleurs sous l’impulsion de la communauté médicale. Pourtant rien n’oblige...
les Espic à se doter d’une CME. Seul le comité social économique (CSE) est obligatoire comme dans toute entreprise. « Nous ne voulons surtout pas qu’on nous impose par décret une façon de nous organiser, insiste Antoine Perrin. La meilleure gouvernance est celle que se choisit chaque structure selon ses propres impératifs, sa culture, son histoire et ses spécificités». Les médecins, comme les autres personnels, sont recrutés dans les Espic selon des contrats de droit privé et une grille salariale fixé par la convention collective des établissements à but non lucratif du 31 octobre 1951. Aujourd’hui, les négociations salariales, dans le cadre du Ségur de la santé, concernent exclusivement le public, mais les Espic devront s’aligner pour rester attractifs. « Nous demandons à pouvoir faire bénéficier à nos salariés du strict équivalent, poursuit Antoine Perrin. En revanche, nous voulons pouvoir utiliser une enveloppe financière pour l’injecter dans notre convention collective par la voix de la négociation avec nos organisations syndicales ». En effet, les tarifs des séjours hospitaliers sont exactement les mêmes que l’hôpital public. « Nous souhaitons une rémunération qui sont dynamisante, vertueuse et responsabilisante, résume Antoine Perrin. La tarification à l’activité a un intérêt car elle permet qu’il n’y ait pas de rente de situations mais il faut qu’elle soit modulée pour inciter aux bonnes pratiques. Nous sommes ainsi intéressés par les financements à la qualité, à la pertinence et au parcours ». Enfin, comme les hôpitaux publics, les Espic participent largement à la recherche et leurs médecins sont parfois également enseignants. En juillet 2019, 11 Espic adhérents à la Fehap ont créé une association dédiée à la recherche clinique (Respic) afin d’orienter les industriels et de faciliter de le déroulement des essais. « Les Espic de la Fehap ont un poids équivalent dans les programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) au 5e CHU du classement » se félicite Antoine Perrin. Sans compter la présence des centres de lutte contre le cancer dans la recherche.
Dans leur fonctionnement, les Espic et les hôpitaux publics ont autant de similitudes que de différences. « Notre secteur est né entre le 19e et le 20e siècle à l’initiative de la société civile, que ce soit par des congrégations, des syndicats ou des mutuelles, partout où il y avait une carence de l’Etat » rappelle Antoine Perrin. Ces origines historiques sont peut-être la raison pour laquelle, le public et le non lucratif se regardent encore parfois comme chien de faïence. « Lorsque l’épidémie de Covid a démarré dans la région Grand Est, l’hôpital public n’a pas tout de suite demandé l’aide des Espic bien que ceux-ci avaient arrêté leur activité programmé comme l’ARS leur avait demandé » rappelle le directeur de la Fehap. La progression de l’épidémie a pourtant rendu la collaboration indispensable et elle fut finalement fructueuse.
On compte 439 établissements ayant le statut d’Espic, selon la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Fehap), soit une capacité de 52.336 lits. Ce secteur reçoit 1,3 million de patients hospitalisés par an et représente 43,3% de l’offre nationale d’hospitalisation à domicile, 21% des établissements de soins de suite et de rééducation (SSR) et 35% de l’offre de dialyse. Pour compléter le tableau, il convient d’ajouter les 18 centres de lutte contre le cancer (CLCC) qui sont également des Espic, non adhérents de la Fehap, mais fédérés au sein d’Unicancer. Les CLCC prennent en charge 530 000 patients par an en courts séjours, HAD et actes externes et réalisent 1,1 million de consultations.
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