Démission de plus de 1000 chefs service : "Tout ce qui ne relève pas de l'intérêt des patients n'est plus notre problème"
Egora.fr : En septembre dernier vous disiez à Egora vouloir créer un rapport de force avec le collectif Inter-hôpitaux. Y-êtes-vous parvenu ? Pr André Grimaldi : Non. Le rapport de force n'était pas pour nous, mais pour que les hôpitaux aient les moyens de soigner correctement. Qu'on n'envoie pas les enfants ou les nourrissons à 200 kilomètres de Paris en réanimation.
Plusieurs centaines de chefs de service envisagent de démissionner de leurs fonctions administratives pour faire pression. Qu'en est-il vraiment ? À ce jour, plus de 1000 responsables médicaux dont 600 chefs de service, mais aussi des responsables d'unité, des chefs de pôle… ont décidé de démissionner collectivement si la ministre n'est pas capable d'ouvrir des négociations. La demande est simple, il faut un correctif budgétaire. 300 millions d'euros pour l'hôpital ont été alloués en catastrophe entre les deux votes de l'Assemblée nationale, dont 100 millions pour les Ehpad. Le gouvernement demandait 800 millions d'euros d'économies à l'hôpital. Ça veut dire qu'il en manque 500, hors toute augmentation de salaire. L'AP ne recrute plus. 400 postes sont budgétés mais non pourvus, avec des lits fermés. Le problème, ce n'est pas que nous n'avons pas de rapport de force par rapport à la ministre. C'est elle qui n'a pas de rapport de force dans le gouvernement. Si elle a obtenu un petit peu entre les deux votes c'est grâce à nous, parce qu'il y a eu une manifestation très importante le 14 novembre. Le 20 novembre le Premier ministre a fait les annonces budgétaires. Il a annoncé donner sur trois ans, 1,5 milliards à l'hôpital. N'importe qui comprendrait qu'il donne donc environ 500 millions par an. En fait non. Il s'agit de cumuler ce qu'on donne une année, puis l'année d'après et encore la suivante ce qui permet de faire un total énorme. C'est comme si on nous disait que notre cadeau de Noel, c'est celui de cette année et des précédentes ! Tout cela c'est de la communication. Pour nous c'est peu supportable.
Je rappelle que les médecins démissionnaires ne demandent rien pour eux. Ils ne réclament rien pour leurs retraites, ni leurs salaires. Ils demandent que l'hôpital, qui est un bien public qui nous a été envié, arrête de se dégrader à vitesse grand V. Si la Ministre était encore un médecin, elle s'appuierait sur notre mouvement pour obtenir des fonds de Bercy. L'hôpital c'est un investissement. Casser l'hôpital va coûter très cher à la société. Beaucoup plus cher que de l'entretenir. Transporter 25 nourrissons en Smur à plus de 200 kilomètres de Paris, cela coûte très cher. Et je ne parle pas de la souffrance des parents. Il ne s'agit pas...
d'un mouvement corporatiste. Nous nous battons au nom de l'éthique et de la société. Nous ne bloquons rien. Nous continuions les soins, l'enseignement, la recherche. Quelle est la prochaine étape ? J'ai envoyé une lettre à la Ministre pour dire qu'une délégation des démissionnaires voudrait être reçue. Cette lettre est signée par plus de 1000 responsables médicaux. Si elle décide de faire un correctif budgétaire, tout peut changer. Mais nous n'avons pas de réponse. Nous réunissons la presse aujourd'hui pour expliquer le sens politique de cette démission et ce qu'elle va entraîner. Il ne s'agit pas que de Paris. C'est un mouvement national. Il y a Marseille, Rennes…
J'avais appelé publiquement à voter pour le Président Macron avec de nombreux médecins. Je n'ai pas appelé à voter pour l'austérité dans les hôpitaux. Je ne comprends pas que pendant 5 ans, une personne ait tout le pouvoir. Madame Buzyn n'en a aucun. Le seul qui peut changer la situation c'est le Président Macron. Nous avons eu beaucoup d'espoir avec Agnès Buzyn. Notre déception est à la hauteur de l'espoir que nous avons entretenu. Nous lui en voulons. Elle ne s'est jamais appuyée sur nous. Si rien n'est fait, il va arriver des tuiles dans les hôpitaux. Il y a déjà des personnes plus ou moins âgées qui sont mortes sur des brancards à Cochin ou Lariboisière. Ça fait la une de la presse puis ça passe. Lorsque ça arrivera sur un enfant ou un nourrisson, je ne suis pas sûr que ça passe si facilement… Les politiques seront responsables. Il faut comprendre qu'avec ces démissions, il n'y aura plus de chefs de service. Les médecins ne feront plus ce qui selon eux ne fait pas partie de l'intérêt des malades. Par exemple les tableaux de bord, les indicateurs de qualité… Tout cela ne sera plus notre problème. Avez-vous le sentiment d'être compris par les patients ? Tout à fait. Il y a d'ailleurs une lettre au Président de la République signée par près de 300.000 personnes. Les gens réalisent que la santé est un bien commun.
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