Carrières, missions, finances : comment la Cour des comptes veut rebooster les CHU
Alors leur création en 1958 a "largement contribué à la modernisation du système de santé français", les CHU sont aujourd'hui "fragilisées dans leurs missions", constate la Cour des comptes. Face à l'"essoufflement du modèle", elle formule plusieurs recommandations.
Soins, formation, recherche. C'est la triple mission confiée aux 30 CHU français. Mais force est de constater que leur exercice est "inégal", pointe le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, dans un référé adressé au Premier ministre. "Des disparités très importantes existent entre CHU en termes de taille et de volume d'activité", note d'emblée le représentant de la juridiction financière : les huit CHU les plus petits disposent de budgets de moins de 500 millions d'euros. Ce qui engendre pour certains établissements une difficulté à "assurer la totalité de leurs missions". Contrairement à la "plupart des établissements hospitalo-universitaires étrangers", les CHU français ne se concentrent pas assez sur leurs missions d'expertise et de recours. Dans les CHU de Brest, Nice, Nîmes, Poitiers, Tours ou la Martinique, les activités de recours ne représentent que 3% de l'activité totale. Les soins de proximité, en revanche, représentent "une part prépondérante" de l'activité des CHU : 5% de séjours chirurgicaux, 56% de séjours médecine. Ce qui ne les distinguent guère des CH : 6.2% de séjours chirurgicaux, 52% de séjours de médecine. Et surtout, ils font face à "une concurrence très forte des cliniques du secteur privé", dans les domaines de l'obstétrique, de la cardiologie interventionnelle, des endoscopies digestives, de la chirurgie de la cataracte et de l'urologie. "Ce constat ne peut manquer de soulever la question de la pertinence de la gradation des soins dans notre pays", estime la Cour.
"L'activité de recherche apparaît concentrée dans les plus grands CHU"
Même inégalité d'exercice des missions dans les champs de la recherche et de la formation. Alors que la France se situe désormais au 8e rang mondial en matière de recherche médicale (dépassée par la Chine ou les Pays-Bas), "l'activité de recherche apparaît concentrée dans les plus grands CHU", au premier rang desquels l'AP-HP (31.1% du total, devant les Hospices civils de Lyon à 5.6%). De nombreux CHU sont ainsi surpassés par certains centres de lutte contre le cancer, tels l'Institut Gustave-Roussy et l'Institut Curie, voire par des établissements privés comme l'hôpital Foch à Suresnes. "Autre facteur d'inégalités" relevé : le taux d'encadrement des étudiants en médecine par les enseignants. Si à Paris 5, un poste d'enseignant (titulaire ou non) correspond à 5.29 étudiants, à Lille 2 le taux d'encadrement est de 15. Pour la Cour, le modèle du CHU s'essouffle. Le déséquilibre financier est "récurrent" avec un résultat consolidé "constamment déficitaire" depuis 2011, du fait surtout "de charges insuffisamment maîtrisées" (+24% de dépenses de sous-traitance et de prestations extérieures sur la période 2012-2016), qui diminuent la capacité des établissements à investir et prévenir la vétusté des équipements et de l'immobilier. La "productivité des personnels apparaît très variable d'un CHU à l'autre", pointe encore la Cour : à Rouen, on compte 236 séjours MCO par ETP médical, contre seulement 157 à Nîmes et 131 à Paris. Ce qui est "notablement" inférieur à la productivité observée dans les CH.
64 démissions de PU-PH et MCU-PH
L'attractivité des carrières hospitalo-universitaires est en jeu : 64 démissions de PU-PH et MCU-PH ont été recensées au cours des cinq dernières années. "Les souplesses ouvertes par le statut ne suffisent plus aujourd'hui à masquer les difficultés d'exercice professionnel", constate le document. Non seulement l'exercice "à haut niveau" des trois missions est "illusoire" et se transforme dans la pratique en bi-spécialisation voire en mono-spécialisation, mais d'autres activités se sont rajoutées : gestion des services ou des pôles, fonctions de représentation, expertise auprès d'institutions publiques, groupes de travail. "L'exercice professionnel des personnels hospitalo-universitaires est rarement évalué" et l'incapacité à quantifier le temps médical affecté aux différentes missions rend difficile de "rapprocher" les coûts des recettes Merri (missions d'enseignements, de recherche, d'innovation et d'intérêt général). Pour donner un nouveau souffle aux CHU, la Cour recommande de les regrouper en une dizaine de réseaux. En matière de recherche, cette mise en œuvre de réseaux "a pour objet de coordonner les moyens à une échelle assurant une taille critique ainsi que la nécessaire visibilité internationale". Une organisation également "souhaitable" en matière de soins, alors que tous les CHU ne sont pas en mesure de couvrir l'ensemble des activités d'une part, et possèdent parfois des plateaux techniques "redondants" d'autre part (exemple de la transplantation). Pour améliorer l'attractivité des carrières, l'institution plaide pour la définition des obligations de service, "garantie" contre des exigences croissantes, pour une contractualisation tripartite entre l'université, le CHU et le médecin, et pour reconnaître à certains PH "particulièrement engagés dans les activités de recherche et de formation" une valence universitaire. La Cour recommande également de revoir les conditions de financement des CHU, notamment en modifiant les conditions d'allocation des dotations Merri.
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