Démissions en série, arrêts maladie… Le retour d’un médecin suspendu sème la pagaille à l’hôpital de Gap

12/04/2021 Par Louise Claereboudt
Quatorze médecins de l’hôpital de Gap (Provence-Alpes-Côte d'Azur) se sont mis en arrêt maladie pour protester contre le retour d’un praticien, suspendu deux ans auparavant après avoir dénoncé les pratiques d’un confrère. Près de 200 agents ont manifesté devant l’établissement samedi dernier. 
 

Le retour du Dr Raouf Hammami, 52 ans, a provoqué une vague de protestations au sein du centre hospitalier de Gap (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Quatorze médecins se sont mis en arrêt maladie depuis le retour du chirurgien orthopédique, suspendu depuis deux ans après avoir dénoncé les pratiques d’un confrère. 

En 2018, alors chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l’hôpital, ce médecin avait alerté sur une technique expérimentée par le Dr Gilles Norotte en dehors de tout cadre légal. Il l’accusait d’avoir utilisé ses patients comme “cobayes”, en ayant recours à une technique non validée en France, la cimentoplastie discale. Des faits pour lesquels une enquête pénale est en cours. 

Après une expertise commandée par l’Agence régionale de Santé (ARS) aboutissant à un “rapport accablant” et plusieurs plaintes de patients -dont certains ont dû être réopérés suite à des complications liées aux opérations-, le Dr Norotte a fini par être suspendu pour une durée d’au moins six mois, révélait RTL le 5 février dernier. 

Le Dr Hammami avait quant à lui été accusé de harcèlement et menaces en interne. Depuis son retour, accordé par l’ARS, le 22 mars dernier, les tensions sont vives au sein du centre hospitalier. Quatorze médecins se sont mis en arrêt maladie, tandis que certains ont démissionné de leurs fonctions administratives pour témoigner leur désaccord.  

 

Manifestation 

Suite au départ de la dizaine de médecins, des opérations ont dû être déprogrammées, faisant craindre “des pertes de chances pour certains patients”, témoigne à l’AFP le Dr Thierry Craviari, chirurgien orthopédiste, lui-même en arrêt. En pleine épidémie de Covid,  un collectif de soignants s’inquiète également d’“une rupture des prises en charge traumatologiques” dans le service de chirurgie et a lancé une pétition

Près de 200 membres du personnel, agents et soignants, ont par ailleurs manifesté samedi 3 avril devant l’hôpital, inquiets pour l’avenir des services de chirurgie et du bloc opératoire, rapporte le Dauphiné libéré. “Depuis quinze jours, le retour d’un médecin génère à nouveau un stress énorme dans les équipes. On n’arrive plus à se concentrer. On a peur de faire des bêtises. Si je m’arrête, c’est parce que je n’arrive plus à travailler”, confie un praticien. 

Dans les colonnes du Dauphiné libéré, l’avocat du Dr Hammami indique que “si la permanence des soins est mise en péril, ça ne sera en aucun cas du fait du Dr Hammami qui, depuis sa réintégration, assure avec conscience sa mission de praticien hospitalier”. De son côté, la direction de l’établissement assure qu’elle met “tout est œuvre pour garantir la permanence des soins”. Des renforts pourraient être mobilisés, précise l’ARS. 

 

Médiation 

Selon l'AFP, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers (CNG),  dépendant du ministère de la Santé, a décidé le 9 avril de ne pas prendre de sanction à l'encontre du Dr Hammami. "Aussi regrettables que puissent être certains termes que vous avez employés ou certaines de vos attitudes, votre comportement ne peut être qualifié de fautif", a écrit sa directrice dans une décision. Un "soulagement" et une "satisfaction" pour le praticien qui indique être "lavé de toute accusation de harcèlement, menace ou comportement inadapté". Mais une décision dénoncée par les soignants opposés au retour du médecin qui appellent à manifester ce vendredi.

Appelant le chirurgien à sa mobilisation pour "contribuer à un climat d'apaisement pour cette reprise", la directrice du CNG a également indiqué qu'une médiation allait être organisée dans un but d'apaisement et de garantie de la qualité et de la sécurité des soins.

 

[avec Le Dauphiné libéréBFMTV et AFP] 

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