"Médiocrité" des radiologues : cette autre affaire Raoult jugée devant l'Ordre des médecins
Vendredi 21 juin, juste avant que soit abordée la grande affaire de l'hydroxychloroquine, le Pr Didier Raoult comparaissait en appel devant la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins pour des propos tenus en 2018 et 2019 sur les radiologues, jugés anti-confraternels par le CNP de la spécialité.
"En France, la recherche en radiologie est très faible, car les universitaires de radiologie consacrent une partie très importante de leur énergie à la pratique de l'activité privée", lançait le Pr Didier Raoult, alors directeur de l'IHU Marseille Méditerranée infection, dans une chronique publiée le 4 décembre 2018 sur le site du Point, critiquant le "retard français" en matière d'imagerie médicale. Pour "sortir d'une situation" qui "sur le plan médical, de [son] point de vue, n'a pas d'équivalent en termes de médiocrité", le microbiologiste préconisait notamment de "réaliser des scanners à basse densité au lieu de radiologies mal interprétables, mal transférables", "d'investir dans l'IRM, remplacer les examens agressifs par le PetScan"… et d'"exiger un minimum de travail universitaire des radiologues hospitaliers".
Des propos qui avaient fait bondir le conseil national professionnel (CNP) de radiologie et d'imagerie médicale (G4), à l'origine d'un droit de réponse. Mais quelques semaines plus tard, au cours d'une conférence mise en ligne sur Youtube, le Pr Raoult avait remis le sujet sur le tapis, évoquant ses "problèmes avec l'imagerie médicale" et affirmant en outre que la radiologie était un site majeur de transmission de la grippe.
Jugeant que ces propos étaient contraires au devoir de confraternité et qu'ils déconsidéraient la profession, le CNP de radiologie a porté plainte en 2019. Mais dans une décision rendue le 1er septembre 2022, la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire avait rejeté cette requête, évoquant quant à elle des propos "maladroits" reposant sur "plusieurs éléments factuels", "formulés en termes impersonnels dans le cadre d'une chronique journalistique et d'une intervention universitaire sur un thème d'intérêt général". Les "limites" déontologiques posées à la liberté d'expression n'ont pas été franchies, tranchait-elle.
Le CNP et le Cnom ont fait appel de cette décision, ce dernier considérant que de tels propos, "adressés à un public non professionnel", pouvaient bel et bien "entrainer une perte de confiance et même une méfiance à l'égard des radiologues", surtout s'agissant d'un sujet aussi "sensible" que le dépistage du cancer. Le Pr Raoult "a préféré utiliser un canal grand public pour diffuser ce genre d'idées plutôt que s'adresser directement aux radiologues", a chargé l'avocat du Cnom, lors de l'audience en appel, ce vendredi 21 juin, à laquelle Egora a pu assister.
"Je ne referai pas la même critique aujourd'hui"
"Un peu moins de bavardage, un peu plus de faits. Moi je suis un scientifique pas un avocat", a lancé Didier Raoult, seul pour assurer sa défense dans cette affaire. En France, "le niveau d'équipement en IRM et en radio par habitants est l'un des plus bas des pays de l'OCDE", a-t-il pointé, évoquant un "problème global de gestion" qui n'est pas "propre à la radiologie". "Le même scanner sert pour l'activité hospitalière et pour le privé", a-t-il chargé. "La France a le taux d'occupation du privé le plus élevé, je l'ai dit face à face au président Macron quand il est venu dans mon bureau ; il m'a dit : 'je le sais c'est volontaire'." "Nous savons que nous sommes sous-équipés et dans ce niveau de sous-équipement il est impossible de faire quelque chose qui est considéré comme en partie superflu : la recherche", a soutenu Didier Raoult.
L'ancien directeur de l'IHU a ensuite abordé la problématique marseillaise. "Ce domaine était un domaine dans lequel nous étions en panne dans la gestion des malades, nous ne pouvions pas traiter les malades dans des délais corrects. J'ai même demandé à l'ARS un scanner pour l'IHU pour éviter que les malades attendent aux urgences pour avoir des téléthorax tordus", ininterprétables. La situation a évolué favorablement depuis, a tenu à souligner l'infectiologue. "Heureusement on a passé tout le Covid avec des scanners low dose." "Je ne referai pas la même critique aujourd'hui", a-t-il déclaré.
Interrogé sur le terme "médiocrité", Didier Raoult a répondu non sans une pointe d'ironie qu'il manquait peut-être d'un peu de "vocabulaire". "Je ne sais pas comment traduire le fait que les radios faites dans les hôpitaux sont facturées mais ne sont pas interprétées…", a-t-il rétorqué, avant d'insister : "Je préfère parler de médiocrité dans la gestion. C'est la gestion qui est médiocre."
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